La Lituanie affiche sa volonté de se spécialiser dans les Fintechs et ambitionne même de devenir le nouveau hub européen dans ce secteur. Son expansion est favorisée par la présence sur son territoire d’importants Centres de services notamment pour les banques scandinaves et de Western Union, implantés depuis une dizaine d’années. D’autres technologies stratégiques (Biotechnologies, Mécatronique et Laser) sont également en plein développement.

I. Un « partenariat » important entre les centres de services et les Fintechs

Une implantation importante de centres de service en Lituanie

Des centres de service (ou « Global Business Services » en anglais) se sont développés en Lituanie à partir des années 2009-2010, avec l’arrivée de sociétés d’envergure internationale que sont Barclays et Western Union. Plusieurs facteurs expliquent leur choix d’implantation dans le pays balte : des grands locaux à prix réduits, des politiques favorables à leur installation, et une ressource humaine importante, polyvalente et multilingue, sachant que 97% de la population parle au moins une autre langue étrangère. Cet écosystème naissant a rapidement fourni un nombre important de spécialistes financiers et informatiques ; qui, après avoir travaillé et suivi des formations auprès de ces grandes sociétés, ont décidé de créer leurs propres start-ups. Rapidement, de nouvelles sociétés se sont implantées. L’écosystème des centres de service en Lituanie ne cesse d’évoluer, et compte aujourd’hui 67 centres, comprenant 17000 employés environ qui fournissent leurs services en 35 langues différentes.

Les principaux centres de service présents dans la capitale lituanienne sont ceux de Danske Bank (3200 employés dont 1000 spécialistes informatiques ; plus grand site de GBS en Lituanie) ; Western Union (6000 employés ; le plus grand site de GBS de l’entreprise) ; ou encore Nasdaq (320 employés). Kaunas accueille ceux de R1 (anciennement Intermedix ; 780 employés) ; Festo (480 employés) ou encore Dematic (100 employés). Les sociétés Moody’s, Booking.com et HCL Technologies figuraient parmi les nouveaux venus en 2018. Ces centres couvrent un large éventail de fonctions : service client, comptabilité ; service financier, informatique… Si Vilnius regroupe la majorité des centres en Lituanie, les deux villes forment un grand hub devenu aujourd’hui un pôle d’attraction majeure pour de grands opérateurs internationaux. Enfin, la présence d’universités de qualités, tels que l’Université de Vilnius ou l’Université des Technologies à Kaunas, favorise considérablement le développement de cet écosystème.

Récemment, des grands centres de services ont quitté la Lituanie, tels que ceux du géant américain des assurances AIG, la société finlandaise Ahlstrom-Munksjo (2017), ou encore le centre de Barclays (2018). Ces décisions restent des exceptions et leur départ ne trahissent pas un ralentissement de l’écosystème des centres de service en Lituanie, qui connaît toujours une croissance importante.

La croissance des centres de service en Lituanie favorise aussi l’expansion du secteur des Fintechs dans le pays. En effet, ils fournissent la ressource humaine qualifiée, talentueuse et entreprenante – qui créé et attire toujours plus de start-ups – dont la Lituanie a besoin pour consolider son écosystème. Ensemble, les deux industries ont formé un partenariat important dans lequel les diverses ressources issues des centres de service alimentent le secteur des Fintechs. Favorisant ainsi l’innovation, ce cercle vertueux permet aux deux secteurs de rester à l’avant-garde des nouvelles tendances émergentes et d’être en constante évolution.

Un secteur des Fintechs en expansion

Outre le développement du secteur des centres de service, une série de réformes ont favorisé l’expansion des Fintechs en Lituanie. Ces nouvelles procédures administratives permettent d’obtenir une licence bancaire en moins de six moins – soit le processus d’approbation le plus rapide au sein de l’Union européenne. En outre, elle nécessite un capital initial de 1 MEUR seulement, 5 fois moins qu’une licence bancaire normale. La Banque de Lituanie, qui délivre ces licences, s’acquitte aussi du rôle de superviseur bancaire, apparaît comme l’un des régulateurs les plus progressistes d’Europe. Une série de sandboxes, comme notamment la sandbox LBChain pour la technologie blockchain, permettent de développer et tester ces produits financiers innovants sous la supervision de la Banque de Lituanie, avant d’être mis en place à grande échelle.

