Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.

L’Afrique : nouvelle terre promise de la puissance numérique chinoise ?

Caractérisée par des marchés peu matures où les grands acteurs internationaux ne sont pas encore solidement installés et globalement dépourvue de cadre juridique dans le domaine numérique, l’Afrique apparaît comme un terrain privilégié pour édifier les « Routes de la soie numériques » appelées de ses vœux par le leadership chinois depuis 2015. La Chine a ainsi élaboré à son endroit une stratégie globale et financée, qui s’étend désormais jusqu’à la coopération en matière de politiques publiques et de droit. Cette stratégie poursuit ainsi à la fois une logique économique – sécuriser et étendre des marchés pour des entreprises chinoises – et plus politique : promouvoir les méthodes et standards de gouvernance dans le domaine cyber et, partant, une certaine vision du rapport entre l’État et la société civile.

 

La stratégie internationale de la Chine en matière de standardisation

L’influence chinoise en matière de standardisation, à l’exception de certains secteurs où les acteurs chinois sont en position de force (5G, IoT, smart city, blockchain, etc.) reste aujourd’hui relativement faible. Consciente de ces limites, la Chine cherche à promouvoir ses normes sur une base bilatérale auprès des pays en voie de développement situés le long des « Nouvelles Routes de la Soie » à qui elle propose des solutions « clés en main », notamment pour les infrastructures et le numérique (Routes de la Soie numériques). La compétitivité économique de la Chine renforce l’attrait des propositions chinoises en matière de normes et de gouvernance du numérique.

 

Le système chinois de standardisation : un outil de politique industrielle en cours de réforme

La définition chinoise de standard va au-delà de la définition usuelle – une norme appliquée à un bien ou un service pour permettre l’interopérabilité des modèles développés par des acteurs différents – en incluant également des règlementations contraignantes et des « standards d’entreprise » propre à un chaque société. Extrêmement complexe, le système chinois de normalisation est en cours de réforme et fait l’objet d’une réflexion stratégique. Les fondamentaux de cette réflexion sont clairs : préservation du rôle central de l’État, mobilisation des standards comme outils de politique industrielle et renforcement des exigences environnementales. La coopération internationale doit en outre permettre d’accompagner la montée en gamme des standards industriels chinois.

 

Le soutien à la mobilité hydrogène en Chine

Dans son 13ème plan quinquennal (2016-2020), la Chine prévoit l’utilisation de l’hydrogène pour les réseaux électriques distribués et les véhicules à énergies nouvelles (NEV). Pour atteindre ses objectifs de développement de la filière hydrogène, le pays devra tripler sa production d’hydrogène d’ici 2050 mais aussi développer une filière complète en aval. Le très fort soutien affiché ces dernières années par le secteur public à différents niveaux (ministères, gouvernements locaux, SOE) a incité les acteurs privés à lancer de nombreux projets d’investissements sur des segments tels que les véhicules à propulsion hydrogène (FCV), les piles à combustibles, la distribution, ou encore les applications industrielles. La suppression attendue des subventions au niveau central en 2021, ainsi que les déclarations du Ministère des Finances, indiquent cependant que la mobilité hydrogène n’est plus considérée que comme un complément aux véhicules électriques classiques.

 

Hainan : vers la création d’un « port franc » aux caractéristiques chinoises ?

Le 1er juin 2020, le comité central du Parti communiste chinois (PCC) et le Conseil des affaires d’Etat ont publié conjointement un document portant sur le projet de « premier port franc aux caractéristiques chinoises » à Hainan (extrême-sud de la Chine), concept introduit en octobre 2017 par le Président Xi Jinping, avant qu’un premier plan ne soit promulgué en avril 2018. Les secteurs du tourisme, des « services modernes » (juridiques, financiers et logistiques) et de l’industrie hi-tech sont appelés à être développés « étape par étape » (fondations établies d’ici 2025 ; maturation du système d’ici 2035 ; port franc de niveau mondial d’ici 2050). Le nouveau document propose 60 mesures (listées en annexe) concernant la facilitation du commerce et des investissements, la libre circulation transfrontalière des capitaux et des talents, le transport, la logistique, le flux « sûr et ordonné » des données, la réforme des systèmes fiscal et juridique et la gestion des risques.

