Le secteur bancaire au Nigéria présente une structure oligopolistique où 8 des 22 banques commerciales possèdent 70% des actifs. Le gonflement mécanique des créances douteuses suite à la dévaluation du naira en 2016 semble aujourd’hui épuré et la crise liée à la pandémie de COVID-19 ne semble pas avoir inversé cette tendance. Malgré de bonnes performances globales, les banques maintiennent une gestion très prudente qui contraint le financement de l’économie et freine l’inclusion financière. L’attractivité des prêts au secteur privé reste notamment encore limitée en comparaison des rendements et de la sécurité offerts par les bons du Trésor. La Banque centrale a par conséquent mis en place une politique volontariste de soutien au crédit avec de nouvelles réglementations bancaires et une ouverture des services financiers à la concurrence de nouveaux acteurs, comme les Fintechs et opérateurs téléphoniques.

Les banques restent fortement exposées au secteur pétrolier malgré les restructurations de ces dernières années

Le secteur bancaire au Nigéria présente une structure oligopolistique où les 8 premières banques commerciales (de nature systémique), sur un total de 22 établissements, possèdent 70% des actifs. Fin 2020, le secteur bancaire totalisait l’équivalent de 143 Mds USD d’actifs et de 93 Mds USD de dépôts. Access Bank et Zenith Bank, respectivement 1ère et 2ème banques du pays, disposent de parts de marché respectives de 15% et 12% en termes d’actifs. Les autres structures de nature systémique sont les nigérianes Fidelity Bank, First Bank of Nigeria, Guaranty Trust Bank, Union Bank of Nigeria, United Bank of Africa, ainsi que la filiale locale du groupe Ecobank Transnational Incorporated (ETI) dont le siège est au Togo. Toutes ont développé des stratégies de déploiement panafricain en ciblant au départ les pays anglophones de la zone. Au total, sur les 22 banques commerciales présentes au Nigéria, 4 d’entre elles sont filiales de groupes étrangers : Citibank Nigeria, Ecobank Nigeria, Stanbic IBTC Bank et Standard Chartered Bank Nigeria

L’exposition des banques au secteur pétro-gazier et la dévaluation du naira en 2016 ont entraîné un gonflement mécanique du volume des créances douteuses. A titre d’exemple, avec près de la moitié de ses créances concentrées dans le secteur extractif fin 2018, Diamond Bank a vu la part de ses prêts non-performants atteindre 40% selon Moody’s et sa note être dégradée à un niveau jugé « ultra spéculatif » par les agences de notation. Cette situation a mené à son rachat par Access Bank fin décembre 2018 pour l’équivalent de 200 MUSD. De même, Skye Bank s’est vue retirer sa licence bancaire par la CBN en septembre 2018 et être placée sous contrôle de l’Assets Management Corporation of Nigeria (AMCON), la structure publique de défaisance. Devenue Polaris Bank (pour des raisons légales) son bilan doit être recapitalisé à hauteur de 2,6 Mds USD et ses actifs risqués purgés pour permettre sa reprise prochaine par des investisseurs privés.

La santé du secteur s’est depuis largement rétablie et ce, malgré la crise pandémique, avec un taux de prêts non-performants passé de 15,1 % de l’encours de prêts en septembre 2017 à 5,9 % en avril 2021, un niveau qui reste supérieur au ratio prudentiel fixé à 5% par la CBN. De même, les niveaux de solvabilité (CAR passant de 11,5% en juin 2017 à 15,8 % en avril 2021) et de liquidité (ratio à 38,9% en avril 2021, au-dessus du ratio prudentiel de 30%) se sont améliorés. L’exposition des banques au secteur extractif reste néanmoins élevée, puisque 25,1 % des prêts octroyés y étaient consacrés en mars 2021, ce qui continue de faire peser un risque important sur le secteur. Durant la crise liée à la pandémie de Covid-19, les banques nigérianes n’ont pas cessé de prêter et le montant total des crédits a fortement progressé (+24,5%) passant de 18 900 Mds NGN à 23 530 Mds NGN entre juin 2020 et mars 2021.  

