Le budget 2020, après avoir été adopté par la commission mixte de l’Assemblée nationale et du Sénat le 15 décembre, a été promulgué par le Président Tshisekedi. Présenté en équilibre, ce budget volontariste manque, selon le FMI, de réalisme : d’un montant de 11 Mds $, soit quasiment le double de celui de 2019 (5 Mds $), sans que des augmentations tangibles de recettes ne suivent.

1- La procédure d’adoption du budget :

L’adoption par le Conseil des ministres du premier « budget de l’alternance » avait été repoussée en raison de questions apparues durant sa préparation. Adopté par le Gouvernement fin septembre après un arbitrage du Premier ministre, le Président Tshisekedi, lors du conseil des ministres du 11 octobre, avait exigé du Gouvernement « un budget beaucoup plus ambitieux ». Pour cette raison, le projet de loi de finances a été déposé le 18 novembre sur le bureau de l’Assemblée nationale. Après une première lecture, il avait été transmis à sa commission économique et financière. Adopté début décembre par l’assemblée sans modifications substantielles, il était déposé en première lecture au Sénat, le 10 décembre, soit 4 jours avant la fin de la session ordinaire du Parlement. Une commission mixte paritaire des deux assemblées entérinait ce budget, en le faisant passer de 10 à 11 Mds$, évitant ainsi la convocation du parlement en session extraordinaire. Le Président Tshisekedi le promulguait le 30 décembre.

2- Le projet de loi des finances est volontariste mais paraît peu réaliste :

Présenté en équilibre, pour un montant de 11 Mds $, ce budget marque un fort accroissement par rapport à 2019 (+63,2%). Selon le représentant local du FMI [1], « une augmentation de 50 à 60% n’est pas réaliste. Il y a très peu de pays où d’une année sur l’autre on augmente les recettes de 50 à 60% ».

Ce projet s’efforce de traduire les priorités présidentielles sur la gratuité de l’enseignement primaire, la montée en puissance progressive de la couverture santé universelle (accès de la population aux soins de santé) ainsi que la mise en œuvre de la Caisse nationale de Péréquation prévue par la Constitution. Cette caisse, destinée à assurer un développement équilibré entre les provinces, sera alimentée par un prélèvement de 10% sur la totalité de recettes nationales. Le budget prévoit également le démarrage de la construction du port en eau profonde de Banana.

L’informatisation de la chaîne de recettes est prévue d’ici juin, ce qui devrait garantir la traçabilité et la transparence du circuit d’exécution. Est prévue la mise en place d’une autorité financière et des marchés dans la perspective de la levée des fonds sur le marché financier intérieur pour le financement du déficit budgétaire. Différentes mesures visant à encadrer les recettes des différentes régies fiscales (DGDA, DGI et DGRAD) sont annoncées.

Lors des débats, certains parlementaires ont estimé ce projet irréaliste compte tenu des recettes fiscales limitées. Ce budget ne contient, à ce stade, rien de tangible permettant à la RDC de combler ce retard. Aujourd’hui, les recettes fiscales, peuvent, au mieux, être estimées à 5 Mds$.

Les prévisions de recettes ne sont pas suffisamment précises à ce stade. Les recettes du budget général seraient de 8 Mds$ contre 5 Mds$ en 2019 (+57%) sans que, à ce stade, des pistes tangibles d’augmentation découlant d’une réforme de la fiscalité n’aient été mises en chantier, ni même annoncées. Même type d’interrogations sur les budgets annexes et les comptes spéciaux. Pour ces derniers, cependant, on pourrait l’expliquer par l’intégration dans le budget du Fonds minier pour les Générations futures. Mais les conditions d’intégration de ce fonds, jusqu’à présent géré par la Gécamines, devront être précisées. L’estimation des « recettes extérieures » -les aides des bailleurs- estimées à 1.5 Mds$ -contre 696 M$ prévus en 2019 soit +105%- semblent également, à ce stade, sujettes à interrogation. L’aide budgétaire attendue de la BM (500 M$) y est intégrée, ce qui est prématuré. Elle ne pourrait l’être que dans le cadre d’une Facilité élargie de crédit avec le FMI qui n’interviendrait au mieux qu’au 2° semestre. Enfin, l’émission des bons du Trésor sur le marché Intérieur, lancée en octobre devrait se poursuivre en 2020 (109 M$ contre 90 M$). On peut toutefois s’interroger sur leur caractère de recettes exceptionnelles, s’agissant d’emprunts, dont les taux sont, en réalité, très élevés voir spéculatifs (+4,85% sur 3 mois).

3- La discipline budgétaire recommandée par le FMI :

Le Premier ministre, M. Illunga, vient, de solliciter une intervention d’urgence du FMI. Une Facilité rapide de Crédit (FRC) de 370 M$ qui s’accompagnera d'un programme de référence (« staff monitored program ») a été décidée le 16/12 par le CA du FMI. Cette facilité, qui prendra la forme d’un prêt à taux de 0 % sur une durée maximale de 10 ans, est une réponse à un choc sur la balance des paiements. Ce programme de référence prévoit quelques mesures de stabilisation du niveau des recettes fiscales à effet immédiat : restaurer la TVA, inclure les primes des fonctionnaires dans l’impôt sur le revenu et respecter la chaîne des dépenses.

Le FMI indique avoir obtenu des engagements des autorités congolaises : en particulier qu’elles cessent de financer les dépenses sur les avances de trésorerie de la BCC. Le FMI recommande au Gouvernement d’augmenter les recettes fiscales afin de faire revenir la RDC dans la moyenne régionale des prélèvements fiscaux (16% du PIB contre 8% actuellement).

Lors de leur dernier passage en novembre dernier, les experts du FMI, ont demandé aux autorités congolaises de joindre à la loi de finances 2020 l’annexe qui avait été préparé pour la loi de finances 2017. Cette annexe identifiait bien les problématiques liées à la fiscalité. Dans les prochaines semaines, le FMI se positionnera sur le plan de trésorerie que ses experts ont recommandé suite à leur mission en novembre 2019. Ce dernier se basera sur une projection réaliste de recettes établies mois par mois, puis trimestre par trimestre. Les plans d’engagement se baseront sur le plan de trésorerie. L’objectif affiché du FMI, quant au budget 2020, est de rester proche d’une exécution sur « base-caisse ».



[1] https://www://7sur7.cd/2019/19/12/06/rdc-budget-de-10milliards

[2] Communiqué de presse du FMI (N19/465) du 17 décembre 2019.