1. NOUVELLES MESURES

Jeudi 30 juillet, la commission des finances du Congrès des Députés a définitivement adopté les projets de loi sur la taxe sur les transactions financières et sur la taxe sur les services numériques. Après avoir introduit quelques modifications mineures, les deux textes seront désormais débattus et votés au Sénat à la rentrée. Initialement prévus pour fin 2020, le retard causé par la crise sanitaire dans la procédure parlementaire devrait vraisemblablement retarder son application à janvier 2021. Ces nouvelles taxes constituent le premier élément de la réforme fiscale souhaitée par l’exécutif.

À l’issue d’une réunion avec le PDG d’Airbus, le Président Sánchez a annoncé un plan de soutien au secteur aéronautique de 185 M€. Le « Plan Technologique Aéronautique » sera géré par le CDTI, entité publique promouvant l’innovation et le développement technologique dépendante du Ministère des Sciences et de l’Innovation, et financé en partie par les fonds de reconstruction européen avec 25 M€ pour 2020, 40 M€ en 2021, 80M€ en 2022 et 40 M€ en 2023. De plus, des aides partiellement remboursables allant jusqu’à 150 M€, de nouveaux programmes dans le domaine de la défense et un fonds d’appui à la chaine d’approvisionnement aéronautique en Espagne de 100 M€ en coopération avec AIRBUS et TEDAE (association sectorielle espagnole de l’aéronautique et de la défense) ont été annoncés. De son côté, AIRBUS s’engage à « minimiser l’impact sur l’emploi en Espagne et à chercher des solutions pour les sites avec la charge de travail moins importante ». Ce plan intervient alors que certaines entreprises du secteur en Espagne ont déjà annoncé des plans de licenciements, dont notamment ITP Aero et Aernnova, face au contexte de crise.

Mercredi 29 juillet, le Congrès des Députés a définitivement adopté les conclusions pour la reconstruction économique dont le vote a dû être répété après une erreur avec un vote la semaine dernière. Désormais, le Congrès a donné son accord aux conclusions en matière sanitaire, de politique européenne et de reconstruction économique et sociale. En revanche, les conclusions en matière de politique sociale ont été rejetées. Désormais, ces conclusions serviront de fil directeur à l’exécutif pour les prochaines réformes.

En outre, le parti d’extrême droite Vox (52 députés) a annoncé la présentation d’une motion de censure en septembre estimant que le gouvernement a développé « la pire gestion de la pandémie au niveau mondial ». Toutefois, la motion aura très peu de chances d’être adoptée compte tenu du refus déjà annoncé de la part du Parti Populaire, principal parti d’opposition (89 députés) et du caractère constructif de la motion de censure en droit espagnol, impliquant non seulement la censure du gouvernement en place mais aussi l’élection automatique d’un nouveau Président du Gouvernement.

 

Lors du Conseil des Ministres hebdomadaire tenu le 28/07, le Gouvernement a adopté la 1ère tranche de 8 Md€ de la ligne de 40 Md€ de garanties publiques de l’ICO annoncée le 03/07. Cette première tranche financera la trésorerie (loyers, salaires, approvisionnements,…) et les investissements (particulièrement en transition écologique et numérique) des entreprises, avec 5 Md€ réservés pour les PME et travailleurs indépendants avec une garantie de l’ICO à 80% et 3 Md€ pour le reste des entreprises avec une garantie à hauteur de 70%. La 3ème Vice-présidente et Ministre de l’Économie et de la Transition Numérique, Nadia Calviño, a indiqué que l’exécutif espère mobiliser au total 200 Md€ en liquidités et investissements grâce à la ligne de 100 Md€ mise en œuvre ces derniers mois et à la nouvelle ligne de 40 Md€ précitée.

En outre, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures supplémentaires, dont l’adoption de la nouvelle édition du Programme de Réindustrialisation et de Renforcement de la Compétitivité Industrielle « REINDUS », avec un budget de 340,9 M€ en 2020. Les entreprises bénéficiaires pourront recevoir un prêt allant jusqu’à 800 000€ pour des améliorations et/ou modifications de leurs lignes de production, acquisition d’équipements, réduction d’émissions de gaz à effet de serre et implantation de technologies « industries connectées 4.0 ». Cette année, les entreprises ayant subi les conséquences économiques de la pandémie seront prioritaires. De plus, l’exécutif a approuvé un décret royal établissant une ligne de 30 M€ pour compenser les armateurs et pêcheurs ayant subi un arrêt de leur activité pendant l’état d’alerte, co-financé à 75% par le Fond Européen Maritime et pour la Pêche et à 25% par le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation.

Au niveau du dialogue social, le Ministère du Travail s’est à nouveau réuni le 28/07 avec les partenaires sociaux pour avancer sur le projet de loi sur le télétravail. Selon le journal économique Expansión, l’exécutif aurait prévu d’adopter le texte cet été et la dernière version présentée par le Ministère du Travail qui servirait de base pour les négociations inclurait les points principaux suivants :

