Le MXN est la devise émergente la plus fortement affectée par la crise provoquée par la pandémie de COVID-19. Cette dépréciation semble déliée des fondamentaux économiques du pays et illustre un mouvement des marchés financiers qui se désengagent des économies émergentes (fly to quality). Banxico a su limiter la forte volatilité de sa devise, via la mise en place d’outils adaptés. A moyen terme, le Peso pourrait s’apprécier à nouveau sans toutefois revenir à son niveau d’avant la crise.

1. Le peso mexicain  enregistre la plus lourde dépréciation des grands émergents en lien avec la crise du COVID-19.

Le Peso mexicain est pour l’instant l’indicateur macrofinancier le plus visible de la dégradation rapide de la situation économique du pays. Ainsi, la devise mexicaine s'est dépréciée de 22,7 % depuis le 2 mars dernier. Il s’agit de la plus forte perte de valeur des devises des grands pays émergents. Par ailleurs, au pire de la dépréciation - le 23 mars dernier le Peso mexicain avait perdu 36,7 % de sa valeur.

Si le Peso avait globalement bien résisté à la crise financière de 2008, la crise actuelle se caractérise par la montée des incertitudes perçues par les marchés financiers. Les fondements économiques du Mexique (outil productif à bas coût, intégration dans les chaînes de valeur mondiale, accès aux marchés nord‑américains, stabilité de la monnaie...) restent considérés comme sains. Pour preuve, le Peso est la deuxième devise émergente en termes d’échange selon la Banque de Résolution Internationale (BRI) et la première devise latino-américaine. Elle souffre ainsi de son importance sur les marchés internationaux et subit un mouvement de retrait d’autant plus important.

Le mouvement de désengagement des marchés financiers des émergents – ou fly to quality – intègrent communément une sur-réaction des marchés. Ainsi, le Peso devrait à terme s’apprécier par rapport au niveau actuel.

2. La Banque centrale mexicaine – Banxico – protège activement sa devise de la forte volatilité et limite la spéculation

Les premières mesures économiques prises par les autorités mexicaines se sont principalement orientées vers la défense du Peso mexicain : i) Banxico a injecté 4 Mds USD depuis le début de la crise, suite au passage du seuil des 24 USD/MXN. Le montant maximal de couverture cambiaire avait été augmenté le 9 mars dernier, de 20 Mds USD à 30 Mds USD ; ii) Une première opération de swap (ou échange) de Dollars étatsuniens contre des Peso mexicains – permise par l’accord entre Banxico et la Federal Reserve Bank (Fed) étatsunienne le 20 mars dernier[1] – permettra aux banques mexicaines d’avoir accès à 5 Mds USD à compter du 1er avril. iii) Banxico a abaissé son taux directeur de 50 points de base, à 6,5 % le 20 mars dernier. La Banque centrale est toutefois contrainte de maintenir une certaine marge entre son taux directeur et celui de la Fed afin de prévenir une augmentation une plus forte sortie de capitaux.  La Banque centrale dispose par ailleurs de marges de manœuvres importantes pour défendre sa devise : Ses réserves atteignent ainsi 185,5 Mds USD fin juin dernier, soit 4,5 mois d’importations de biens et services.

3. À moyen terme, la crise économique actuelle affectera l’économie du Mexique ainsi que son taux de change d’équilibre.

Il est toutefois probable que le Peso pâtira durablement de l’impact de la crise du COVID‑19 sur son économie. Le consensus des estimations de croissance pour 2020 s’élève ainsi à -4 %. En effet, la crise économique mondiale qui se matérialise par un effondrement de la demande mondiale et d’une désorganisation des chaînes de production  devrait affecter les fondamentaux d’une économie orientée autours de ses exportations vers les États-Unis – 80 % des exportations du pays et seul relais de croissance en 2019 avec - dans une moindre mesure - la consommation interne (47 % du PIB). La consommation est également significativement appuyée par les transferts de fonds des migrants – remesas –  presque exclusivement en provenance des États-Unis. Enfin, les finances publiques et PEMEX – l’entreprise publique de production d’hydrocarbures ; surendettée (106 Mds USD) – souffriront de la chute des prix de pétrole, ce qui réduira d’autant plus les marges des manœuvre budgétaires du gouvernement fédéral déjà limitées par une recette fiscale minime (17 % du PIB, faible vs. OCDE et pays latino-américains) et la première récession de l’année 2019.

 

Commentaires : Il est peu probable que la forte dépréciation à l’œuvre sur le Peso mexicain ait un impact à court terme sur les échanges commerciaux mexicains. Par ailleurs, l’impact de cette dépréciation sur l’inflation devrait également être limité, l’inflation pouvant résulter de la baisse des taux directeurs de la Banque centrale devrait être annulée par la chute de la demande domestique. L’impact à moyen terme issu de la dépréciation pourrait être double. Si une telle dépréciation pourrait peut‑être permettre au Mexique d’être plus compétitif à l’export en cas de reprise de la demande, l’impact sur le service de la dette mexicaine et sur les grands projets à importante base de coût en devises devraient, lui, peser fortement sur les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement mexicain, qui dépense déjà plus en service de la dette que ce qu’il n’investit en infrastructures et ce malgré le fait que seul 23 % de la dette mexicaine soit libellée en devises. Enfin, le niveau post-crise du Peso mexicain dépendra également des réponses que saura apporter les autorités mexicaines

[1] Avec 13 autres banques centrales. Le Mexique est, avec le Brésil, le seul pays dont la Banque centrale a été incluse dans ce swap. Banxico a, avec 5 autres banques centrales, accès à 60 Mds USD.