Actualités du transport aérien Inde 1er – 15 mai 2020

Dire que 2020 a été une année difficile pour les compagnies aériennes serait un euphémisme. De la fermeture du ciel à l'effondrement complet de la demande, les compagnies aériennes qui, quelques mois plus tôt, comptaient sur la croissance et l'expansion internationale, sont désormais menacées de survie. Les compagnies aériennes indiennes sont particulièrement menacées, notamment parce que leurs stratégies reposaient avant tout sur une croissance exponentielle du marché.

L'aviation indienne devrait faire face à une série de défis dans les semaines et mois à venir, chacun pouvant avoir un impact structurel grave. Les risques et implications sont sans doute sous-estimés au niveau politique, puisque le gouvernement n’a toujours pas annoncé de mesures spécifiques de soutien au transport aérien.

Arrêter brutalement les opérations en suspendant, du jour au lendemain, tous les vols commerciaux en Inde depuis le 25 mars, a été chose aisée au regard de la sortie de crise qui s’annonce bien plus complexe. Les enjeux financiers et opérationnels liés à la reprise des services aériens sont potentiellement si importants que certains transporteurs pourraient choisir de laisser leur flotte clouée au sol, tandis que d'autres opérateurs pourraient ne pas survivre à cette crise sans précédent.

Dès mars, le trafic avait déjà chuté en glissement annuel. Les quatre mois de juin à septembre constituent une phase critique. Nonobstant le fait qu’il s’agisse de la période où le trafic est traditionnellement le plus faible de l'année pour les voyages en avion en Inde, cette année, nul ne sait exactement quand les opérations vont être de nouveau autorisées.

Par ailleurs, il est probable que de nombreux défis, qui ne sont pas visibles pendant le confinement, se révèlent une fois les services aériens redémarrés.

Alors que le transport aérien commercial est à l’arrêt depuis deux mois et que l'économie est figée, il a été possible de différer certaines obligations. Mais une fois que les affaires redémarrent, les compagnies aériennes seront à nouveau confrontées à la réalité.

Certains transporteurs pourraient même avoir du mal à couvrir leurs coûts variables jusqu'à la fin du 2QFY2021 en raison des conditions du marché et des contraintes imposées par d'éventuelles exigences de distanciation sociale. Si tel est le cas, les compagnies aériennes devront vivre pendant quelques mois avec peu ou pas de contribution aux coûts fixes. Cela va être paralysant pour de nombreux transporteurs et autres entreprises de l'aviation.

Les compagnies aériennes devront restructurer leurs activités pour devenir plus allégées et réduire les coûts, tout en augmentant également le déploiement stratégique de la technologie et de l'analyse pour augmenter les revenus et améliorer l'efficacité. Les aéroports devront également devenir moins lourds, réduire la main-d'œuvre, se concentrer sur la formation, investir dans la technologie et mieux comprendre le passager.

Si les mesures envisagées par le BCAS (Bureau of Civil Aviation Security) pour minimiser le risque de contamination au Covid-19 étaient mises en place, cela impacterait jusqu’à la capacité des compagnies à simplement rentrer dans leurs coûts variables. Entre les procédures de désinfection supplémentaires, la distanciation sociale dans les aéroports et une possible demande réduite de la part des passagers qui hésiteront à prendre l’avion, les coûts fixes des compagnies augmenteront et le tarif des billets garantissant le point d’équilibre financier sera majoré.

Les données Sky Scanner donnent à penser qu’il n’y aura pas de réelle demande pour des vols domestiques et internationaux au départ/à destination de l’Inde avant septembre 2020.

Et si l’on imagine des vols domestiques de nouveau autorisés en juin, il est difficile de savoir quand les vols internationaux pourront redémarrer du fait des restrictions en place un peu partout dans le monde.

Si l’on combine la basse saison pour le transport aérien indien pendant le trimestre de la mousson, la récession économique et les craintes des passagers à propos de la sécurité des vols, tous les éléments d’un cocktail explosif sont réunis.

La politique nationale de l'aviation civile (NCAP) publiée en 2016 a été conçue pour un environnement de croissance. Après le COVID, il est nécessaire de disposer de NCAP 2.0 - éventuellement à titre de mesure provisoire- pour accompagner l'émergence sectorielle de la crise à travers les étapes de la survie, stabilisation, reprise et éventuellement expansion.

À ce jour, le gouvernement indien n'a mis en place aucune mesure de soutien pour le transport aérien, contrairement à ce que d’autres pays ont déjà fait.

FICCI comme CII continuent à demander à la ministre des Finances Sitharaman une aide de l’état de 10 lakh crore dont 2,5 lakh crore sous la forme de remboursements ou paiements du gouvernement qui n’ont pas été assurés.

Certains analystes de CAPA avancent l’hypothèse que le gouvernement attend de prendre la mesure de l’ampleur de la crise sur le secteur avant de proposer quelque chose, pour aider au redémarrage, une fois la crise passée.

Les opérateurs aériens indiens, pour garantir leur trésorerie, ont opté pour une modification des billets sur une période de 12 mois plutôt que de les rembourser aux passagers alors que les vols n’ont pas pu être opérés en raison de la suspension. Mais si la Cour Suprême décidait que ces billets doivent être remboursés, les compagnies devraient rembourser 300 millions de $ pour les passages domestiques et 200 millions de $ pour les passages internationaux.