Ainsi, le secteur des Fintechs s’est fortement développé en Lituanie, et représente aujourd’hui 170 entreprises environ pour 2600 employés. Des pôles d’innovation comme Vilnius TechPark ou le Blockchain Center permettent de structurer cet écosystème et de renforcer la collaboration entre ses membres. Des sociétés importantes se sont installées récemment en Lituanie, comme Revolut et Google Pay, qui ont toutes deux obtenu des licences EMI (Electronic Money Institution) auprès de la Banque de Lituanie. Enfin, des anciens employés de centres de services développent de nombreuses start-ups et renforcent ainsi l’attractivité du site.

II. D’autres technologies stratégiques (Biotechnologies, Mécatronique et Laser) sont également en plein développement

L’expansion du secteur des biotechs en Lituanie

Si l’industrie des biotechs[1]   est jeune, le secteur est porteur en Lituanie et représente aujourd’hui 1,3% du PIB du pays ; et devrait représenter 5% du PIB lituanien d’ici 2030 selon les dires du ministre de l’Économie et des Innovations. Il est principalement tourné vers l’international, puisque 90% de sa production médicale et pharmaceutique sont exportés dans 100 pays environ. Un véritable écosystème s’est formé autour de l’entreprise pharmaceutique américaine ThermoFisher Scientific (800 employés), géant dans le domaine des biotechs en Lituanie et véritable moteur de l’industrie dans ce secteur. Plusieurs entreprises lituaniennes, telles que Sicor Biotech, Valeant ou encore Probiosan font aussi parties des success stories dans ce secteur ; et sont pour la plupart regroupées dans la Santara Valley, un hub près de Vilnius spécialisé dans les biotechs.

La Lituanie est aussi avancée dans le domaine de la recherche pour les biotechs. La Lithuanian Biotechnology Association (LBTA) compte aussi bien pour membres ThermoFisher Scientific, Sicor Biotech, ou le groupe français Roquette Frêres basé à Panevezys, que des institutions telles que Vilnius University, Kaunas University of Technology ou encore Klaipėda University. ThermoFisher a aussi installé un important centre de R&D à Vilnius : le World Excellence Center for Molecular Biology, plus grand centre privé de R&D dans la région de la Baltique et composé d’une centaine de chercheurs. Le Vilnius University Joint Life Sciences Centre participe également au dynamisme de l’écosystème des biotechs en Lituanie, en permettant notamment à des start-ups locales d’utiliser ses locaux. Enfin, plusieurs scientifiques renommés et spécialistes des biotechs sont lituaniens, comme que le professeur Virginijus Siksnys de l’Université de Vilnius, lauréat du prix Warren Alpert[2], ou Vladas Bumelis, pionner des biotechs en Lituanie.

Le pôle mécatronique de Panevėžys

Site industriel important en Lituanie, la région de Panevėžys est particulièrement spécialisée dans la robotique et la mécatronique (combinaison de la mécanique, de l’électronique, de l’automatique et de l’informatique); et accueille de nombreuses sociétés telles que Adax ou PKC Group. Elle est notamment connue pour fournir des composants métalliques et électriques pour l’industrie des poids lourds, avec pour clients Volvo, Rolls-Royce ou encore Bombardier. Les activités mécatronique et robotique représentent 70% du PIB de la région environ pour 30 000 employés – sachant que l’activité globale de la région représente 6% du PIB de la Lituanie. Aussi, Panevėžys accueille le Panevėžys Science and Technology Park ; ainsi que Scan Investment, un parc industriel norvégien créé en 2000. Enfin, sa situation géographique stratégique, entre Kaunas et Riga, et la présence d’infrastructures routières (autoroute Via Baltica) et ferroviaires ont favorisé son expansion économique.

