De par son caractère insulaire, Cuba est, et sera, directement impacté par le changement climatique. Le gouvernement a d’ores et déjà pris la mesure du risque et défini des programmes ambitieux de développement des énergies renouvelables et installations hydrauliques. L’investissement étranger est devenu clé compte-tenu de la difficile situation économique et financière de l’île ; de nouvelles opportunités pourraient s’ouvrir à court et moyen terme pour les entreprises françaises à Cuba.

Le changement climatique, un véritable enjeu pour l’archipel cubain.

 

Compte-tenu de ses caractéristiques physiques et géographiques (état insulaire, forte activité cyclonique, faibles sources d’approvisionnement en eau et périodes de sécheresse fréquentes), Cuba est particulièrement concernée par les risques du changement climatique. Dans sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National remise en amont de la conférence de Paris 2015 (COP21), le gouvernement cubain dresse un bilan défavorable de la situation climatique cubaine. Le rapport fait ainsi état d’indicateurs déjà préoccupants : élévation du niveau de la mer de près de 10 centimètres dans les 40 dernières années, passage de 9 ouragans de très forte intensité depuis 2001, 84% des plages touchées par l’érosion et 28% des mangroves endommagées. La principale menace à terme sera l’augmentation du niveau de la mer, avec des niveaux estimés à +27 centimètres en 2050 et +85cm à la fin du siècle correspondant à la disparition de près de 6% de la surface de Cuba hors ilots (équivalent à la province de Santiago) ; et l’augmentation de la fréquence des ouragans –le dernier, Irma, ayant causé des dégâts considérables (dommages évalués par le gouvernement à plus de 13 Mds de Pesos, soit près de 15% du PIB).

Le gouvernement a depuis longtemps pris la mesure du risque et a mis en place un programme ambitieux en matière d’adaptation et d’atténuation. Du point de vue de l’adaptation, l’Etat cubain compte l’un des systèmes d’alerte et de réponse face aux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes les plus reconnus. Des investissements ont été réalisés pour avancer vers une agriculture plus résistante aux températures élevées, et des objectifs fixés en vue d’une meilleure gestion et utilisation de l’eau. Concernant l’atténuation, Cuba reste un très faible émetteur de gaz à effet de serre, avec une contribution à l’échelle mondiale inférieure à 0,08% du total des émissions et 40 millions de tonnes de CO2 émises par an, principalement dans le secteur de l’énergie (76%) et de l’agriculture (15%). A la suite de la grave crise énergétique de 2004, provoquée par l’arrêt pour maintenance de la principale centrale thermoélectrique du pays, le gouvernement a lancé en 2005 sa « Révolution Energétique », avec pour objectif l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel et tertiaire et le développement des énergies renouvelables. Ces objectifs restent prioritaires aujourd’hui avec des orientations à court et moyen terme ambitieux. Ces mesures ont conduit à une baisse des émissions de GES ces dernières années.

Le secteur est  organisé autour du Ministère de la Science, de la Technologie et de l’Environnement (CITMA) créé en 1994, et régi principalement par la Loi 81 relative à l’environnement. Un plan de l’Etat pour la Lutte contre le changement climatique (connu sous le nom de Tarea Vida « Tâche Vie ») a plus récemment été approuvé par le Conseil des Ministres puis l’Assemblée Nationale durant l’été 2017. Articulé autour de plusieurs objectifs clés -gestion efficace de l’eau comme mesure de lutte contre la sécheresse, reforestation, protection des récifs coralliens, énergie durable, efficience énergétique, santé, sécurité alimentaire et tourisme -, sa mise en application demandera un programme d’investissements importants à court (2020), moyen (2030-2050) et long terme (2100).

Efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables au cœur du programme énergétique cubain.

 

Si Cuba reste un pays faiblement émetteur de gaz à effet de serre, la réduction de la consommation énergétique et la transition vers des énergies plus vertes sont au cœur de son programme de développement énergétique, non tant pour des raisons environnementales que pour atteindre son autonomie énergétique. Cuba est effectivement largement dépendant des ressources fossiles (96% de l’électricité est générée à partir du pétrole), et très dépendant des importations (seul 40% du pétrole consommé est produit à Cuba). Ces priorités se trouvent aujourd’hui renforcées à l’aune de l’effondrement économique du Venezuela, qui proposait via le programme Petrocaribe des livraisons de pétrole à financement préférentiel en échange de services médicaux cubains. Ces livraisons ont aujourd’hui baissé de plus de 50%, obligeant Cuba à se tourner vers d’autres fournisseurs, russe et algérien notamment, et mettant en danger la sécurité énergétique de l’île.

La production électrique cubaine est aujourd’hui assurée par un parc vieillissant de centrales thermoélectriques, et marginalement à partir de bagasse (4%), pour une capacité installée de 5 740MW. L’île a généré en 2018 20,8TWh soit environ 1,86MWh par habitant (8MWh par habitant en France). 99% de la population a accès au réseau électrique. Ce dernier est cependant en mauvais état et affiche un taux moyen de 16% de pertes pour 2018. L’électricité reste majoritairement consommée par le secteur résidentiel à hauteur de 56% et le secteur public (42%). Seuls 2% sont consommés par le secteur privé.

