Lumière Turquoise est la publication trimestrielle du SER d'Ankara.

2020, une année encore pleine d’incertitudes pour la Turquie.


Quelle sera la capacité d’endurance de la population turque à accepter dans la durée une situation où le taux de chômage se maintient à un niveau record (officiellement 14%), où l’inflation s’élève à deux chiffres et où les nouvelles taxes pour les citoyens ordinaires se multiplient ? La vitalité de la reprise économique (cf. p. 2) est encore bien trop faible pour créer de l’emploi, ce qui pourrait affecter à terme la cohésion sociale (et impacter l’intégration des migrants).


La stratégie économique du gouvernement est peu lisible si ce n’est qu’elle est de plus en plus interférente dans la vie économique: création de nouvelles taxes (mise en place d’une taxation sur les entreprises du numérique –cf. p. 7-, d’une fiscalité sur l’immobilier etc.), poursuite d’un processus ultra-rapide d’assouplissement monétaire (le 12 décembre dernier, l’Institut d’émission turc abaissait de 200 pdb son principal taux directeur, le portant à 12%. Au total, depuis juillet 2019, la Banque centrale turque a diminué son taux directeur de 1200 pdb. Le taux d’intérêt réel en Turquie est dorénavant inférieur à celui de ses pairs, les autres grands pays émergeants. Cette politique a accentué le mouvement de dépréciation de la TL qui a perdu environ 5% depuis le 1e décembre), mise en place d’un système de contrôle des investissements sur la thématique de la ville intelligente (création de comités locaux directement rattachés à la Présidence) ou annonce du lancement prochain des appels d’offres en vue de la construction du Canal d’Istanbul.


Le seul réel moteur de la croissance est l’export dont la vitalité dépendra de la santé des économies partenaires dans les prochains mois. De son côté, l’investissement productif n’a pas redémarré, le crédit n’allant encore que très peu vers les entreprises (les banques ne sont pas en situation de prendre davantage de risques sur le Corporate et les entreprises elles-mêmes estiment manquer de visibilité pour engager de nouveaux investissements) mais continuant d’alimenter la consommation et les dépenses publiques (cf. budget p. 3).


En 2020, les marchés et les investisseurs demeureront attentifs aux potentiels développements géopolitiques (évolution de la situation en méditerranée orientale autour de l’exploration des ressources de gaz, stabilisation de la situation dans le Nord-Est de la Syrie,…) et à la mise en place éventuelle des sanctions américaines suite notamment à l’acquisition des S-400 russes.


Encore, donc, beaucoup d’incertitudes mais une situation qui restera gérable s’il n’y a ni rupture dans le financement de l’économie, ni turbulence géopolitique.