Lumière Turquoise est la publication trimestrielle du SER d'Ankara.

L’automne aura été marqué par l’opération « Source de Paix » qui a débuté le 9 octobre dernier. Pour le Président de la République de Turquie, l’offensive militaire dans le Nord Est syrien répondait à la fois à un objectif sécuritaire, avec la création d’une zone tampon à la frontière avec la Syrie et dans laquelle pourraient être relogés des centaines de milliers de réfugiés syriens, mais aussi de politique intérieure, en essayant de cimenter son parti politique en proie à des volontés de scission et en rassemblant la population autour d’une cause largement soutenue par les Turcs.


Cette offensive engendrait une cascade de réactions internationales. Le Président américain, déclarant que la situation en Syrie était de « National Emergency », signait un décret le 14 octobre imposant une série de sanctions, finalement levées quelques jours plus tard suite à l’accord russo-turc. De leurs côtés, 23 pays européens, dont la France, ont décidé de suspendre les exportations de matériel militaire vers la Turquie. Ces embargos sont toujours en cours. Parallèlement, le 14 octobre dernier, le Conseil des Affaires étrangères mettait en place un cadre juridique permettant de sanctionner des personnes morales ou physiques impliquées dans les forages turcs dans la ZEE chypriote. Cette décision ouvre la voie à une potentielle désignation d’entités sanctionnées.


Le discours politique entre l’Union européenne et la Turquie s’est durci, la France étant par ailleurs directement prise à partie. Pour autant, le dialogue institutionnel bilatéral demeure dense et de nombreuses réunions se tiennent en cette fin d’année permettant de soutenir les intérêts français en Turquie (groupes de travail Transport et Environnement, ateliers et visites techniques…). Cet ancrage institutionnel est d’autant plus important que les principaux concurrents de la France (américains et britanniques notamment) affichent un activisme remarqué (missions économiques bilatérales, visites officielles,…).


Sur le plan de l’économie, la situation à la frontière turco-syrienne a de nouveau montré que les marchés sont plus sensibles aux développements politiques et géopolitiques de la Turquie qu’aux fondamentaux économiques du pays. L’impact a été rapide, bien qu’assez limité, dans un sens comme dans l’autre. Les marchés financiers et le niveau de la livre turque ont retrouvé leurs niveaux d’avant l’offensive. Une aubaine pour la Banque centrale turque qui, lors de son comité du 24 octobre, assouplissait à nouveau sa politique monétaire en réduisant son taux directeur de 250 pdb à 14% (soit son niveau le plus faible depuis mai 2018) anticipant un niveau d’inflation plus faible et constatant l’absence de tensions sur le taux de change.


Le débat sur le budget 2020 est lancé et, dans un contexte budgétaire tendu (cf. page 3), un projet de loi sur la fiscalité a été transmis au Parlement. Il propose la baisse des impôts sur les sociétés industrielles et commerciales (de 22% en 2019 à 20% en 2020 et 18% en 2021), la hausse de l’impôt sur le revenu, l’introduction de deux nouveaux impôts (services digitaux et biens immobiliers de prestige), la hausse de la taxe sur les dépôts en devises étrangères (jusqu’à 20%) et les transactions en devises étrangères. Ce projet marque à la fois une volonté des autorités de ne pas dévier d’une stratégie de discipline budgétaire mais aussi d’alléger la fiscalité sur le tissus productif afin notamment d’attirer de nouveaux projets d’investissements étrangers, lesquels se sont fait assez rares dernièrement (cf. suspension de l’investissement de Volkswagen).