La Lituanie dispose d’un écosystème des lasers, issu de la recherche soviétique, dynamisé par les fonds européens depuis que le pays est devenu membre de l’UE. Cet écosystème s’appuie essentiellement sur une coopération étroite et fructueuse entre le Centre pour les Sciences physiques et la Technologie (FMTC) et les entreprises occupant la plupart des segments du marché des lasers. Les lasers lituaniens sont utilisés dans 90 des 100 meilleures universités du monde.

1-        Un secteur en pleine expansion

Le secteur des lasers en Lituanie est relativement modeste – une activité qui représente à peu près 0,4% du PIB lituanien, et représente quelques 1000 emplois.  Le quadruplement de son chiffre d’affaires passant de 32 MEUR en 2007 à 130 MEUR en 2018 et l’éclosion de nouvelles entreprises dont le nombre passe sur la même période de 15 à 40 reflète cependant son fort dynamisme qui repose sur l’excellence de la ressource humaine avec environ 10% des employés du pôle (soit 100 personnes) titulaires d’un doctorat.

La croissance du secteur est importante et stable (en moyenne 13% au cours des 5 dernières années) et supérieure à la croissance du marché mondial des lasers (située entre 5 et 6% en 2018 et 2019). L’activité des lasers lituaniens qui était concentrée dans la partie « recherche scientifique » s’est diversifiée dans la production de lasers femto-seconde, picoseconde, à fibre et solide. Le secteur lituanien du laser s’est fortement orienté vers les marchés extérieurs, puisque plus de 80% de la production est exportée.

La Lituanie est réputée pour la réalisation de lasers à impulsions brèves et ultra-brèves, tels que les lasers picoseconde et femto-seconde[1]. La moitié des lasers picoseconde vendus dans le monde sont produits par des sociétés lituaniennes, tandis que les lasers lituaniens femto-seconde représentent 80% du marché mondial. Les entreprises lituaniennes se sont récemment développées dans les lasers à usage industriel, médical et militaire. Selon le LITEK, les armées des pays membres de l’OTAN utilisent des équipements à laser principalement développés par les entreprises Optonas et Brolis Semiconductors.

 2- Un écosystème foisonnant

Une dizaine d’établissements universitaires disposent de départements utilisant des lasers pour leurs recherches, comme la Vytautas Magnus University, la Kaunas University of Technology (KTU) ou encore le National Cancer Institute. Néanmoins, les deux principaux acteurs de la recherche dans le domaine des lasers en Lituanie restent le Centre de recherche sur les lasers de l’Université de Vilnius (VULRC), et les départements du Centre pour les Sciences physiques et la Technologie (FMTC). Les recherches scientifiques effectuées par ces pôles universitaires sont d’une importance majeure pour le secteur du laser et ont notamment permis la mise au point de la technologie OPCPA[1], ainsi que le développement de lasers femtoseconde innovants (lasers TW et PM).

La plupart des entreprises de laser en Lituanie sont essentiellement des « spin-offs » du FTMC ou de  KTU (à Kaunas). Un grand pôle scientifique et technologique nommé Saulėtekis Valley – basé à proximité de Vilnius sur la route de Kaunas - a été mis en place en 2008.

La recherche lituanienne est en grande partie financée par des fonds européens, notamment grâce à l’existence de plateformes de collaboration entre pôles universitaires. Ainsi, VULCR fait partie de Laserlab Europe, un réseau de 33 institutions spécialisées dans la recherche sur le laser, et qui est financé par l’Union européenne. La plupart d’entre elles offrent un accès à leurs laboratoires, ce qui facilite la collaboration, le transfert de savoir et la formation des chercheurs au niveau européen. Ainsi, depuis le lancement de Laserlab-Europe, VULCR a ouvert ses portes à plus de 100 scientifiques provenant de 14 pays de l’UE, dans le cadre de la réalisation de plus de 47 projets. De plus, d’autres financements européens permettent de soutenir l’activité des entreprises et des clusters, tels que H2020 ou INTERREG. Ces financements contribuent à développer une nouvelle technologie de micro-usinage de précision micrométrique au laser basée en Lituanie[2]  (programme « Eurostars »).

