L’Indonésie précise son plan de déplacement de la capitale sur l’île de Bornéo
Le Président Jokowi a annoncé le 16 août 2019 le futur déménagement de la capitale de Jakarta vers Kalimantan Est à horizon 2024. Pour ce projet d’un coût estimé de 33 Mds USD, la mobilisation du secteur privé , y compris celle des investisseurs étrangers, est attendue. Le gouvernement souhaite faire une ville durable et intelligente et promovoir une mobilité propre et une construction sobre en énergie. L'impact écologique de la création de la nouvelle capitale est en cours d'examen.
Le 16 août 2019, le Président de la République Joko Widodo a annoncé le déménagement de la capitale vers un site à déterminer à Kalimantan Est, entre Balikpapan et Samarinda. Parmi les options présentées, le Président Jokowi a expliqué la pertinence de ce choix en raison de la proximité de ces deux grandes villes et donc des infrastructures déjà présentes (aéroports et ports internationaux, autoroute en construction, LRT en projet) qui permettront de soutenir l’établissement de la capitale, mais également du faible risque de catastrophe naturelle, de la disponibilité de terrains appartenant au gouvernement qui réduiront les problèmes d’acquisition foncière et de disponibilité des ressources en eau.
Le Bappenas, impliqué dans les phases préparatoires depuis 2017 en tant que coordinateur au niveau du gouvernement, est en charge de la préparation et de la planification de ce déménagement. Le calendrier annoncé est le suivant :
- Fin 2019 : achèvement des études préliminaires, dont l’étude d’impact environnemental
- Mi-2020 : achèvement du master plan urbain, un appel d’offres national puis international devant être lancé prochainement
- 2021 : sécurisation de tous les terrains et finalisation des études techniques
- 2024 : achèvement de la construction de la zone centrale et inauguration de la capitale avec l’arrivée des fonctionnaires (600 000 à 1,5 million de fonctionnaires)
- infrastructures de base (transport, eau, assainissement, énergie…)
- 2000 ha pour les bâtiments officiels et les principaux espaces culturels et naturels
- 40 000 ha pour les logements des fonctionnaires, les écoles, les hôpitaux, des bâtiments administratifs, un parc technologique et des espaces culturels et de loisirs
- 2025-2029 : première phase d’extension de la capitale (200 000 ha consacrés à un parc national, un site de conservation d’orangs-outans, de nouveaux logements, un port et un aéroport)
- 2030-2045 : seconde phase d’extension (200 000 ha pour la finalisation de la métropole).
Pour le développement de la nouvelle capitale, estimé à 33 Mds USD, le gouvernement compte sur les investissements privés, y compris étrangers. Le budget se repartirait de la façon suivante :
- 19% (6,3 Mds USD) financé par l’Etat (notamment par la gestion des actifs actuels à Jakarta) : palais présidentiel, bâtiments stratégiques, résidences officielles, espaces verts, base militaire
- 55% (18 Mds USD) financé par PPP : bâtiments officiels (exécutif, législatif, judiciaire), écoles, hôpitaux, musée
- 26% (8,7 Mds USD) financé par le secteur privé (entreprises publiques comprises) : logements, université, aéroport, port, autoroute, centre de congrès, centres commerciaux.
Cette annonce repose sur le constat que Jakarta doit faire face à trop de défis pour accomplir son rôle de capitale fonctionnelle. Jakarta est en effet très peuplée, de même que Java qui concentre 150 millions d’habitants (57% de la population du pays) et dont l’activité économique génère 58,5% du PIB. Cette pression démographique et économique entraîne de graves pressions sur l’eau (dont le pompage en raison d’un réseau public insuffisant est responsable de la subsidence des villes, et en premier lieu de Jakarta à raison d’une moyenne de 10 cm/an), sur les terrains (étalement urbain et construction à grande échelle conduisant à l’artificialisation des sols et le recul des espaces naturels et agricoles) et sur la qualité de l’air (trafic saturé à Jakarta qui en fait une des villes les plus polluées au monde).
Le gouvernement a l’ambition de faire de cette nouvelle capitale une ville intelligente, verte, attractive et durable. Ainsi, la planification de la ville devra favoriser une mobilité propre (transports en commun, transports ferroviaires entre les centres urbains, mobilité électrique et modes doux, au détriment de la voiture), une consommation sobre en énergie (énergies renouvelables, efficacité énergétique) et la présence d’espaces verts et naturels sur la moitié de sa superficie. 180 000 ha ont été ainsi réservés par le gouvernement (la majorité lui appartenant).
De nombreuses mesures préalables à ce déménagement sont en cours :
- Le gouvernement et l’Assemblée nationale doivent tout d’abord réviser une dizaine de lois pour définir cette nouvelle ville comme la capitale, idéalement d’ici fin 2020.
- Le Bappenas doit également constituer une agence publique qui sera chargée de la planification et de la supervision de la construction de la ville, qui sera sous la tutelle directe du Président. Cette agence sera chargée des négociations avec les investisseurs (entreprises publiques et privées), y compris de la représentation de l’Etat dans les PPP, et de la gestion des actifs publics à Jakarta et dans la nouvelle capitale. Cette agence supervisera l’évolution du prix du foncier afin d’éviter la spéculation immobilière et les fraudes sur la propriété foncière.
- Enfin, l'impact écologique de ce déplacement et de la création de cette nouvelle ville est en cours d'examen par les autorités, plusieurs espaces naturels à la riche biodiversité à préserver étant à proximité de la zone envisagée pour la construction. Le gouvernement s'est montré rassurant sur la protection de ces espaces naturels, évoquant le concept de « ville dans la forêt ».