Cuba est reconnu mondialement pour la qualité de son personnel et de ses services médicaux. Initialement mis en place pour promouvoir la solidarité dans les pays en développement, l’envoi de personnel médical à l’étranger est passé de la gratuité au premier poste d’exportation de biens et services dans le pays. Représentant 6,4 Mds USD en 2018, il joue un rôle crucial dans l’équilibre de la balance des paiements courants, mais pour combien de temps encore ?

 1. Un apport crucial pour le financement de la dette et des importations cubaines dans un contexte de crise de liquidité.


Avec près de 30 000 professionnels de santé hors de ses frontières (répartis dans 60 pays environ), principalement au sein des pays « alliés », les services médicaux auraient rapporté 6,4  Mds USD en 2018, ce qui représente près de la moitié (47%) de toutes les exportations du pays et en fait la première source d’entrées de devises. Ils se classent loin devant les transferts de la diaspora cubaine (remesas, 3,7 Mds USD en 2018 selon the Havana Consulting Group) et les recettes touristiques (3 Mds USD en 2018) et jouent ainsi un rôle capital dans l’équilibre de la balance courante.

Elles apparaissent particulièrement essentielles à l’aune du projet d’unification monétaire, des engagements financiers internationaux de l’île (notamment envers les créanciers du Club de Paris) et de la crise de liquidité qui frappe le pays depuis 2016, aggravée par le durcissement de l’embargo américain  et le ralentissement de l’économie vénézuélienne.

Nombre de professionnels de la santé en mission à l’étranger (estimation du service économique)

Près de 30 000

Exportations de services de santé 2018 (ONEI)

6,4 Mds USD

Part des exportations de services de santé dans les exportations cubaines (ONEI)

47%

2. Une activité en perte de vitesse

2018 et 2019 auront été des années noires pour les exportations de services de santé avec notamment la suspension du programme « Mais Medicos » au Brésil (près de 8 500 coopérants) et la fin récente de la collaboration avec la Bolivie (700) et l’Equateur (400).

  • Contre 55 000 en 2016, un peu moins de 30 000 coopérants de la santé seraient encore actifs en dehors de leurs frontières, soit une chute de 45% en 3 ans. Le nombre de professionnels se réduisant, les revenus se contractent passant de 8,2 à 6,4 Mds USD entre 2014 et 2018 soit -22% en quatre ans et ce avant même la suspension des accords bilatéraux avec le Brésil (qui devrait engendrer un manque à gagner de près de 330 MUSD), l’Equateur ou encore la Bolivie. En 2019, la principale source de devises de l’île s’est, de facto, encore plus érodée.

Cette activité dépend particulièrement des orientations politiques des partenaires de l’île. Ainsi, l’arrivée au pouvoir de gouvernements ne partageant pas de base idéologique commune avec Cuba se traduit souvent mécaniquement par la suspension de cette « coopération ». Après les élections de Jair Bolsonaro au Brésil et de Lenin Moreno en Equateur ainsi que la démission d’Evo Morales en Bolivie, la menace de la fin de l’ère Maduro fait dangereusement planer une épée de Damoclès sur les exportations de services médicaux cubains  : le Venezuela, principal partenaire économique de l’île, accueille encore près de 21 000 coopérants de la santé cubains (soit plus de 2/3 des effectifs) contre un montant de 3,5 Mds USD selon les estimations de l’économiste Pavel Vidal

3. Une nécessaire diversification déjà engagées par les autorités cubaines

Les autorités cubaines ont pleinement conscience de l’apport de ces services médicaux tout comme de la fragilité de la situation. De fortes incertitudes pèsent de façon générale sur le renouvellement à moyen terme des contrats de coopérants envoyés en mission à l’étranger, et le maintien de leur rémunération, notamment au Venezuela.

C’est dans ce contexte incertain, accentué par la fin du programme au Brésil, en Equateur et en Bolivie et les déclarations du Département du Trésor américain visant à décrédibiliser ce programme , que les autorités cherchent depuis quelques années à diversifier les débouchés à l’étranger pour leur personnel soignant et pérenniser ainsi cette source de devises stratégique pour l’Etat. Cuba se tourne ainsi vers l’Afrique et le Moyen-Orient (contrats signés au Qatar, en Arabie Saoudite, au Lesotho, en Afrique du Sud, au Kenya ou encore en Algérie) mais aussi la France. Les autorités cubaines sont particulièrement intéressées par la possibilité, ouverte par la loi sur l’organisation du système de santé promulguée en juillet 2019, d’envoyer des professionnels de la santé dans certains territoires ultramarins (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Saint-Pierre et Miquelon).

L’envoi de brigades médicales pour aider à combattre la pandémie du coronavirus et leur médiatisation pourraient redynamiser ces exportations.