L’épidémie de Covid-19 crée le chaos dans l’économie en général et dans le transport aérien en particulier.

Le Fonds monétaire international (FMI) a révélé le 23 mars ses perspectives de croissance pour 2020. En pleine épidémie de coronavirus Covid-19, l'institution s'attend à une récession au moins aussi forte que lors de la crise de 2008.

L'institution s'inquiète particulièrement de la situation des pays émergents ou à faible revenu en situation de surendettement. Ces pays connaissent déjà des sorties de capitaux importantes depuis le début de la crise sanitaire. Selon le FMI, les investisseurs ont déjà retiré 83 milliards de dollars de pays émergents.

Dans le transport aérien, la crise du coronavirus devrait provoquer une perte de chiffre d'affaires de 252 milliards de dollars cette année,  ce qui représenterait une chute de 44% par rapport à 2019. Le trafic passager devrait en effet baisser de 38% sur l'année.

La durée, plus longue que prévue, de la fermeture des frontières et l'intensité de la crise économique qui va probablement se traduire par une récession mondiale en 2020 expliquent cette révision des prévisions. L’association des transporteurs aériens (IATA) considére en effet que les "sévères restrictions de voyages ne seront pas levées avant trois mois". Alors qu'elle tablait jusqu'ici sur une courbe en "V" avec une forte chute d'activité suivie d'un rebond tout aussi rapide, IATA s'attend désormais à une reprise "graduelle", a expliqué son chef économiste, Brian Pearce, qui n'est pas attendue avant 2021.

En cause, "l'impact de la récession mondiale sur l'emploi et la confiance". Réduite de 65% au deuxième trimestre, la capacité des compagnies aériennes mesurée en sièges-kilomètres offerts ne sera pas encore revenue en fin d'année au niveau espéré avant crise. La baisse devrait encore être de 10% au quatrième trimestre.

En sus, les compagnies aériennes sont dans une situation d'urgence car elles souffrent d’une crise de liquidités : elles sortent de la saison hivernale - une période de basse saison consommatrice de cash - et  sont privées de rentrées d'argent (liées à la baisse des prises de réservation pour la saison d'été).

Selon une note publiée la semaine dernière par CAPA Aviation, un cabinet de consultants spécialisé dans le transport aérien, la plupart des compagnies aériennes risquent d'être en faillite fin mai. Une compagnie moyenne a deux mois de trésorerie dans les caisses, précise IATA.

Argument repris par IATA : "Une crise de liquidités se précipite sur nous à pleine vitesse : nous n'avons aucune recette mais toujours des coûts", a déclaré le Président de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Alexandre de Juniac, lors d'une conférence téléphonique.

IATA appelle les gouvernements à intervenir rapidement, que ce soit sous la forme d'aides directes, de prêts, de garanties de prêts, ou encore d'allègements d'impôts ou de charges sociales.

"Nous avons besoin d'un plan d'aides de toute urgence" et "nous avons désespérément besoin de liquidités", a-t-il poursuivi. Selon IATA, 200 Mds USD d'argent public (185 Mds € environ) sont nécessaires pour sauver le secteur.

Plusieurs États sont déjà passés à l'acte. L'Italie est en train de nationaliser Alitalia. La Norvège a accordé sa garantie pour les prêts de ses compagnies aériennes, dont Norwegian. La France a assuré qu'elle allait aider Air France-KLM, mais ne dit rien pour les autres compagnies françaises.

La situation en Inde

Ce qui vaut pour le transport aérien mondial vaut pour l’Inde, où, en sus, aucun vol commercial international n’est plus autorisé à atterrir entre le 22 mars (01h00 GMT) et le 29 mars (01h00 GMT) et où tous les vols domestiques sont suspendus depuis le 24 mars 23h59 IST.

Ces mesures ont été annoncées lundi 23/03/2020 (tous vols domestiques), après que l’Inde a, dans les semaines précédentes, progressivement pris des mesures restrictives visant certaines destinations / ports d’origine (suspension des liaisons avec l’Iran le 25/02 – ces liaisons avaient acheminé 200 000 passagers en 2019).

Les compagnies aériennes avaient également décidé d’elles-mêmes de suspendre certaines des liaisons en raison de la crise sanitaire qui a débuté en Chine. (Air India et Indigo avaient arrêté début mars leurs vols vers Shanghai et Hong Kong, SpiceJet ses lignes vers Hong Kong, Vistara vers Bangkok et Singapour…).

