La crise du covid-19 que traverse l’Indonésie a modifié les habitudes et révélé les déficiences du pays à corriger pour une meilleure résilience. Le secteur de la santé devra se renforcer, tandis que les nouvelles technologies poursuivront leur croissance rapide et transformeront le commerce de détail et les loisirs. Enfin, cette crise pourrait permettre de corriger les dysfonctionnements observés dans les secteurs d’activité essentiels pour les rendre plus résistants aux risques sanitaires.

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1. Le renforcement crucial du système de santé

Malgré des améliorations au cours des dernières années (assurance maladie notamment), la crise a montré plusieurs faiblesses du système de santé indonésien : manque de capacité adéquate dans les hôpitaux, manque de tests, manque d’équipements hospitaliers et lacunes dans la gestion des déchets dangereux. La réaction du gouvernement, qui a revu le budget du ministère de la santé à la hausse (+33%) en réallouant notamment les dépenses non-essentielles des autres ministères à celui de la santé, a prouvé l’importance accordée à ce secteur en situation de crise. 

Le renforcement du secteur de la santé pourrait se faire à plusieurs niveaux. Pour le traitement en hôpital, le renforcement des équipements sanitaires est essentiel (lits hospitaliers, respirateurs, appareils d’imagerie, protection des soignants, stérilisation...), mais également celui de la gestion des déchets médicaux pour éviter plus de contamination ou de pollution (collecte sécurisée, incinération, traitement des résidus…). Pour une meilleure prise en charge des patients, il est important de renforcer les moyens de gestion hospitalière (parcours de soins, solutions de diagnostics) et de production de médicaments (sécurisation des matières premières (+ de 90% des intrants sont importés), capacité de production). L'assurance santé privée devrait également se développer. Ce renforcement peut être dirigé vers le covid-19 alors que de nombreuses incertitudes pèsent encore sur la maladie (saisonnalité, durée d’épidémie), mais également être plus large pour traiter les nombreuses autres maladies.

 

2. La crise accentue le rôle du numérique

Plus de la moitié des Indonésiens (enquête Mc Kinsey sur le sentiment des consommateurs indonésiens pendant la crise réalisée mi-avril) sont optimistes et s’attendent à une sortie de crise dans les 3 mois, synonyme de reprise de la consommation, ce qui est positif pour la relance économique. Mais avec un pouvoir d’achat réduit, les consommateurs ont prévu de réduire dans l’immédiat leurs dépenses dans tous les secteurs, à l’exception de l’alimentation au détail et des produits pour le domicile (hygiène, divertissements en ligne). Le temps passé sur des supports numériques augmente aussi considérablement durant la crise, les Indonésiens expérimentant massivement de nouvelles tendances (télé-consultation, formations en ligne, vidéo-conférence - respectivement 10%, 16% et 17% de nouveaux utilisateurs) ou renforçant leur utilisation d’autres services (livraisons alimentaires, divertissements en ligne (streaming et jeux vidéos) - respectivement 33%, 31% et 27% des utilisateurs) ; autant de secteurs qui devraient poursuivre leur progression.

Les mesures de distanciation sociale qui s’imposent pendant la crise peuvent marquer durablement les interactions humaines, avec ainsi une réforme à s’opérer dans les secteurs du commerce du détail (notamment alimentaire) et du loisir pour plusieurs raisons : la possibilité de devoir encore vivre avec le risque de transmission de la maladie, mais surtout l’expérience acquise pendant la crise qui a pu montrer des avantages. Alors que les déplacements représentent une grande perte de temps en raison de la congestion des grandes villes indonésiennes, le recours au télétravail ou aux divertissements en ligne peuvent maintenant représenter d’autant plus des gains de temps et de productivité. La prise de conscience sanitaire montre une tendance à un mode d’alimentation plus sain et plus sourcé localement (étude Mc Kinsey sur l’évolution du commerce alimentaire de détail après le covid-19). La numérisation des services (paiement en ligne, services sans contact, livraisons) de nature à rassurer le consommateur et à lui faire gagner du temps va s’accélérer. Le secteur du commerce de détail devra alors s’adapter d’autant plus vite à la fois dans ces services digitaux (quelques applications déjà phares comme Grab ou Gojek qui se renforceront sur le segment hors-mototaxi, renforcement des plateformes de e-commerce) et dans la logistique (entrepôts, chaîne du froid, “service du dernier kilomètre”, hygiène).

En support à cette numérisation, l’industrie IT et réseaux devra poursuivre son développement rapide. La sécurisation des données sera majeure (expérience des failles “Zoom”) tandis que les infrastructures devront être renforcées (électricité, serveurs pour accès à distance, bande passante, data center, fibre…). L’industrie de l’électronique en bénéficiera (à travers la production et la vente des différents supports et outils digitaux), mais également l’ensemble de l'industrie de toute la chaîne de valeur, notamment le recyclage.

 

3. Une occasion d'améliorer la résilience du pays

La crise qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement internationales (difficultés d’importation des denrées essentielles comme l’ail et le bœuf) mais aussi domestiques (adaptation aux normes de sécurité depuis les ports et dans la chaîne logistique) a contraint l’Indonésie à desserrer les contraintes qui pèsent sur ces importations alimentaires et accélérer une intégration des services administratifs de l’import-export poussée depuis longtemps par le Président Jokowi.

Le choc dans les transports doit conduire le secteur à se repenser pour intégrer les mesures de précaution et prévention sanitaire dans leur fonctionnement normal, ce qui lui permettra de pouvoir opérer pendant une crise (possiblement en mode dégradé), de rassurer les voyageurs et les autorités pour le trafic passager et de limiter les ruptures de chaînes logistiques pour le trafic de marchandises. Alors que la construction d’infrastructures de transport reste une priorité du Président, la distanciation pourrait devenir une norme dans leur conception (gestion des flux passagers, notamment en aéroport avec les différents opérateurs) ou les services offerts (digitalisation des interactions) tandis que les équipements sanitaires (caméras thermiques, stérilisations) pourraient se généraliser pour les accès, au moins dans les terminaux internationaux. La mise en place de telles mesures dans les bâtiments et les lieux touristiques ou de loisirs majeurs pourrait éventuellement éviter une paralysie de l’activité en temps de crise.

Le secteur industriel souffre également de la crise. Même si cela est en grande partie dû à la baisse de la demande, les mesures sanitaires affectent aussi les chaînes de production (séparation des équipes). Le virage amorcé par l’Indonésie pour une industrie 4.0 est une occasion d’intégrer les mesures de prévention sanitaire pour la résilience du secteur (automatisation, amélioration des procédures de fabrication, formations des employés). Enfin, face aux ruptures d’approvisionnements de la part de pays producteurs asiatiques (notamment la Chine), il est possible que la crise avantage encore plus une production et une industrie locales dans plusieurs secteurs (automobile, textile, caoutchouc).

L’origine possiblement animale de la maladie doit conduire à accentuer la préservation de la biodiversité et des forêts indonésiennes. Plus généralement, la pandémie soulève à travers le monde la question du nécessaire développement durable des activités (notamment vis-à-vis de la transition énergétique), avec néanmoins le risque en Indonésie que ces investissements soient contraints avec l’urgence du rétablissement économique (prévision de croissance du FMI de 0,5%, contre une prévision initiale de +5,3%) alors que la crise conduit au retard de plusieurs projets de construction y compris dans les énergies renouvelables.

 

 

Le renforcement crucial du système de sant