 

Internet des objets : la stratégie chinoise de soutien à la technologie NB-IoT

Alors que l’internet des objets (IoT) se développe fortement en Chine, le pays soutient la technologie NB-IoT pour le développement du secteur, selon des modalités caractéristiques de la stratégie numérique chinoise : après avoir été identifié et soutenu en amont par les autorités, le NB-IoT a désormais été adopté par les grands groupes technologiques chinois qui se positionnent en leaders mondiaux du déploiement de réseaux et de la production d’équipements. En Chine, le développement d’applications IoT est favorisé par de nombreuses plateformes et initiatives locales, notamment pour la smart city et l’internet industriel. A l’international, les acteurs chinois coordonnent leurs efforts et on notamment réussi à faire inclure le NB-IoT dans les standards 5G dans le cadre du 3rd Generation Partnership Project (3GPP). Néanmoins, bien que de nombreux analystes attendent une forte pénétration du NB-IoT au niveau mondial, le succès de la technologie dépendra aussi fortement des caractéristiques propres à chaque marché : infrastructures existantes, usages, intérêts industriels ou encore enjeux de cybersécurité.

 

La peste porcine africaine en Chine : une épizootie encore incontrôlée, aux conséquences mondiales

Les autorités chinoises affirment que l’’épizootie de peste porcine africaine (PPA) est sous contrôle et qu’un retour à la normale est imminent pour la production domestique de viande porcine. La réalité pourrait bien être différente. Le cheptel porcin chinois devrait mettre cinq à dix ans à se remettre de la crise sanitaire actuelle. Des incertitudes persistent donc sur l’approvisionnement en viande de la Chine. Cette situation est favorable aux exportateurs.

 

Protection des données personnelles en Chine : un cadre juridique et une mise en œuvre encore imparfaits

La permissivité de la Chine en matière de protection des données personnelles est généralement citée comme l’un des avantages structurels du pays dans la concurrence qu’il se livre avec les États-Unis et l’Europe - dans le domaine de l’intelligence artificielle, notamment : elle confèrerait une liberté totale aux géants de l’internet chinois pour amasser des données, les traiter, et améliorer leurs services. En cause, l’importance moindre qu’accorderaient les citoyens chinois à la vie privée, dont ils seraient prêts à troquer des pans entiers en échange d’un supplément de confort. En réalité, les enquêtes d’opinion menées ces dernières années révèlent une préoccupation croissante d’une large majorité de citoyens chinois quant à l’utilisation qui peut être faite de leurs données personnelles ; et le pays se dote depuis 2017 d’un cadre juridique aujourd’hui presque complet et conforme aux meilleures pratiques mondiales.

 

Le « techno-nationalisme » de la nouvelle ère : les sciences et technologies dans les discours de Xi Jinping

L’expression « techno-nationalisme » est souvent utilisée pour désigner les politiques publiques volontaristes mises en oeuvre par certains gouvernements - notamment asiatiques (Japon, Corée du sud, Chine) mais également le gouvernement américain durant certaines périodes - afin de stimuler l’innovation sur leur territoire selon une approche coordonnée, de long terme, et poursuivant des objectifs stratégiques (y compris en matière de défense nationale). Depuis quelques années, elle est également de plus en plus souvent usitée pour désigner certaines mesures mises en œuvre par la Chine pour localiser des technologies étrangères sur son territoire et stimuler l’innovation indigène. Toutefois, peu d’études existent sur les sous-jacents intellectuels qui informent et inspirent ces mesures en Chine. Une première exploration sur la base de l’étude de plusieurs discours prononcés devant l’Académie des sciences de Chine et l’Académie d’ingénierie de Chine par Xi Jinping en 2014, 2016 et 2018 distingue cinq axes majeurs.

 

Vu de Pékin, l’avenir du capitalisme est chinois

Quarante ans de croissance très soutenue et la grande crise financière de 2008 ont convaincu les autorités chinoises de la supériorité de leur modèle « d’économie socialiste de marché aux caractéristiques chinoises ». Ce modèle – fondé sur un PCC prépondérant et exploitant les forces du marché afin de générer emplois et stabilité sociale – a connu des succès incontestables et fait dorénavant l’objet d’une promotion à l’international. L’essoufflement des moteurs traditionnels de la croissance a néanmoins conduit les autorités à réviser les paramètres de ce modèle. Dans un système où les autorités ont en pratique les moyens d’influencer directement ou indirectement l’ensemble du tissu économique, les questions qui se posent sont celles du degré de sophistication et des modalités du contrôle du PCC.