Surtout, la présence du Panevėžys Mechatronics Centre and Robotics Laboratory (PMC), une branche de Kaunas University of Technology, permet de dynamiser considérablement le site. Créé conjointement par des établissements d’enseignement et de recherche et des entreprises, il est spécialisé dans la mécatronique, l’électronique et la robotique ; et participe à divers projets collaboratifs – sur des sujets tels que l’Intelligence Artificielle, la robotique, ou l’automatisation des processus industriels – avec des entreprises comme AQ Wiring Systems, Factobotics, ou encore Neurotechnology.

Les principaux investisseurs étrangers pour le site industriel de Panevėžys sont le Danemark, la France, la Suisse, l’Estonie et la Finlande. Les liens avec le Danemark sont toujours plus nombreux : récemment, PMC s’est associé avec le University College of Northern Denmark (UCN) pour développer des projets basés sur l’Intelligence Artificielle et la construction de robots agro-industriels. De plus, les directeurs de la compagnie danoise Blue Ocean Robotics ont multiplié ces derniers temps les visites à Panevėžys en vue d’une possible implantation. Ainsi, Panevėžys pourrait bien développer ses activités en robotique, comme ce fut le cas pour la ville d’Odense au Danemark. 

Le succès des lasers lituaniens

Si le secteur des lasers en Lituanie peut paraître relativement modeste – une activité qui représente à peu près 0,4% du PIB lituanien, et comporte quelques 1000 emplois – il est cependant en pleine expansion. Exportant plus de 80% de sa production à l’étranger, la Lituanie est en effet renommée dans le secteur des lasers, et particulièrement des lasers à impulsions brèves et ultra-brèves[3], où elle occupe une place importante sur le marché international. Ces derniers sont aussi bien utilisés dans le cadre de la recherche scientifique – 90 des 100 meilleures universités du monde utilisent des produits lituaniens – que dans les secteurs de l’industrie, de la médecine ou la défense.

Si l’on peut aujourd’hui compter une quarantaine de PME dans le secteur du laser, deux entreprises, Light Conversion et Ekspla, dominent le marché lituanien. Leur coopération a permis la réalisation en 2019 du laser SYLOS1, l’un des plus puissants lasers jamais réalisés, suite à une demande de l’organisme de recherche européen Extreme Light Infrastructure (ELI). La Lituanie dispose aussi de centres de recherche importants tels que le Centre pour les Sciences physiques et la Technologie (FMTC) et le Centre de recherche sur les lasers de l’Université de Vilnius (VULRC). Surtout, l’écosystème est dynamisé par la mise en relation constante entre chercheurs, entreprises, qui sont permise par l’existence de clusters importants tels que Litek ou la Lithuanian Laser Association – eux-mêmes intégrés dans d’importants partenariats européens comme Laser-Go Global, permettant un développement du secteur des lasers et une coopération à grande échelle.

III. La présence de sociétés actives dans le capital-investissement devient de plus en plus favorable au développement de ces technologies stratégiques en Lituanie

L’association internationale du Capital investissement évalue à 300MEUR les investissements réalisés sous forme de capital investissement en Lituanie au cours des 10 dernières années. La croissance de ces investissements a beaucoup augmenté en 2017 (+14%) et 2018 (+18%).

Practica Capital est à ce jour le premier acteur financier de l’écosystème lituanien des technologies de pointe

Fondée en 2011 et dirigée par des professionnels de l'investissement et des entrepreneurs issus d'entreprises non-financières,  Practica Capital propose une gamme complète de financements en capital-risque, allant de l’amorçage au démarrage / au démarrage tardif, en passant par le co-investissement dans le cycle A, et l’investissement dans le développement et la croissance de PME à forte croissance. Practica Capital gère également Startup.lt, un accélérateur d'entreprises, qui aide les jeunes entreprises à atteindre leur plein potentiel de croissance.

