Le budget de Panama pour l’année fiscale 2020

Le budget de Panama pour l’année fiscale 2020

Le budget 2020 du Panama approuvé en troisième lecture par l’Assemblée Nationale, le 31 octobre 2019, s’établit à 23,3 Mds USD, soit une diminution de 343 M USD par rapport au budget 2019. Ce budget est un budget d’austérité avec notamment une baisse importante des dépenses d’investissement, alors même que les investissements notamment en infrastructures sont un moteur clé de l’économie panaméenne, et une contraction des dépenses sociales (éducation et santé) par rapport au budget précédent. 

  1. Une politique d’austérité pour 2020

a) L’objectif du gouvernement : l’assainissement des finances publiques

Le budget du gouvernement panaméen pour l’année fiscale 2020 sera de 23,3 Mds USD, soit une diminution de 343 M USD par rapport à 2019. Le budget de l’Etat, approuvé par l’Assemblée Nationale en troisième lecture marque la volonté du gouvernement de mener une politique d’austérité avec pour principal objectif la réduction du déficit budgétaire ainsi que de la trajectoire d’endettement public. En 2019, le déficit budgétaire du Panama s’établit à 3,5% du PIB, bien au-dessus du seuil des 2% fixé par la Loi de responsabilité sociale. Le Gouvernement a soumis aux législateurs l’ajout d’une clause d’exception lui permettant de déroger à cette règle qui fixe le seuil du déficit budgétaire à 2% du PIB pour alors l’établir à 3,5% du PIB en 2019, puis à 2,75% en 2020, à 2,5% en 2021 et à 2% à partir de 2022. 

Afin de solder les arriérés dus à la caisse de la sécurité sociale et aux banques (dans le cadre notamment des programmes de financement de logements sociaux), hérités de l’ancien gouvernement, le Ministère de l’Economie et des Finances a procédé à deux émissions de bons du trésors, une première en juillet 2019 d’un montant de 2 Mds USD et une deuxième en novembre 2019 d’un montant de 1,3 Mds USD.

b) Une baisse des recettes publiques malgré la hausse des revenus du Canal

De janvier à septembre 2019, les recettes de l’Etat ont diminué de 4,7% par rapport aux neuf premiers mois de 2018, période durant laquelle l’Etat a collecté un total de 4,9 Mds USD, alors que sur la même période en 2018, l’Etat avait collecté 5,3 Mds USD. Les recettes fiscales ont quant à elles diminué de 2,4%, passant de 4 Mds USD en 2018 à 3,9 Mds USD en 2019, soit un manque à gagner de 19% par rapport à ce qui était initialement prévu dans le budget pour 2019.

Les autorités panaméennes prévoient pour 2020, une croissance des recettes fiscales, lesquelles devraient s’établir à 5,7 Mds USD ainsi que des recettes non fiscales estimées à 9 Mds USD.

Les recettes issues du Canal de Panama s’établissent à 3,3 Mds USD pour l’année fiscale 2019, soit une hausse de 3,9% par rapport au budget prévisionnel de 2019. Les recettes issues des péages du Canal sont de 2,6 Mds USD en 2019 et celles issues de la production d’eau potable et d’énergie électrique s’établissent à 135,7 M USD. En 2020, les recettes du Canal de Panama devraient croître de +5,7% par rapport à 2019, à 3,4 Mds USD. La contribution du Canal de Panama au budget panaméen devrait être en 2020 de 1,8 Mds USD, soit une hausse de 5% par rapport à 2019.

c) Une contraction du budget inédite dans un cadre macroéconomique pourtant stabilisé.

Le gouvernement de Laurentino Cortizo a approuvé pour 2020 un budget de dépenses en réduction par rapport à 2019, avec comme leitmotiv la nécessaire baisse du déficit budgétaire au détriment de l’investissement public, fortement réduit. Les dépenses de fonctionnement représentent 54,9% des dépenses totales du gouvernement central, les dépenses d’investissement 13,7% et celles du service e la dette 31,3%.

Le budget 2020 consacre 43,53% des ressources au développement de services sociaux (10,2 Mds USD Vs. 10,4 Mds USD en 2019), 16% aux services financiers (3,7 Mds USD Vs. 2,9 Mds USD en 2019) et 8% au développement d’infrastructures (1,9 Mds USD Vs. 2,9 Mds USD en 2019).

