Actualités du transport aérien Inde 26 mars – 14 avril 2020

 

« Le FMI estime que la pandémie actuelle liée au Covid-19 va entraîner une récession économique plus grave encore que la crise de 1929, avec au plan mondial, un ralentissement de 3% »

L’effondrement du transport aérien pourrait représenter, selon IATA, 314 Mds USD ; la baisse de trafic, sur une année glissante, est estimée à 48% et à 55% pour les revenus passagers.

Selon CAPA India, le trafic passager domestique devrait baisser de 140 millions au cours de l’exercice budgétaire 2020-21 à une fourchette de 80-90 millions lors du prochain exercice. Le trafic passager international pourrait être réduit de moitié, de 70 millions de personnes transportées à une fourchette de 35-40 millions. Cette chute de la demande laisserait les transporteurs indiens avec quelques 200 à 250 avions excédentaires au cours des 6 à 12 prochains mois. Le secteur pourrait ainsi s’exposer à des pertes de 3 à 3,6 Mds USD au cours du prochain trimestre.

En Inde, l’année budgétaire 2021 (1er avril 2020 – 31 mars 2021) pourrait se solder par un trafic domestique de 80 millions de passagers et un trafic international de 35 millions de passagers, soit une baisse de 40% dans les deux cas.

Les compagnies aériennes indiennes ont été les premières touchées, avec la suspension des vols commerciaux domestiques et internationaux depuis le début du lock down le 25 mars dernier.

Elles ont à faire face au paiement de charges structurelles alors qu’elles n’ont plus de revenus.

Toutes ont essayé de limiter l’impact en mettant en place diverses mesures, allant du non renouvellement du contrat de travail des pilotes étrangers (Spice Jet et Go Air), de la suspension des contrats de travail des pilotes nationaux (200 contrats gelés pour Air India), à la mise en chômage partiel et à la baisse des salaires des employés, tous postes confondus,  de 15 à 30% selon les employeurs.

Elles refusent également de rembourser le montant des billets pour les vols non opérés, préférant garder des liquidités et offrir aux passagers la possibilité d’un report de date pouvant aller jusqu’à 1 an (pour Go Air et Indigo) sur les billets émis (contre septembre 2020 pour Air India et février 2021 pour Spice Jet). Les compagnies aériennes indiennes retiendraient ainsi quelques 60 Mds INR de paiements effectués avant la décision de suspendre les vols aériens, à l’exception d’Indigo qui disposerait de davantage de trésorerie que ses concurrents (90 Mds INR à fin décembre 2019).

Eu égard aux conditions actuelles, les appels à manifestation d’intérêt pour reprendre Jet Airways qui a cessé ses opérations depuis 1 an, ou acquérir 100% du capital de la compagnie nationale Air India risquent fort de ne pas trouver preneur dans les prochaines semaines, le gouvernement ayant décidé de suspendre les « désinvestissements » pendant la période actuelle.

En effet, avec 1,3 milliard d’habitants, soit 20% de la population mondiale, l’Inde a fait de la gestion de la crise sanitaire une priorité absolue. Entre restrictions de voyages, suspension des vols commerciaux, fermeture des frontières intra sous-continent indien ou extérieures, confinement, télétravail quand cela est possible et port du masque dans les espaces publics lorsqu’il s’agit d’aller acheter des denrées alimentaires ou des médicaments, le gouvernement fédéral, en concertation étroite avec les gouvernements des Etats fédérés, n’a pas, pour le moment, pris de mesure spécifique pour aider le transport aérien à surmonter la période de crise.

D’ailleurs, personne ne dispose de la moindre visibilité sur la durée de cette pandémie mondiale, et établir un calendrier de sortie de crise est un exercice difficile.

Ceci pourrait expliquer que le gouvernement indien, n’en déplaise les demandes réitérées des compagnies aériennes, de l’ASSOCHAM, de la FICCI, de CII, d’ACI ou de IATA, n’ait pas encore proposé de mesures concrètes pour aider le transport aérien, alors même que KPMG ou CAPA ont produit des rapports avec des propositions précises pour l’établissement d’un plan de sauvegarde et de relance du secteur.

Après 3 semaines de lock down, le gouvernement Modi a annoncé la poursuite de ce confinement jusqu’au 3 mai 2020 (pour trois semaines supplémentaires à partir du 14 avril). En conséquence, la DGCA a publié une nouvelle circulaire prolongeant la suspension des vols commerciaux jusqu’à la même date.

Si le gouvernement central n’a pas encore précisé comment il comptait aider les entreprises du secteur de l’aviation civile, la DGCA a, quant à elle, promulgué en date du 1er avril une circulaire de navigabilité qui autorise, moyennant le respect de la réglementation, les compagnies aériennes à utiliser des aéronefs de transport de passagers pour opérer l’acheminement de fret. (Circulaire 2102(07)/1/2020).

La DGCA a également indiqué que les licences de pilotes et les certificats de navigabilité étaient automatiquement prolongés de 90 jours, jusqu’au 4 juillet 2020, sans que les compagnies soient obligées de respecter le calendrier initial des formations des personnels de maintenance ou des équipages.

