Le Bulletin se compose des productions récentes du Service économique régional de Pékin au sujet de l’économie chinoise.

Sommaire

 

GUERRE COMMERCIALE : QUEL BILAN, UN AN ET DEMI APRES LE DEBUT DES TENSIONS ?   


Depuis l’été 2018, les États-Unis ont relevé les droits de douane sur 362 Mds USD d’importations de produits chinois ; la Chine a répondu en imposant des tarifs additionnels sur environ 90 Mds USD d’importations de biens en provenance des États-Unis. La signature d’un deal phase-1 le 15 janvier dernier a permis une trêve dans l’escalade tarifaire. Néanmoins les mesures prises par l’administration américaine ne se limitent pas aux droits de douane. La Chine semble prête à effectuer des concessions afin d’éviter une spirale d’escalade incontrôlable, mais rejette tout changement de modèle et toute entrave à son développement technologique.


SIGNATURE DE L’ACCORD « PHASE ONE », UN RETOUR A UNE APPROCHE TRANSACTIONNELLE DE LA PART DES ETATS-UNIS ET UNE TREVE DANS L’ESCALADE TARIFAIRE MAIS PAS LA FIN DES TENSIONS       

 

Mi-janvier, un dialogue économique entre le Secrétaire au Trésor S. MNUCHIN et le Vice-Premier Ministre LIU He a été ré-institué sur une base semestrielle à l’occasion de la signature d’un accord dit de « phase-one ». Celui-ci contient de vraies avancées en matière d’accès au marché mais seulement des précisions techniques relativement mineures par rapport aux mises à jour récentes de la législation chinoise en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle et les transferts de technologies forcés. Les deux parties semblent se satisfaire pour l’instant de ce qui ressemble à un retour au statu quo ante en termes de méthode. Pour les partenaires des Etats-Unis et de la Chine, l’accord pourrait avoir des conséquences différentes selon les secteurs et les modalités de mise en œuvre par la Chine. Un apaisement durable des tensions commerciales sino-américaines semble néanmoins peu probable à court terme, la Chine continuant d’estimer que les Etats-Unis poursuivent une stratégie d’endiguement à son encontre sur le long terme.

 

LE DEVELOPPEMENT DE L’INDUSTRIE CYBER CHINOISE : UNE PRIORITE NATIONALE 


Dès l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en 2012, la sécurité de l’information et du cyberespace a été instituée au rang de priorité nationale. La Chine cherche à s’émanciper progressivement des fournisseurs étrangers et à promouvoir une industrie indigène « sûre et contrôlable ». Plus de 3 000 entreprises chinoises ont ainsi émergé, qui ont commencé à s’internationaliser, en particulier le long des « Routes de la soie », où elles exportent les standards industriels chinois. Alors que le manque de personnel qualifié constitue l’une des principales lacunes identifiées pour atteindre ses ambitions, onze « académies d’excellence » ont en outre été labélisées qui ont noué des liens étroits avec l’industrie et devront avoir acquis « une influence internationale » d’ici 2027. Une partie de cet effort s’inscrit par ailleurs dans le cadre de la « fusion civilo-militaire », devenue stratégie nationale en 2015.

 

L’INTERNET INDUSTRIEL EN CHINE : UNE STRATEGIE AMBITIEUSE POUR DES RESULTATS ENCORE MITIGES?           

 

L’omniprésence de l’internet industriel dans le discours industriel chinois répond à la nécessité de montée en gamme de l’appareil industriel. Pour cela, le gouvernement soutient des entreprises et plateformes locales et promeut un « écosystème ouvert ». Néanmoins, pour combler son retard sur les applications les plus avancées, la Chine s’appuie encore largement sur la coopération internationale et le recours aux technologies étrangères.