La CBN a mis en place une politique volontariste de gestion des risques et de soutien au crédit

La supervision bancaire conduite par la CBN est effective mais doit encore être renforcée du fait notamment d’une faiblesse des moyens humains pour la conduire. L’institution s’est attaquée à la dégradation du secteur avec l’adoption en février 2018 d’une nouvelle directive régulant le versement de dividendes par les banques commerciales en fonction du niveau de créances douteuses dans l’encours de prêts et du coefficient de réserves obligatoires. Par ailleurs, une réflexion est engagée sur la mise en place d’une nouvelle structure de défaisance privée qui viendrait remplacer l’AMCON, créée lors de la crise financière de 2009. Plus récemment, la CBN a révisé et étendu les règles prudentielles en vigueur avec des directives différenciées selon les acteurs pour tenir compte de leurs spécificités. Enfin, afin de lutter contre la corruption, les comptes des ministères et agences publics dispersés entre les différentes banques commerciales ont été fermés et les fonds centralisés au sein du Treasury Single Account tenu par le ministère des Finances. Cette perte de ressources pour les banques a contribué à mettre au-devant de leurs priorités l’augmentation de leurs actifs par une hausse des crédits alloués au secteur privé.

Malgré de bonnes performances globales, le maintien par les banques d’une gestion très prudente de leurs avoirs freine l’inclusion financière. L’attractivité du secteur privé reste encore limitée en comparaison des rendements offerts par les bons du Trésor. A titre indicatif, le groupe Zenith Bank a tiré 35,7% de ses revenus d’intérêt de titres d’État en 2019. L’accès au crédit reste par ailleurs fortement limité avec une forte concentration sur quelques gros clients. Ainsi, seuls 2,33 millions de clients se sont vus octroyer un prêt d’une banque de dépôt en 2017, dont 95% pour un montant inférieur à 1 million NGN (équivalent à 2 500 euros). En parallèle, 100 clients captaient 47% du volume total des crédits au 1er trimestre 2019. Enfin, le secteur bancaire se caractérise par un décalage de maturité entre actifs et passifs. Les crédits ayant une échéance de moins d’un an constituent à peine moins de la moitié du portefeuille de crédits alors que les dépôts à court terme représentent plus de 96% du total.

Pour pallier à la frilosité des banques, la CBN a mis en place une politique volontariste de soutien au crédit. Revue en 2018, la Stratégie nationale pour l’inclusion financière fixe ainsi un objectif ambitieux de 80% de la population avec un accès aux services bancaires de base d’ici 2020 (contre entre 40 et 50% en 2018). En matière de régulation, la CBN a publié en juillet 2019 une nouvelle réglementation à destination des banques de dépôts, leur imposant à compter du 30 septembre 2019 un ratio minimum de prêts / dépôts de 60%, relevé ensuite à 65% depuis fin 2019. Le non respect de ce seuil, qui atteignait 64,3% fin 2020, entraîne des prélèvements de la CBN sur les banques sous la forme de réserves de liquidités dont le taux (CRR) a également été rehaussé à 27,5% en janvier 2020. Le régime de licence bancaire a également été révisé afin d’ouvrir le secteur à la concurrence, en particulier celle des opérateurs téléphoniques. MTN a ainsi reçu l’approbation des autorités pour proposer un service de transfert d’argent à ses 60 millions de clients au Nigéria et souhaite maintenant l’étendre à des services bancaires. De même, face à l’entrée de nouveaux acteurs innovants (FinTechs), un projet de « regulatory sandbox » a été annoncé pour permettre une plus grand flexibilité et réactivité du cadre réglementaire au changement technologique. Enfin, avec l’appui des bailleurs (dont l’AFD) la Development Bank of Nigeria a été lancée en 2017 pour renforcer l’accès aux financements des micros, petites et moyennes entreprises, qui emploient 84% de la population active et contribuent à près de la moitié du PIB. En 2019, la DBN aurait prêté plus de 100 Mds NGN (256 MUSD) aux PME.