Le gouvernement de Laurentino Cortizo a, globalement, réalisé, pour 2020, une réallocation des dépenses au détriment des dépenses d’investissement et au profit des dépenses de fonctionnement.

En ce qui concerne les dépenses d’investissement, les baisses les plus significatives sont observées au sein de :

  • L’Assemblée Nationale, avec une baisse de 17 M USD par rapport au budget 2019, soit de -89,4%.
  • Ministère de l’éducation, avec une baisse de 28,8 M USD, soit de -12,6% par rapport au budget 2019.
  • Ministère de la santé, avec une baisse de 176 M USD, soit de -46,8% par rapport au budget de 2019. Les investissements en construction et installation de centres de santé ont été fortement réduits (-76%) au profit des équipements de santé (+9,7 M USD ; +200%).
  • Ministère des travaux publics, avec une baisse de 539,9 M USD, soit de -50,6% par rapport au budget de 2019.
  • Ministère du développement agricole, enregistrant une baisse de 40,3 M USD, soit de -42,1%, par rapport au budget 2019.
  • Ministère de l’environnement, avec une baisse de 14,3 M USD, soit -39,7% par rapport au budget 2019.
  • Et de manière générale, une baisse importante du budget des différents organes judiciaires, de plus de moitié.

En contrepartie, certains Ministères connaissent une légère augmentation de leurs dépenses d’investissement :

  • Ministère des affaires étrangères, avec une hausse de 668 052 USD, soit de +30,8%.
  • Ministère du travail, avec une hausse de 52 366 USD.
  • Ministère du développement social, avec une hausse de 961 182 USD.

Les dépenses de fonctionnement ont quant à elles augmenté de 2% par rapport au budget de 2019. Les Ministères avec un budget en dépenses de fonctionnement en augmentation sont :

  • Contrôleur général de la République, avec une hausse de 38,7 M USD, soit +38,9% par rapport à 2019.
  • Ministère des affaires étrangères, avec une hausse de 330 223 USD par rapport au budget 2019.
  • Ministère de l’éducation, avec une augmentation de 202, 9 M USD, soit +14,9% par rapport au budget 2019.
  • Ministère du développement agricole, avec une hausse de 2,7 M USD, soit +4,3% par rapport au budget 2019.
  • Ministère de l’environnement, avec une hausse de 1,4 M USD, soit +4,3% par rapport au budget 2019.
  1. Des points d’inquiétude significatifs concernant la chute des dépenses pour les programmes sociaux et l’investissement public.

La politique d’austérité menée par le gouvernement ayant pour principal objectif la réduction du déficit budgétaire a pour conséquence une baisse significative des dépenses d’investissement public de –37,5% (2 Mds USD en 2020 Vs. 3,2 Mds USD en 2019). Selon de nombreux économistes cette coupe budgétaire et cette diminution importante en termes d’investissement public pourraient impacter négativement l’économie panaméenne, alors même que l’un des moteurs de l’économie panaméenne est l’investissement en infrastructure, crucial pour la compétitivité et la croissance. Le nouveau gouvernement mise sur le secteur privé pour réactiver l’économie, notamment par le développement des Partenariats Privé/Public (Loi approuvée en juillet 2019) pour la réalisation d’infrastructures et en soldant les arriérés du secteur bancaire national (1,3Md USD) ce qui devrait permettre le développement du crédit vers l’économie réelle.

De plus, bien que le Président Laurentino Cortizo, lors de son discours d’investiture, ait fait de la santé, de l’éducation et de la lutte contre la pauvreté une priorité de son mandat (« le combat contre la pauvreté et les inégalités – la sixième frontière »), le budget 2020 ne traduit pas ces orientations. Selon un haut responsable du Ministère des Finances, l’Etat compte sur la Banque Mondiale, la BID et la CAF pour développer les secteurs de l’éducation et de la santé.

Enfin, le resserrement budgétaire imposé par le gouvernement en 2020 a lieu alors que le cadre macro-économique du Panama apparait stabilisé. Bien qu’inférieure aux prévisions initiales (6%) la croissance (3,5% en 2019) reste soutenue, l’inflation est maîtrisée, la balance des paiements courants se redresse et la trajectoire d’endettement public est tout à fait soutenable.