Les suspensions de vol décidées par d’autres pays ont eu aussi un impact fortement négatif sur les activités de certaines compagnies indiennes. Par exemple, la décision de l’Arabie Saoudite de suspendre les pèlerinages à la Mecque a directement touché les compagnies indiennes SpiceJet, Air India et Indigo, qui, avec 98 liaisons par semaine vers Djeddah, assurent 50% du trafic entre l’Inde et l’Arabie Saoudite. Les données du MoCA (Ministry of Civil Aviation) estiment que 585 vols internationaux en provenance ou à destination de l’Inde ont été annulés entre le 1er février et le 6 mars 2020.

Eu égard aux circonstances, la totalité des compagnies indiennes ont, les unes après les autres, exempté les passagers de frais d’annulation ou d’échange de billets.

Plusieurs compagnies ont également pris des mesures d’économie pour essayer d’absorber une partie du choc :

  • GoAir a mis en place un système de congés sans solde tournant pour ses employés, a réduit de 50% le salaire de son top management et licencié les 70 pilotes expatriés qu’elle employait.
  • IndiGo a annoncé le 18 mars couper tous les salaires de 15% (équipage) à 20% (top management), et de clouer au sol 16 de ses appareils.
  • Air India a aussi diminué les salaires d’une partie de ses employés, lesquels sont par ailleurs toujours en attente du règlement des sommes dues depuis des mois par la compagnie nationale. Il est probable que l’appel à manifestation d’intérêt pour le désinvestissement du Maharaja, dont la date limite a déjà été repoussée, soit reporté dans le temps, au regard des circonstances exceptionnelles liées au Covid-19.

     

Lundi 23 mars, sur les 650 avions de ligne enregistrés en Inde, seuls 385 étaient encore en opération.

Les compagnies indiennes avaient, pour la plupart, entrepris de proposer des liaisons internationales pour essayer d’améliorer leur rendement, compte-tenu de l’extrême concurrence sur les vols domestiques, et des prix capés au titre du plan UDAN, le plan de connectivité régionale. Pour certaines, qui souffraient en sus déjà du fait de la crise du Max (SpiceJet) et des problèmes de moteurs P&W 1100 NG défectueux (GoAir et IndiGo), les coûts ont augmenté et les recettes diminué. Avec l’interdiction des vols internationaux, et ensuite des vols domestiques, la totalité de la flotte est désormais clouée au sol depuis le 25 mars.

Les pertes pour les compagnies aériennes indiennes devraient être abyssales.

Déjà avant la suspension des vols, et face à la baisse drastique de la demande, les prix des billets avaient chuté de près de 40% sur certaines liaisons. La CAPA estime que les compagnies domestiques devraient connaître une perte cumulée de 600 M USD (45 Mds INR) sur un trimestre. Air India connaitrait elle une perte de 37 Mds INR sur la même période, ce qui amènerait les pertes totales du secteur de l’aviation indienne à 82 Mds INR en un trimestre (environ 1 Md €).

Qui plus est, Le gouvernement indien vient de décider d’imposer un lock down de 3 semaines à l’ensemble de la Fédération des 29 Etats fédérés et des territoires de l’Union. Cette décision entraine une interdiction de toute mobilité au sein du sous-continent indien et ne laisse pas augurer de reprise de dessertes aériennes rapidement, même si pour l’instant, les interdictions de vol ne sont prononcées que jusqu’au 29 mars.

Il faut penser à l’après-crise et réfléchir à un plan de sauvetage de l’aviation civile

Le transport aérien mondial subit la crise de plein fouet. La plupart des compagnies aériennes ont réduit au strict minimum leur activité, certaines l’ont carrément stoppé. Nombre d’entre elles sont déjà à bout de souffle. L’Association internationale du transport aérien table désormais sur des pertes de revenus du secteur de plus de 250 milliards de dollars. Pour son président, Alexandre de Juniac, la moitié des compagnies aériennes sont menacées de faillite si la crise sanitaire se poursuit jusqu’en juin.

Plus la crise dure et moins il est probable que l’avenir du secteur puisse être garanti sans aides publiques. Les compagnies aériennes, pour l’heure, comptent surtout sur les États, aujourd’hui clairement en première ligne. Pour la plupart des transporteurs aériens en effet, sans recapitalisation point de salut.

Aux USA, par exemple, un projet de loi propose d’injecter 50 milliards de dollars dans le secteur aérien, avec l’éventualité d’une prise de participation de l’Etat dans les transporteurs.

En Europe, les gouvernements français et néerlandais indiquent étudier toutes les conditions possibles d’un soutien à AF KLM. Actuellement, l’Etat français possède 14,3% du capital d’AF, mais pourrait recapitaliser l’entreprise via une augmentation de sa participation.

En Inde, le 19 mars, le gouvernement indien a annoncé travailler à la préparation d’un plan de sauvetage de 1,6 Md USD pour le secteur de l’aviation civile, mais sans donner d’éléments sur les mesures envisagées.