Malgré certains obstacles, le Japon tente, sous l’impulsion du gouvernement, de mettre en place des dispositifs de télétravail et de développer les services en ligne. L’accélération de la transformation numérique est l’une des priorités des mesures économiques d’urgence.

1. Le télétravail et les services en ligne au Japon

Dès le début de l’épidémie, de nombreuses entreprises japonaises ont opté pour le télétravail : fin février, près de 70% des membres du Keidanren avaient mis en place ou envisageaient des politiques de télétravail.

Un certain nombre d’obstacles empêchent cependant ces dispositifs d’être pleinement efficaces. Selon le MLIT, moins de 13% des employés sont en mesure de travailler à domicile et plus de 70% rencontrent des difficultés. La culture du travail privilégiant les longues heures de présence au bureau ainsi que des pratiques anciennes - signature des documents avec un sceau personnel, interdiction pour les employés d’emporter chez eux les documents professionnels - freinent le passage effectif au télétravail. Plus encore, les entreprises japonaises ne disposent pas, le plus souvent, des équipements (coûteux) nécessaires à un fonctionnement à distance. Enfin le cadre réglementaire nécessite d’amender les contrats de travail et interdit aux employés d’utiliser les données personnelles des clients en dehors de l’entreprise. Dès lors, en mars, seules 40% des entreprises numérisaient leurs contrats, même partiellement, et moins de 30% avaient configuré des systèmes informatiques ou mis en place des règles internes pour permettre le télétravail.

Les infrastructures numériques des établissements scolaires sont également limitées : 80% des élèves japonais ne font pas usage du numérique à l’école et on y compte en moyenne un ordinateur pour 5,4 élèves. La transition se fait de manière inégale à travers le pays : si l’équipement des écoles est particulièrement coûteux pour les villes, gérant un grand nombre d’élèves, dans les zones rurales, en revanche, le recours à des plateformes de cours en ligne est plus répandu.

De la même façon, la télémédecine n’est guère répandue : seuls 1% des hôpitaux proposaient des consultations en ligne en juillet 2018 et 88% n’auraient pas l’infrastructure nécessaire pour le faire.

2. Une priorité donnée à la numérisation dans les plans d’urgence économiques du gouvernement

Dans le cadre de son 1er plan d’urgence économique paru le 10 mars 2020 pour relever les défis liés au COVID19, le gouvernement s’était fixé pour objectif de promouvoir le télétravail comme mode de travail généralisé, notamment dans le cadre d’un programme de subventions pour l'amélioration de la productivité, doté de 3,1 Mds€. Le 3ème plan d’urgence (de plus de 1000 Mds USD), présenté le 7 avril, prévoit une large série de mesures de soutien financier et réglementaire destinées à accélérer la transformation numérique « grâce au travail et aux procédures à distance ».

Le ministère de la santé et du travail (MHLW) dispose ainsi d’une enveloppe de 8,4 M€ pour financer, jusqu’à 50%, l’achat, l’installation et les frais de fonctionnement d’outils de communication à distance par les PME mettant en œuvre pour la 1ère fois des procédures de télétravail. Le plafond des subventions accordées dans ce cadre va jusqu’à 8500€. Les PME bénéficieront, par ailleurs, d’une déduction fiscale de 7% du montant des investissements en équipements (10% pour les celles dont le capital est inférieur à 250 000 €) ou d’un amortissement immédiat. Les PME pourront aussi faire appel aux conseils de spécialistes IT référents pour mettre en place des nouvelles technologies de productivité, via le dispositif de « brigades de soutien à la transformation numérique des PME » du ministère de l’intérieur et des communications (MIC), doté de 84 M€.

Le ministère de l’éducation et de la recherche (MEXT) dispose d’une enveloppe de 1,9 Md€ pour accélérer la mise en œuvre du programme « GIGA School » qui vise, notamment, à équiper tous les élèves en matériel numérique éducatif. Les PME, fournissant des services de conception et de déploiement d’outils Edtech dans les écoles, bénéficieront par ailleurs de subventions allant jusqu’aux 2/3 des dépenses engagées. Le METI dispose à cet effet d’une enveloppe de 25 M€.

Un budget de 36 M€, réparti entre le METI, le MIC et le Cabinet office (Premier Ministre), doit permettre d’accélérer le déploiement des services publics en ligne, notamment dans les collectivités territoriales de petite taille et pour les services à destination des entreprises (demandes de subvention et attribution d’un identifiant unique) afin de réduire la fréquentation des centres administratifs. En outre, 11 M€ sont consacrés à la mise en place de plateformes d’échange, en ligne ou par téléphone, entre patients et médecins afin de favoriser le recours à la télémédecine.

Des budgets supplémentaires ont également été débloqués pour renforcer les infrastructures de transmission des données et permettre, dans tout le pays, la mise en œuvre efficace de l’éducation à distance, du télétravail et de la télémédecine. Le MIC dispose à cet effet de 25,6 M€ qui serviront notamment à accélérer le déploiement de la 5G par les collectivités locales et les opérateurs télécom dans les zones non raccordées au réseau national de fibre optique. 6,5 M€ sont enfin réservés à l’adoption de mesures de cybersécurité par les PME : subventions forfaitaires pour le recours à des services de conseil et de prévention et élargissement du projet-pilote d’« équipes de secours de cyber-sécurité », qui offrent un appui aux entreprises victimes de cyberattaques.