Practica gère le fonds Practica Seed Capital de 8 millions d'euros et le fonds Practica Venture Capital de 16 millions EUR, lancés mi-2012 dans le cadre du Initiative JEREMIE en Lituanie. Cette initiative est administrée par le Fonds européen d'investissement (FEI), le ministère lituanien de l'Économie et le ministère des Finances, et est financée par les Fonds structurels de l'Union européenne dans le cadre du programme opérationnel de Lituanie pour la croissance économique 2007-2013. À ce jour, avec ses différentes structures, Practica Capital a réalisé 40 investissements dans la haute technologie lituanienne (au moins 35 millions de participation au capital, selon l’un des dirigeants de la société).

D’autres structures, lituaniennes, coexistent avec Practica :

Open Circle Capital est un fonds de capital-risque mis sur pied en 2017 qui a investi en Lituanie pour 20 millions EUR. Comme Practica, elle cible les entreprises de technologie dans les domaines des technologies de l'information et des communications, de la robotique et de la haute technologie.

Nextury Ventures : fondée en 2014, Nextury Ventures est un fonds de capital-risque qui a investi dans 40 projets spécialisé dans les TIC (montant non-divulgué).

Des structures inter baltiques ou provenant d’autres pays baltes viennent enrichir le paysage

Le Fonds d'innovation baltique (BIF) est une initiative de fonds de fonds lancée par le FEI en étroite coopération avec les gouvernements de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie en 2012 afin de stimuler les investissements en fonds propres dans une dizaine de PME lituaniennes à fort potentiel de croissance (montant non-divulgué).

BaltCap est le principal investisseur spécialisé en capital-investissement et en capital-risque dans les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). Ils travaillent dans la région depuis 1995. BaltCap soutient des équipes de direction fortes et des sociétés ayant pour vision de se développer dans les pays baltes et au-delà. À ce jour, ils ont effectué plus de 50 investissements (montant non-divulgué).

Les sociétés estoniennes de capital-risque basées à Vilnius telles que Contrarian Ventures et Karma Ventures ont également participé au développement de deux entreprises lituaniennes. Par ailleurs, Contrarian et l’opérateur électrique lituanien Lietuvos Energija ont acheté la start-up française Sterblue conjointement avec Lietuvos Energija. Les anciens propriétaires Estoniens de Skype participent aussi à des opérations : comme en témoigne le financement estono-lituanien de la start-up "Ziticity" en juillet 2019 (une participation de 315,000 essentiellement réalisée par les estoniens de Bolt (ex-Taxify) et les fondateurs de Skype en parité avec le premier fonds d’investissement lituanien Practica Capital.

Le Letton « Livonia Partners » a également investi dans la société de fibre-optique lituanienne « CGates ».

 



[1] Les biotechs peuvent être définies comme étant l’application de la science et de l’ingénierie à l’utilisation des fonctions biologiques d’organismes vivants – sous leur forme naturelle ou modifiée – pour des applications dans la médecine, l’agriculture, l’industrie et la protection de l’environnement. Plusieurs catégories permettent de les distinguer. Tout d’abord, les biotechs rouges, qui concernent les domaines domaines de la santé, du médicament, du diagnostic, de l’ingénierie tissulaire ainsi que du développement de procédés génétiques ou moléculaires ayant une finalité thérapeutique. Si le secteur pharmaceutique représente près de 90% des biotechnologies au niveau global – 2 médicaments sur 3 sont produits dans les sociétés de biotechnologie – on constate une certaine séparation entre l’activité des sociétés de biotechs, à l’origine des innovations, et les industries pharmaceutiques qui font essentiellement du développement. Les biotechs blanches – ou « biotechs industrielles » - ont pour objet la fabrication de produits (polymères, édulcorants, acides aminés, etc.), l’invention de bioprocédés ; et jouent un rôle croissant dans la bio-industrie. Les biotechs vertes concernent les domaines alimentaires et agricoles ; tandis que les biotechs jaunes sont utilisées pour résoudre les problèmes environnementaux, comme la gestion de la pollution.

[2] Virginijus Siksnys est l’un des développeurs fondateurs de la technologie CRISPR / Cas9, qui a fait avancer le domaine de l’édition de gênes. Il est lauréat du prix Warren Alpert, administré par la Harvard Medical School.

[3] Lasers picoseconde et femtoseconde