Si l’on compte aujourd’hui une quarantaine de PME spécialisées dans le secteur, deux entreprises spécialisées dans les lasers à impulsions ultrabrèves sont incontournables sur le marché lituanien. Fondée en 1994, Light Conversion emploie plus de 245 personnes et détient 80% du marché global des lasers ultrarapides femtoseconde. Elle est le premier fabricant mondial d’amplificateurs optiques paramétriques (OPA) femtoseconde, et commercialise à grande échelle ses produits phare, les lasers Topas et Pharos, utilisés aussi bien au niveau industriel (médecine, électronique, semi-conducteurs) que pour la recherche scientifique. L’entreprise, qui dispose de bureaux en Chine, en Corée et aux Etats-Unis, exporte 98% de sa production dans plus de 40 pays. Ekspla est un fabricant de lasers, de systèmes laser et de composants laser destinés à la R&D et aux applications industrielles. La société emploie plus de 120 personnes et est leader sur le marché mondial des lasers scientifiques picoseconde. A ces deux entreprises qui dominent le secteur, s’ajoutent Altechna, spécialisée dans les lasers optiques (110 employés) ; Eksma ; Brolis Semiconductors, qui produit des systèmes photoniques pour la défense, l’industrie et la santé (30 employés) ; Standa spécialisés dans les composants opto-mécaniques pour les lasers (plus de 200 employés) ; Integrated Fibre Optics, la toute dernière start-up issue du cluster du FTMC, qui a breveté une technologie importante pour la prochaine génération de lasers.

3- Une coopération locale et franco-lituanienne ancrée dans des partenariats internationaux importants

La coopération entre les entreprises lituaniennes du laser est importante et leur permet, en unissant leurs forces, d’aboutir à des résultats d’envergure. En 2019, les deux compagnies lituaniennes Light Conversion et Ekspla ont créé le laser SYLOS1 – l’un des plus puissants lasers jamais réalisés, employant la technologie OPCPA – suite à une demande des centres de recherche tchèques et hongrois de Extreme Light Infrastructure (ELI). Bénéficiant d’un fondement européen, cet organisme de recherche héberge les plus puissants lasers du monde, et a été développé par le français Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018.

En Lituanie, deux clusters rassemblent la grande majorité de l’écosystème du secteur du laser. Le cluster Litek, qui comporte une trentaine de membres, est essentiel pour les PME spécialisées dans les composants optiques. Il a pour objectif de renforcer leurs liens avec les pôles universitaires, de favoriser leurs activités à l’international (participations à des nombreuses rencontres et mise en relations stratégiques en France, en Allemagne, en Israël et très récemment au Canada) et de fournir un accès en libre-service à des infrastructures pour la production de lasers. En 2019, le LITEK compte 17 membres. Son budget annuel est d'environ 1 MEUR, il gère des innovations réalisées par le parc scientifique et technologique de l’Institute of Physics (détenu par FTMC) et gère quatre projets financés par l’UE. Litek est un membre important du partenariat européen Laser-Go Global, qui regroupe 7 clusters européens, dont 2 français (OpticsValley qui a fusionné en 2019 avec Systematic Paris Region en 2019 et Medicen Paris Region).

Mise sur pied en 2005, la Lithuanian Laser Association est un cluster dirigé par Petras Balkevicius et Algis Piskarskas, ce dernier ayant participé à la création de Light Conversion.  L’association, forte de 21 membres, a pour objectif de promouvoir le secteur lituanien du laser et de faciliter la coopération de l’industrie du laser avec la R&D. Elle collabore avec deux autres clusters – Litek et AlphA-Route des Lasers et des Hyperfréquences, cluster français basé en Nouvelle-Aquitaine – et est elle-même membre de partenariats internationaux comme le Baltic Photonics Cluster et le European Photonics Industry Consortium (EPIC), qui rassemble une grande partie de l’écosystème du laser au niveau européen.



[1] Optical Parametric Chirped-pulse Amplification : technique mise au point par des scientifiques de l’Université de Vilnius



[1] Lasers fréquemment utilisés dans la recherche, l’industrie mais aussi la chirurgie ophtalmique, notamment pour réaliser des découpes de la cornée.