Le secteur électrique mexicain a connu des évolutions rapides. Tout d’abord une transition marquée vers le gaz naturel dans les années 2000, puis 10 ans plus tard la libéralisation du secteur énergétique (qui a attiré près de 10 Mds USD d’investissements, dont Engie, EDF et Neoen) et le développement rapide des énergies renouvelables. Cette réforme a permis au Mexique d’entrer en 2018 dans le club restreint de l’Agence Internationale de l’Energie.
L’arrivée du président Lopez Obrador il y a un an a freiné l’ouverture du secteur. Les acteurs privés ayant profité de l’ouverture à la concurrence de la génération électrique (italiens, français - 20% des projets -, et espagnols notamment) sont aujourd’hui confrontés au ralentissement de leurs projets et à des incertitudes – sur les modalités de fonctionnement du marché, le développement du réseau ou les outils de promotions des énergies renouvelables. D’autre part certains projets éoliens (notamment dans le Sud du pays) sont freinés par la contestation des populations autochtones (ex. EDF à Oaxaca). Cependant la hausse des besoins d’électricité au Mexique (+3% par an) comme les projets de développement du Sud du Mexique, dégageront des opportunités pour le secteur privé.

1. Un secteur partiellement ouvert à la concurrence.

Dans le secteur électrique, la réforme énergétique de 2014 a mis fin au monopole de l’entreprise publique CFE sur la production d’électricité, en faisant entrer des producteurs privés sur le marché (Iberdrola, Engie entre autres). Elle a aussi permis la création d’un marché privé d’électricité de gros, avec comme objectif annoncé de faire baisser de 25% les tarifs en 2 ans. Elle s’est accompagnée de la création d’un organisme en charge d’organiser le marché de gros et de garantir l’équilibre du réseau électrique (CENACE – centre national de contrôle de l’énergie, équivalent de RTE en France). La CFE conserve le monopole du transport, de la distribution, et de la commercialisation aux usagers (hors gros consommateurs).
Les acteurs privés étaient déjà positionnés sur la génération pour le compte de gros consommateurs, en autoconsommation, ainsi que pour la construction et l’opération de centrales directement pour le compte de la CFE.

2. L’émergence des énergies renouvelables, sous l’impulsion des acteurs privés.

La croissance annuelle de la demande électrique est estimée à 3% jusqu’en 2032. En parallèle, le Mexique vise une augmentation importante de la part des énergies propres dans le mix électrique, pour les porter à 35% en 2024 – contre 21% en 2017 . Cela implique des investissements conséquents dans la production, mais également dans les infrastructures de transmission et distribution.

3 appels d’offres ont été lancés depuis 2015 pour des contrats de fourniture d’électricité de long terme (15 ans) à la CFE, principal opérateur du marché électrique . Les offres retenues ont proposé des prix parmi les plus bas constatés au monde pour la production d’électricité notamment photovoltaïque, avec des projets éoliens et solaires qui là aussi ont attiré de nombreux opérateurs étrangers de renouvelables (italiens, français, espagnols etc.). Les 3 AO devraient ainsi permettre l’installation de 7 GW de nouvelles capacités d’ici 2020, pour un investissement total de l’ordre de 9 Mds UDS. L’ensemble de ces projets s’appuie sur des EnR (éolien et solaire), démontrant que ces technologies sont particulièrement compétitives dans le contexte mexicain. Ces 7 GW viendront s’ajouter aux 22 GW de capacités de production « propre », et devraient permettre au Mexique d’atteindre ses objectifs d’énergie propre.

Les entreprises françaises ont largement profité de cette ouverture puisqu’elles représentent à elles seules 20% de la capacité de ces projets en développement (2ième pays derrière l’Italie avec 1,4 GW – 1 GW solaire, 0,4 GW éolien).

Les projets retenus doivent commencer à opérer entre 2018 et 2021. Plusieurs de ces projets accusent un certain retard, notamment du fait de difficultés dans le processus de raccordement au réseau, ou des consultations obligatoires.

3. L’arrivée du président Lopez Obrador a paralysé le développement des projets et généré un contexte d’incertitudes.

Dès sa prise de fonctions le gouvernement Lopez Obrador a annoncé la suspension des enchères prévues pour des contrats de fourniture d’électricité à la CFE. Ces contrats devaient permettre de répondre à l’augmentation de la demande en électricité projetée à horizon 2022. Cette suspension, qui n’avait pas été annoncée a ainsi pris de court les acteurs du secteur, mobilisés depuis plusieurs mois pour la constitution de leurs offres.

Les déclarations du gouvernement qui ont suivi, pour remettre la CFE au cœur du système électrique national, en développant ses capacités propres, n’ont pas rassuré. Si le mécanisme d’enchères semble écarté à ce stade, le gouvernement souhaite que la CFE conserve une place prédominante dans la génération électrique (55%) en laissant une place au secteur privé. Les modalités de cette participation restent cependant à clarifier.

De même alors que les objectifs de développement des EnR sont inscrits dans la loi, et que ces technologies se montrent compétitives au Mexique par rapport aux centrales fossiles, les déclarations (sur les couts induits sur le renforcement du réseau, le changement de règles pour le mécanisme des certificats d’électricité propres) et les documents de planification publiés par le ministère de l’énergie laissent entrevoir un ralentissement majeur du rythme de développement des énergies renouvelables au Mexique.

En tout état de cause la croissance de la consommation d’électricité impose des investissements et donc un recours au secteur privé.

 

Marie PAUSADER –
Marie.pausader@dgtresor.gouv.fr
Mexique, le 17 octobre 2019