Cuba a dévoilé en juin 2014 sa nouvelle politique énergétique et son plan de développement à 2030, avec un triple objectif :

  • L’augmentation de l’efficacité dans la production et la consommation énergétique, se traduisant par le remplacement de 8 unités thermiques de 100MW obsolètes par 4 nouvelles unités de 200MW d’ici 2024 ; la construction d’une nouvelle centrale à cycle combiné gaz de 600MW et l’introduction du gaz naturel liquéfié ; l’introduction de l’illumination LED et la cuisine à induction dans le secteur résidentiel
  • Passer de 4,6% à 24% la part d’énergies renouvelables dans la production électrique d’ici à 2030 (755MW de centrales bagasse, 700MW de parcs photovoltaïques, 633MW de parcs éoliens et 56MW de petites centrales hydroélectriques) 
  • La réduction des pertes dans le réseau électrique

Le programme avance peu aujourd’hui, face à la difficulté des investisseurs étrangers de trouver des financements adéquats en l’absence notamment de garanties suffisantes de la part des entreprises et autorités locales.  / Le secteur est contrôlé par le Ministère de l’Energie et des Mines, en charge de définir et piloter la politique publique en la matière. Le MINEM contrôle un certain nombre d’entreprises publiques parmi lesquelles figurent l’UNE (Union Nacional Electrica), en charge de la construction, opération et maintenance du système électrique national, et CUPET (Union Cuba Petroleo), compagnie pétrolière en charge de toute la chaîne pétrole et gaz.

Des besoins importants dans le secteur de l’eau et l’assainissement.

 

Les caractéristiques hydriques et géographiques de Cuba rendent l’ile particulièrement vulnérable et sensible aux évènements hydrométéorologiques extrêmes. Si le volume de précipitations moyen est relativement conséquent (1335mm par an contre 867 pour la France), l’absence d’autre source d’eau potable et le réchauffement climatique font que l’île se retrouve très régulièrement confrontée à des périodes de sécheresse intense. Sur les 16 provinces de l’île, 10 sont identifiées en stress hydrique et 3 (dont La Havane) en haut stress hydrique. L’eau est essentiellement consommée par le secteur agricole (60%), et la population (20%) avec un taux d’accès à l’eau potable satisfaisant (94,5%). L’accès « qualitatif » à l’eau potable reste toutefois à améliorer, seuls 13% de la population disposant d’un service 24h/24, 44% tous les jours mais de façon intermittente, et 43% moins d’un jour sur deux. Le pays compte plus de 22 500 km de réseaux de distribution mais fait aujourd’hui face à un taux de pertes très important, de l’ordre de 20% (pertes annuelles estimées à 990 millions de mètres cube par an). Le secteur de l’assainissement dispose de caractéristiques similaires, avec un taux d’accès de 94,3% mais essentiellement assuré par des systèmes individuels de type fosses et latrines (61%), 36% de la population ayant accès au réseau. Un tiers des effluents collectés en réseau seraient traités mais incorrectement. Les 5 442km de réseau d’assainissement afficheraient un taux encore plus élevé de pertes, avec un risque important en matière sanitaire et environnementale.

L’accès et l’amélioration de la gestion des eaux est une priorité affichée du gouvernement cubain. En réponse à ces enjeux, l’Etat a défini une Politique Nationale de l’Eau ciblée sur 4 objectifs : l’usage rationnel et productif de l’eau disponible, l’exploitation efficiente des infrastructures, la gestion des risques sanitaires et environnementaux associés à la qualité de l’eau avant et après consommation, et la prise en compte du risque climatique (sécheresses et inondation). Un Plan Hydraulique National a également été adopté pour la période 2015-2020 avec des investissements prévus dans la réduction des pertes, l’amélioration des services, la construction de barrages, la réutilisation de l’eau usée après épuration et l’augmentation de la disponibilité de la ressource. Le coût de ce Plan est estimé à 3,6Mrds USD avec plus d’un milliard consacré aux ouvrages d’assainissement. Il est à noter que tant l’accès à l’eau potable que l’assainissement reste extrêmement subventionné (coût mensuel symbolique d’un peso cubain non convertible pour la consommation d’eau potable), l’investissement étranger sera donc clé pour répondre aux besoins de développement affichés.

Le secteur est géré par l’Institut National des Ressources Hydrauliques (INRH), créé dès 1962 et disposant d’un statut équivalent à celui d’un Ministère (répond directement au Conseil des Ministres).

Un secteur des transports peu significatif au regard des enjeux climatiques.

 

Le secteur des transports à Cuba reste faiblement développé, et par conséquent très peu émetteur de gaz à effet de serre. Le transport collectif assure aujourd’hui l’essentiel du service de transport de personnes sur l’île, composé de bus (40%), et de taxis privés collectifs dans les villes (plus de 50%). Le transport ferroviaire, très peu performant et obsolète, représente moins de 0,5% des passagers transportés. L’existence d’une taxe colossale à l’importation de voitures automobiles (800%), sous-tendue par le modèle socialiste cubain s’opposant à l’enrichissement personnel, rend l’achat de voitures quasiment impossible pour la population, et limite de facto le nombre de véhicules roulant à Cuba. Dans les zones rurales, les tractions animales représentent toujours 48% du transport privé. Si les véhicules présents à Cuba restent donc limités et l’impact en matière d’émission faible à l’échelle des émissions du pays, leur très vieil âge (la plupart des voitures datant de la révolution) pose cependant de vrais enjeux en termes de pollution notamment dans la capitale. La mesure de la qualité de l’air et lutte contre la pollution, si elle fait bien partie des missions du Ministère de l’environnement CITMA, n’est toutefois pas aussi prioritaire que les enjeux énergétiques et hydrauliques.

Le Ministère du Transport (MITRANS) est la seule autorité organisatrice du secteur. Les décrets loi 67/1983 et 147/1994 en définissent le cadre réglementaire.

 

Saile RUIZ TUDO –

Saile.RUIZTUDO@dgtresor.gouv.fr

Michel OLDENBURG
Michel.OLDENBURG@dgtresor.gouv.fr
Chef du service économique de la Havane

La Havane, Novembre 2019