Lumière Turquoise est la publication trimestrielle du SER d'Ankara.

Le Président Erdoğan lutte pour relancer l’économie et renforce le rôle de l’Etat dans l’économie. Il a resserré son emprise sur la Banque centrale pour imposer des baisses de taux afin de soutenir l’activité, les banques publiques sont sous pression pour accentuer la distribution de crédit, un décret présidentiel en date du 7 août a élargi les responsabilités du ministère du Trésor et des finances, lequel pourra dorénavant prendre des participations dans des sociétés privées sur simple décision du Président (cela pourrait permettre soutenir des structures en difficulté proches du pouvoir)…

Par ailleurs, un nouveau plan de développement quinquennal (2019-2023) qui définit des objectifs à horizon 2023 a été ratifié par le Parlement en juillet dernier. S’il revoit à la baisse les objectifs face à la réalité de la situation économique (le gouvernement envisage une croissance moyenne annuelle du PIB réel de 4,3% au cours des cinq prochaines années, pour atteindre 1,1 Md USD et un revenu/hab. à 12 484 USD en 2023), il s’inscrit dans la continuité des grandes orientations de politique économique menée depuis plusieurs années. L'accent est mis sur la production nationale et l'utilisation des marchés publics comme outil de politique. Le plan présente un modèle de croissance axé sur les exportations et la productivité, dans lequel le secteur industriel joue un rôle de premier plan. La part du secteur industriel dans le PIB devrait ainsi passer de 22,2% à 24,2% entre 2018 et 2023, tandis que celle du secteur agricole devrait baisser de 5,8% à 5,4% et celle du secteur des services de 61,5% à 60,1%. Si les termes de « localisation » et « indigénisation » n’apparaissent plus, l’ambition demeure claire de réduire la dépendance vis-à-vis des importations et de promouvoir les investissements étrangers directs, favorisant des transferts de technologie (p. 12).

Les nombreuses initiatives et mesures prises par les autorités alimenteront certainement le rebond d’activité attendue pour cette fin d’année, mais elles contribueront aussi au creusement des déséquilibres chroniques, et notamment de son déficit courant, en l’absence de mise en oeuvre des réformes structurelles nécessaires pour poser les fondements d’un modèle de développement plus équilibré (p.2). L’économie turque est, par ailleurs, suspendue aux risques qui pèsent sur le commerce mondial (les exportations de biens industriels ont à peu près compensé la baisse de la demande locale au cours du 1er semestre), à un essoufflement de la croissance en Allemagne (les chaines de valeur industrielle allemandes et turques sont interdépendantes) ou aux péripéties de sa relation politique avec les Etats-Unis.

Dans ce contexte où beaucoup d’incertitudes demeurent, la Turquie continue à attirer les investissements directs étrangers (13 Mds USD en 2018, soit en croissance de 13% et une progression estimée à 10% sur le 1er semestre). Au-delà du volontarisme des autorités (signature d’accords bilatéraux, création de zones économiques spéciales, soutien aux secteurs stratégiques), la Turquie est un pays où l’implantation se justifie pleinement (marché domestique important et situation géographique qui la positionne comme hub régional mais aussi comme base arrière pour aborder des marchés plus lointains). De plus, le niveau de la livre turque et les difficultés financières de certains acteurs économiques offrent une fenêtre intéressante aux entreprises qui se projettent sur le moyen terme dans cette région.