La presse a largement relayé des ruptures d’approvisionnement dues à des fermetures d'usines dans plusieurs bassins industriels chinois, révélant les faiblesses d’une industrie japonaise dépendante des importations de matières premières et composants. Le troisième plan d’urgence adopté en avril vise explicitement à sécuriser ces chaines d’approvisionnement, en soutenant la relocalisation d’une partie de la production au Japon ou dans l’ASEAN.

1. Impact de l’arrêt de l'activité manufacturière en Chine sur l’industrie japonaise

La presse japonaise s’est fait largement l’écho de rupture dans les chaînes d’approvisionnement, en les attribuant à la suspension inédite, dès février, de l'activité manufacturière sur le marché chinois. Malgré la relative reprise en Chine, la propagation de l’épidémie et le ralentissement de l’activité mondiale ont continué à faire ressortir la forte dépendance de l’industrie japonaise des importations.

Dès la mi-février, des constructeurs automobiles se sont déclarés confrontés à un risque de pénurie de pièces, habituellement livrées en flux tendus par leurs fournisseurs chinois. Toyota, Nissan, Honda, Mazda ont, tour à tour, réduit leur production, mais sans doute aussi parce que le marché était appelé à se contracter de manière violente à terme : le rythme d'assemblage des véhicules a été divisé par 2, voire 3, par rapport aux volumes produits en 2019. Cette situation a touché l’industrie au-delà du seul secteur automobile : pour la première fois depuis 2009, les deux grands aciéristes Nippon Steel et JFE Steel ont fermé des hauts-fourneaux. 

L’approvisionnement en composants clés des fabricants d’électronique a également été ralenti, voire dans certains cas suspendu, obligeant certains comme Daikin Industries, Nintendo ou Ricoh, à mettre en place, de leur propre chef, des plans de relocalisation de la Chine vers le Japon ou l’ASEAN.

L’industrie pharmaceutique, notamment les fabricants de génériques qui représentent plus de 80% du marché japonais, est également très dépendante de la Chine. Depuis une dizaine d’années, le Japon ne produit pratiquement plus de matières premières pour les médicaments et plus de la moitié de l’approvisionnement en ingrédients pour la fabrication des génériques provient de Chine. Il en va de même pour les équipements de protection médicale : 40% des matières premières nécessaires à la fabrication au Japon de masques N95 sont chinoises. Cette dépendance crée un risque important de pénurie dès lors qu’on se rapproche du pic de l’épidémie.

 

2. Un objectif affiché de sécurisation et de renforcement des chaînes d’approvisionnement  depuis le 3ème Plan d’urgence de plus de 1000 Mds USD

Sous réserve de l’adoption du budget révisé pour 2020 correspondant au surcoût des nouvelles mesures d’urgence, le METI gèrera une enveloppe de 2,1 Mds €, dédiée à la réorganisation des chaînes d’approvisionnement et incitant les industriels japonais à délocaliser une partie de leur production à l’étranger vers le Japon, pour les produits à haute valeur ajoutée, ou vers l’ASEAN.

L’essentiel de ce budget (1,85 Md €) sera constitué de subventions pour financer des projets privés (études de faisabilité, frais de construction, investissements en équipements) pour :

(1) la production au Japon de composants, matériaux et produits manufacturés pour lesquels l’industrie dépend fortement d’un pays particulier ;

(2) la production au Japon de biens nécessaires à la santé publique et pour lesquels le pays dépend en grande partie des importations.

Ces projets devront avoir pour objectif  la sécurisation des chaines d’approvisionnement. Le montant des subventions sera plafonné au 2/3 des dépenses engagées pour les grandes entreprises et au 3/4 pour les PME. Iris Ohyama a déjà annoncé vouloir bénéficier de ce dispositif pour augmenter sa production de masques au Japon.

Une plus petite enveloppe de 200 M € sera dédiée à la diversification des chaînes d’approvisionnement à l’étranger. Des subventions  seront ainsi octroyées aux entreprises procédant à des études de faisabilité, essais et investissements en équipements dans des pays de l'ASEAN, pour les produits manufacturés, composants et matériaux destinés à l'approvisionnement du Japon. Le montant de ces subventions sera plafonné au 3/4 des dépenses pour les consortiums de PME, 2/3 pour les PME et 1/2 pour les grands groupes et sera calculé selon le taux d’exportation du produit concerné vers le Japon

D’autres mesures sont également prévues, en partie sur la base de budgets préexistants :

-25 M € seront consacrés par le METI- notamment via son agence de recherche, la NEDO- au développement de matériaux de substitution (hors terres rares) ou à l’amélioration de la connectivité des chaînes d’approvisionnement. De plus, 8,4 M € seront attribués à l’institut de recherche économique pour l’ASEAN et l’Asie orientale (ERIA), afin de renforcer la coopération et la recherche pour l’intégration économique régionale, et 2,2 M € aux politiques de stocks stratégiques des métaux rares, via la Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC) ;

-5,1 M €, gérés par SMRJ (Organization for Small & Medium Enterprises and Regional Innovation), appuieront la mise en place de Business Continuity Plans (BCP) par les PME en prévision de crises sanitaires ou catastrophes naturelles : soutien financier, actions de sensibilisation et de formation, consultations gratuites d’experts, etc... (en 2019 seuls 16,9 % des PME auraient prévu des BCP)  ;

-en aval, un budget de 2,5 M €, géré par la NEDO, sera consacré à des projets privés de R&D pour le développement des robots de livraison (subventions jusqu’à 2/3 des dépenses) et 1,7 M€ au développement d’un système de suivi en temps réel des stocks.

Le ministère de la Santé et du Travail disposera, en outre, d’une enveloppe de 25 M € pour soutenir l’établissement, sur le territoire japonais, de moyens de production de principes actifs pharmaceutiques.