 

BYTEDANCE, UN GEANT DE LA TECH CHINOISE QUI DERANGE  

 

Licorne actuellement la mieux valorisée au monde (75 Mds USD), ByteDance est considéré comme l’un des futurs géants de l’internet chinois, rivalisant ouvertement avec des entreprises comme Tencent et Facebook. Le groupe, dont les applications les plus connues sont Douyin (TikTok) ainsi que des agrégateurs d’actualité (Jinri Toutiao, News Republic etc.), investit actuellement dans de nouveaux secteurs tels que les jeux vidéo, le streaming musical, l’éducation, la téléphonie etc. Outre sa viabilité financière, qui ne semble plus être une préoccupation majeure, la politique de régulation des contenus sur les plateformes de ByteDance semble être le principal obstacle susceptible de freiner l’expansion du groupe. Aux Etats-Unis, une enquête  a été ouverte en octobre 2019 afin d’évaluer si TikTok représentait une menace pour la « sécurité nationale ». Malgré les dénégations de l’entreprise et ses efforts pour afficher son indépendance, ByteDance reste, dans les faits, lié à son pays d’origine. Par ailleurs, cette volonté d’indépendance pourrait se heurter aux pressions du gouvernement chinois, avec lequel certaines tensions existent également.

 

LE MARCHE CHINOIS DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES : UN MARCHE EN MUTATION        

 

Deuxième marché mondial des produits pharmaceutiques, le marché chinois est largement dominé par les génériques (75% du marché des médicaments sous prescription, tandis que l’OTC représente 13% du marché total). Les multinationales y occupent une place importante, les importations de produits pharmaceutiques représentant 20% du marché et les compagnies étrangères produisant par ailleurs localement. Dans un contexte de besoins de santé de plus en plus diversifiés (les maladies chroniques comme le cancer - première cause de décès - ou le diabète se sont substituées aux maladies infectieuses comme principales sources de risques sanitaires) et de dépenses de santé en forte croissance, d’importantes réformes sont menées depuis 2017 afin de libéraliser l’accès au marché pour les produits étrangers innovants tout en contrôlant à la baisse le prix des génériques (et, de plus en plus, des médicaments brevetés). Pour espérer maintenir leurs parts de marché, les multinationales devront être capables de mettre sur le marché un nombre croissant de nouvelles molécules.

 

PHARMACIE : LA DEPENDANCE AUX PRINCIPES ACTIFS CHINOIS, PROCHAIN ENJEU STRATEGIQUE DE LA COMPETITION SINO-AMERICAINE

 

L’essentiel des principes actifs utilisés dans les médicaments consommés en Europe et aux États-Unis n’y sont pas produits. La Chine concentre à elle seule 40% de la production mondiale. Comme souligné par l’épidémie de coronavirus, cette dépendance présente des risques économiques et sanitaires majeurs. Dans le cadre de la concurrence que se livrent la Chine et les États-Unis, de nouveaux risques ont été identifiés : un député chinois a suggéré de rationner les exportations de principes actifs vers « certains pays développés » afin d’handicaper leur système de santé, tandis que certains experts auditionnés au Congrès américain s’interrogent sur la possible « weaponization » par la Chine, des produits destinés aux forces armées américaines.         

 

LA PLACE DU SPORT DANS LES RELATIONS ECONOMIQUES FRANCO-CHINOISES         

 

Bien que la France continue de présenter un déficit commercial conséquent (-970 M EUR en 2018) avec la Chine dans le commerce des articles de sport, le marché chinois du sport représente une opportunité pour de nombreuses entreprises françaises spécialisées dans les services. Profitant de leur expertise, un grand nombre d’entre elles sont actuellement présentes localement et accompagnent le développement du secteur promu par le gouvernement chinois. L’essor des sports d’hiver, l’organisation d’événements internationaux ou encore la formation de talents locaux sont autant de segments sur lesquels l’offre française a vocation à se positionner. Dans le sens inverse, la France accueille des investissements chinois dans le sport professionnel, en particulier le football, bien que ces derniers soient en recul depuis 2016.

 

L’ESSOR DE LA MONNAIE NUMERIQUE SOUVERAINE CHINOISE

 

Le lancement du Digital Currency/Electronic Payment (DCEP), soit le RMB numérique de la banque centrale (PBoC), se concrétise après plusieurs années de travaux préparatoires. Aucun calendrier n’a été annoncé — la PBoC étant toujours dans la « phase recherche et test » — mais la Chine pourrait être le premier « grand pays » à émettre une monnaie numérique souveraine. Si la PBoC n’a publié aucun document “formel”, de nombreux représentants officiels se sont exprimés sur le sujet, permettant de mieux discerner la structure que prendrait le DCEP. Il jouerait un rôle plutôt limité en ne remplissant que les fonctions de l’agrégat M0, à savoir assurer les paiements de détail, et en conséquence, n’impacterait que très peu le système financier.