PANAMA - Le nouveau modèle d’adjudication des grands contrats publics d’infrastructures
1. Le Panama est le seul pays d’Amérique Centrale où la commande publique, s’agissant des grands contrats, est soutenue.
L’Etat panaméen est, depuis dix ans au moins, pourvoyeurs de grands contrats publics, notamment pour les entreprises étrangères dans les domaines des infrastructures de transport (lignes 1, 2 et 3 du métro de Panama, agrandissement du canal interocéanique…) de l’hydraulique urbaine (assainissement et adduction d’eau de la capitale), des aménagements routiers ou aéroportuaires (agrandissement de l’aéroport de Tocumen), du transport d’électricité…
Le modèle de passation des grands marchés publics était, jusqu’à présent, des plus « classiques » : globalement, l’Etat client opérait par appels d’offres de type « clefs en main » soit sur fonds propres budgétaires, soit en faisant appel aux bailleurs multilatéraux.
2. Les entreprises françaises ont largement profité de cette commande publique.
Le groupement emmené par Alstom et Thalès a remporté les contrats des lignes 1 et 2 du métro ; Vinci a réalisé le troisième pont au-dessus du Canal ; Suez a remporté le contrat d’assainissement de la baie de Panama City ainsi que le développement du réseau d’eau de la ville de David…
Bon an mal an, un tiers de notre excédent commercial bilatéral (le solde commercial, excédentaire à notre profit, varie ces dernières années entre 400 et 500 M€) repose sur la réalisation par nos entreprises de grands contrats publics.
3. Le modèle d’adjudication des grands marchés publics est en train de changer.
Le gouvernement nouvellement élu au 1er juillet 2019 a décidé d’opter pour un autre modèle, s’agissant de la mise en adjudication des grands marchés publics au Panama. Il a décidé de privilégier une approche de type « Partenariat Privé-Public » (financement, construction et mise en concession), au détriment des marchés clefs en main afin de mieux contrôler le déficit budgétaire et de réduire l’endettement de l’Etat (lesquels par ailleurs sont économiquement tout à fait soutenables).
Le projet de loi sur les PPP (loi 12 de 2019) a été le premier acte d’importance du nouvel exécutif panaméen : il a été présenté à l’Assemblée Nationale le 31 juillet 2019 et approuvé en troisième lecture par l’Assemblée Nationale le 11 septembre de la même année. Il a vocation, hors secteur financier et domaines touchant à l’hydraulique urbaine et au Canal notamment, de permettre le financement et la réalisation des principaux projets d’infrastructures panaméens. Le texte stipule notamment la création d’une entité régulatrice des PPP, le Secrétariat National des PPP, placée sous l’autorité directe du Président de la République et qui aura la charge d’impulser et de suivre les projets définis comme prioritaires par la Présidence.
Le SNPPP, qui bénéficie d’une forte assistance technique de la Banque Mondiale et de la Banque Interaméricaine de Développement, aurait dû être pleinement opérationnel au cours du mois d’avril. Toutefois, pour cause d’épidémie de Coranavirus, son entrée en force a été repoussée et est maintenant prévue pour l’été 2020.
4. Plusieurs contrats ont été d’ores et déjà définis comme susceptibles d’être attribués sur la base de ce modèle PPP.
La Présidence de la République a toutefois déjà défini un certain nombre de projets prioritaires, susceptibles d’être développés sur une base PPP. Il s’agit, pour l’instant, principalement de projets autoroutiers (peu d’intérêts à ce jour des génies-civilistes français), du projet de métro-câble de San Miguelito qui pourrait bénéficier d’un financement de la SFI (filiale de la Banque Mondiale) et qui d’ores et déjà est suivi de près par Poma et MND (entreprises françaises de réalisation de transport par câble) et de la ligne 2A du métro de Panama (dont, de source Autorité du Métro, le processus d’adjudication devrait débuter en 2023).
Commentaires : Cette modification de la « grande » commande publique panaméenne ne devrait pas, à terme, être remise en question par l’épidémie de coronavirus qui, clairement, va impacter négativement le déficit budgétaire 2020 (mesures sociales et dépenses sanitaires) et l’endettement public (décision récente d’émission de bons du Trésor notamment pour financer le programme social et les mesures d’accompagnement des entreprises dans cette crise). Cependant, ce nouveau modèle pose un certain nombre de questions et notamment celle de la mise en place de financements privés à l’heure où le Panama est sur la liste grise du GAFI au moins jusqu’en fin 2021.