Si les vols commerciaux sont tous suspendus, la DGCA autorise les vols spéciaux pour évacuer les ressortissants étrangers qui souhaitent rentrer chez eux, moyennant demande de clearance, et le fret aérien. Air India a ainsi, par exemple,  opéré 18 vols spéciaux, dont 10 pour l’Allemagne (au départ de Chennai, Delhi et Mumbai à destination de Francfort), 6 pour le Canada et 1 pour la France.

Pour encourager l’acheminement des médicaments, masques, respirateurs et des denrées de première nécessité comme des vivres, les taxes d’immobilisation et de surestaries à régler aux gestionnaires des terminaux de fret ont été réduites de moitié.

Ainsi, dans le cadre du programme baptisé « Lifetime Udan » (en référence au plan UDAN de connectivité régionale), 214 vols ont été opérés entre le 25 mars et le 14 avril, acheminant 37 323 tonnes de fret avec 199 784 kilomètres parcourus.

Ces vols ont été principalement opérés par Air India et sa filiale Alliance Air, et pour quelques transports marginaux, par Spice Jet et IndiGo.

Les compagnies Vistara, Go Air et Air Asia India ont cloué au sol l’ensemble de leur flotte. Sur 650 aéronefs en opération en Inde fin février 2020, seuls 30 opèrent encore à ce jour.

La crise sanitaire a touché d’abord les compagnies aériennes, mais l’industrie aéronautique dans sa globalité n’a pas tardé à en ressentir les effets. Sans transport domestique pour acheminer les pièces, avec les mesures de confinement, la fermeture des frontières intérieures et le télétravail en alternance pour éviter qu’une équipe n’en contamine une autre, le rythme de production, les commandes et le calendrier de livraison sont perturbés tout au long de la chaîne de valeur.

Tous les acteurs du transport aérien attendent de l’Etat qu’il joue son rôle pour éviter à court terme les faillites et sauver les emplois, et sur le plus long terme, permettre une reprise des activités dans les meilleures conditions quand la pandémie aura été jugulée.

Mais pour l’instant, l’Etat peine à trouver un équilibre entre les exigences sanitaires pour limiter le nombre de morts du Covid-19  dans un pays où les infrastructures de santé sont quantitativement et qualitativement bien peu prêtes à prendre en charge un grand nombre de malades, et de possibles assouplissements des conditions du confinement pour permettre une reprise partielle de la production, l’aménagement des cadences et la préservation des capacités financières des entreprises du secteur du transport aérien.

La crise a frappé d’un coup, mais la reprise sera progressive, et il est vraisemblable que de nouvelles réglementations voient le jour, pour respecter les nouvelles mesures de distanciation sociale, à a fois dans les aéroports et à bord des avions. Les autorités étudient l’option de n’avoir qu’un passager par rang de trois, avec un autre passager derrière ce rang de trois assis sur le siège diamétralement opposé, dans une configuration fenêtre-couloir-couloir fenêtre. Pour les aviations d’une capacité de 180 sièges, la capacité serait donc ainsi réduite des deux-tiers, à 60. Ces possibles nouveaux règlements pourraient peser sur le prix des billets, en rallongeant le temps des rotations pour raisons sanitaires et le temps de mise en œuvre des mesures de sureté et en raison de la reconfiguration des cabines pour respecter la distanciation sociale. Certains analystes anticipent une hausse allant de 1,5 à 3 par rapport au prix des billets de l’avant Covid-19.

Ils s’accordent à dire également que les avions actuellement en commande pourraient être livrés avec 2 ans de retard par rapport au calendrier initial puisqu’il faudra entre 18 mois et 2 ans pour retrouver le niveau de trafic de l’avant Covid-19, une fois la pandémie endiguée.

La compagnie régionale Air Deccan a été la première à cesser ses opérations, et IndiGo et Spice Jet ont déjà des employés décédés du Covid-19. Certains membres d’équipage de diverses compagnies et personnels du CISF sont également touchés par le virus.

L’absence de trafic a un effet sur la qualité des prévisions météorologiques, puisque les systèmes embarqués des aéronefs transmettent aux météorologues, en conditions normales, des données en temps réel.

Dans son allocution du 14 avril, le Premier ministre Modi a indiqué que le gouvernement travaillait à un calendrier d’assouplissement partiel des mesures du lock down pour certains districts ou Etats fédérés moins touchés. Ces « guidelines » ont été publiées le 15 et seront applicables dès le 20 avril.

Pour des mesures plus conséquentes, auxquelles aspirent les acteurs du transport aérien indiens, comme par exemple des garanties bancaires, des allégements fiscaux voire des exemptions, l’introduction du kérosène dans la GST, il faudra certainement attendre la fin du lock down.

On notera par ailleurs, que juste avant que n’éclate la crise du Covid-19, le Parlement indien a voté la modification du « Aircraft Act » de 1934. Désormais, la DGCA (l’autorité de surveillance de l’aviation civile), AAIB (le bureau Analyses accidents) et la BCAS (l’autorité de surveillance de la sureté dans l’aviation civile) ont une autonomie statutaire.

Prochaines Actualités début mai 2020.