La presse indienne se fait l’écho « d’officiels ne souhaitant pas être identifiés (sic) » qui annoncent une possible reprise graduelle imminente des vols domestiques. En effet, le gouvernement ne pourra pas se permettre de reconduire le confinement ad libitum et jusqu’à ce que les conditions sanitaires soient de nouveau satisfaisantes avec la récession économique qui se profile. Comme l’a dit le PM Modi, dans son allocution du 12 mai, il faut trouver un équilibre entre la Vie et les moyens de subsistance (jaan et jahan).

Pour l’instant, il est imaginé une reprise des liaisons entre villes classées en vert dans le référentiel Covid-19 (pas de nouveau cas depuis 14 jours), ce qui n’intéresse guère les compagnies qui souhaiteraient plutôt relancer les opérations entre les aéroports principaux du pays, lesquels sont tous en zone rouge.

Les autorités d’aviation civile (MoCA, DGCA, AAI et BCAS) réfléchissent, avec l’ensemble des opérateurs, aux SOP (Standard Operating Procedures) à appliquer une fois le transport aérien de nouveau autorisé.

Parmi les idées avancées pour la reprise des vols domestiques, l’on trouve :

  • Pas de service de repas à bord
  • Web checking
  • Les 3 dernières rangées de la cabine doivent rester vacantes pour permettre de mettre en place un isoloir si un passager tombait malade pendant le vol
  • Pas de changement d’équipage pour limiter les risques de contagion
  • Prise de température avant l’entrée dans l’aéroport et avant de monter à bord de l’avion
  • Plus de tampon sur les cartes d’embraquement
  • Pas de fouille corporelle au poste d’inspection filtrage si le portique ne sonne pas
  • Obligation d’avoir un statut « vert » sur l’application de traçage du Covid-19 Aarogya Setu pour être autorisé à voler
  • Obligation d’être à l’aéroport 3 heures avant l’heure du vol pour permettre de respecter la distanciation sociale qui va allonger le temps de passage
  • Interdiction de voyager pour les personnes de plus de 80 ans
  • Interdiction de bagage cabine
  • Bagage en soute maximum 20 kg
  • 350 ml de gel autorisé par passager
  • Port du masque obligatoire

Le Bureau de la sécurité de l'aviation civile a proposé que les compagnies aériennes ne vendent pas de billets pour le siège du milieu et les trois dernières rangées doivent rester vacantes au cas où un passager devrait être mis en quarantaine en cours de vol.

Mais ces règles impacteraient lourdement le transport aérien car aucun assouplissement ou réduction n'a pas ailleurs été proposé(e) en termes de coût d'exploitation, du carburant au stationnement.

Des études réalisées par le Center for Asia Pacific Aviation India (CAPA) ont montré que si les normes de distanciation sociale étaient imposées à bord des avions, les passagers devraient payer des billets majorés. CAPA estime que les prix des billets sur de nombreux itinéraires pourraient doubler.

Tandis que les vols commerciaux sont toujours suspendus, le transport de fret et les vols d’évacuation, dument autorisés par la DGCA, continuent en Inde.

Le gouvernement indien a lancé la Vande Bharat Mission, dont l’objectif est d’évacuer, en phases successives, les Indiens bloqués à l’étranger depuis le début de la crise du Covid-19 par le biais de vols spéciaux opérés par la compagnie nationale, moyennant l’achat d’un billet en ligne.

200 000 Indiens se sont fait connaître.

443 vols de fret ont été opérés au titre de Lifeline Udan par Air India, Allaince Air, IAF et quelques compagnies privées comme Spice Jet, IndiGo et Vistara pour acheminer des produits de première nécessité.

L’aviation générale a cloué au sol 95%de la flotte . Environ 5% de celle-ci est donc actuellement en service, utilisée comme ambulance aérienne et transportant des fournitures médicales et du personnel médical. Une certaine demande émane des gouvernements des États fédérés.

Le Comité des Créanciers (CoC) a reporté pour la 4ème fois la date limite de remise des offres pour la reprise de Jet Airways, qui a cessé ses opérations le 17 avril 2019.

L’aéroport de Delhi a géré 300 vols d’évacuation et environ 30 000 passagers, 1 000 vols de fret entre le 25 mars et le 4 mai.

La DGCA a donné son approbation pour l’enseignement à distance pour les formations récurrentes réglementairement obligatoires pour les pilotes, les membres d’équipage, les techniciens de maintenance et les personnels d’assistance en escale.

En raison du confinement en Inde, IndiGo et Go Air pourraient ne pas avoir remplacé les moteurs Pratt & Whitney de leurs A320neo avant le 31 mai, date fixée par la DGCA.

Dans le cadre de l’appel d’offres pour les essais de BVLOS (Beyond visual line of sight) des RPAS (drones), le MoCA a accordé des dérogations à 13 consortia pour exploiter des drones à titre expérimental, sans avoir besoin de numéros d'identification uniques et de permis d'exploitant jusqu'au 30 septembre 2020.

La construction et le démarrage de l'aéroport de Navi Mumbai devraient être un peu retardés en raison de la situation actuelle liée à la pandémie.

Le gouvernement indien pourrait reporter à la fin de l’année civile son projet de privatisation de la compagnie nationale Air India.