  • L’entreprise devra payer les frais du télétravail à l’employé, dont notamment ceux relatifs à l’équipement, outils et tout autre moyen nécessaire. Les conventions collectives devraient déterminer les dépenses relatives au télétravail et le moyen de paiement associé. Les organisations patronales ont souligné le risque lié au paiement des dépenses privées de l’employé.
  • L’entreprise ne pourra pas exiger que l’employé utilise ses moyens personnels, dont notamment l’installation de logiciels sur tout support personnel (téléphone, ordinateur, tablette,…). De même, l’employé ne pourra pas faire d’usage personnel des outils de travail.
  • Contenu de l’accord pour le télétravail : l’accord de télétravail entre l’entreprise et l’employé devra inclure au minimum le salaire, la compensation pour les dépenses associées au télétravail, un  inventaire de l’équipement mis à disposition par l’entreprises détaillant la vie utile de celui-ci, l’horaire de travail, les moyens de contrôle du travail par l’entreprise, le lieu où l’employé sera en télétravail (choisi librement par celui-ci) et le centre de travail de l’entreprise correspondant à l’employé. Une période d’adaptation est prévue pour que les conventions collectives et les entreprises adoptent ces nouvelles modalités.
  • Droit à la déconnexion : obligation de respecter le temps de repos de l’employé hors de l’horaire du travail, sans sollicitation par courrier électronique, téléphone ou tout autre moyen numérique. Les conventions collectives pourront établir des circonstances exceptionnelles pour demander la connexion du travailleur.
  • Caractère volontaire du télétravail : interdiction du licenciement pour refus de travailler en télétravail, demande de retour au travail présentiel ou manque d’adaptation à cette modalité.

 

La Sécurité Sociale et les communautés autonomes ont signé un protocole d’échange d’information pour faciliter la transition des près de 300 000 bénéficiaires des systèmes régionaux de revenu minimum au nouveau Revenu Minimum Vital (RMV). Désormais, les régions recevront chaque semaine les données des bénéficiaires du RMV afin d’adapter leurs dispositifs à cette nouvelle réalité. Selon le nouveau schéma, le RMV devient un socle de base que les régions pourront ensuite compléter avec une prestation régionale si estimé opportun. Selon le Ministère de l’Inclusion, de la Sécurité Sociale et des Migrations, un premier versement du RMV a eu lieu fin juin à 74 119 foyers et près de 600 000 demandes ont été formulées en un mois. Le 2ème versement est prévu le 3 août prochain.

2. ANALYSES MACROECONOMIQUES

AIREF

L’AIReF prévoit une chute inter-trimestrielle de 20% du PIB au T2 2020. Après avoir mis à jour son modèle de prédiction du PIB en temps réel avec l’Enquête sur la Population Active du 2ème trimestre, l’équivalent espagnol du Haut Conseil des Finances Publiques a revu à la baisse ses prévisions de chute du PIB de 6 points, passant de -14% à -20%.

INE

L’Indice des Prix à la Consommation annuelle recule de 0,6% en juillet. Selon la note de l’Institut National des Statistiques (INE), l’estimation avancée de l’IPC pour juillet enregistre un niveau négatif pour le 4ème mois consécutif, poussé par la baisse des prix dans le tourisme, l’hôtellerie et l’alimentation. L’INE propose deux variables spécifiques pour évaluer l’impact de la pandémie sur les prix avec le « groupe de biens Covid-19 »[1] qui augmente de 1,8% (variation annuelle) et le « groupe de services Covid-10 »[2] qui recule de 3% (variation annuelle).

L’économie espagnole détruit plus d’un million d’emplois au T2 2020. Selon l’Enquête de Population Active de l’Institut National des Statistiques (INE), l’emploi a connu un recul inédit lors du trimestre précédent sous l’effet des mesures de confinement et de dé-confinement qui a couvert la quasi-totalité de la période[3]. Au niveau du chômage, l’INE recense 55 000 nouvelles personnes en recherche d’emploi, portant le total à 3 368 000 personnes et le taux de chômage à 15,33%, en hausse de 0,9 points par rapport au T1. Cette hausse limitée s’explique par l’impossibilité, selon les critères de l’OIT, d’inclure dans cette catégorie les personnes ne remplissant pas la condition de recherche active d’emploi, rendue impossible dans le contexte de confinement. Ainsi, les personnes ayant perdu leur emploi dans ce cas de figure ont été considérées comme « inactives », catégorie qui a enregistré 1 074 000 nouvelles personnes et qui reflète avec plus précision le niveau de destruction d’emploi et dont une grande partie devrait vraisemblablement être considérée en recherche d’emploi dès le prochain trimestre.

GOUVERNEMENT

Fin juin, le déficit public de l’État central s’élevait à 48,8 Md€, soit 4,36% du PIB, le déficit le plus élevé à cette période de l’année sur toute la série historique entamée en 2004. Cette augmentation s’explique, d’un côté, par la baisse des ressources à 81 Md€, soit -14,4%par rapport au S1 2019, poussée surtout par la réduction de 18,1% des recettes fiscales (81% des ressources) et notamment pour la TVA (-18,1%), l’IR (-28,7%) et l’IS (-10,6%). De plus, les dividendes et les intérêts ont également reculé de 31,7% et de 18,7% respectivement. D’un autre côté, les dépenses se sont élevées à 130 Md€, en hausse de 23,7% par rapport au S1 2019, dû notamment à l’augmentation des versements et aux avances du système de financement régional, aux mesures extraordinaires d’appui aux régions et à la Sécurité Sociale dans le contexte de la crise et à la hausse de 22% des consommations intermédiaires, principalement pour des dépenses sanitaires extraordinaires.



[1] Produits alimentaires, boissons, tabac, produits d’hygiène et non durables pour la maison, produits pharmaceutiques, alimentation pour les animaux et articles pour l’entretien personnel.

[2] Location de logements et de garages, distribution d’eau, réseaux d’assainissement, collecte des ordures, électricité, gaz, gazole pour le chauffage, services de téléphone, musique et télévision en streaming, commissions bancaires et services funéraires.

[3] L’état d’alerte s’est étendu du 14 mars au 21 juin, intégrant l’ensemble du processus de dé-confinement qui s’est allongé du 4 mai au 21 juin.