Situation économique et financière du Guatemala (Août 2019)

Description de la structure de l’économie

Taille de l’économie : avec un PIB de 79  Mds USD en 2018 selon le FMI, l’économie guatémaltèque est la plus importante d’Amérique centrale. Il s’agit du pays centroaméricain le plus peuplé (17,3 millions d’habitants, soit un tiers de la population de la région).

Degré d’ouverture : le Guatemala est une économie ouverte de marché qui poursuit une politique d’intégration économique et commerciale. Le pays prend part au Marché commun centraméricain (MCCA) et à l’Accord de libre-échange signé en 2004 entre les Etats-Unis, l’Amérique centrale et la République dominicaine (CAFTA-DR). En 2017, l’union douanière entre le Guatemala et le Honduras est entrée en vigueur, auquel le Salvador a adhéré en novembre 2018. En termes de facilitation des échanges, les pays de la région prévoient la mise en place d’une Déclaration Unique Centroaméricaine (DUCA), c’est-à-dire la mise en place d’un seul formulaire pour toutes les procédures douanières.

Niveau de développement : La situation sociale du pays reste fragile avec des indicateurs médiocres et ne décollant pas : PIB par habitant de 4 575 USD en 2019 ; 58% de la population en-dessous du seuil de pauvreté (l’un des pays les plus pauvres d’Amérique Latine) ; l’un des taux de malnutrition les plus élevés du monde, et globalement, un des plus mauvais IDH d’Amérique Latine (0,65 soit la 127ème position mondiale et avant dernière en Amérique centrale). Cette situation sociale préoccupante est à mettre en parallèle avec une très forte inégalité et une concentration des richesses, 260 familles détenant 57 % des richesses du pays (soit environ 30 milliards USD). En plus de la pauvreté et des inégalités, le pays doit également affronter la violence causée par le crime organisé et les trafiquants de drogue.

Avantages comparatifs et structure de l’économie : Le secteur primaire (agriculture, élevage et pêche) représente 10,7 % du PIB en 2018 (Banque centrale), le secteur secondaire 23,9% du PIB, dont 17,9 % pour les industries manufacturières, et les services 61,8% du PIB. Les transferts des Guatémaltèques établis à l’étranger (essentiellement aux Etats-Unis où vivent 1,5 M de Guatémaltèques) représentent une source fondamentale de devises (les remesas représentent environ 11% du PIB, soit l’équivalent de 70% des exportations du pays).

Performances sur le long terme : La croissance est dynamique et s’est élevée à 3,5% en moyenne entre 2011 et 2018.

Place du secteur privé : l’économie est totalement libéralisée, et le secteur privé tire l’économie. En effet, la faiblesse des entrées fiscales (10% du PIB en 2018) ne permet pas à l’Etat de jouer un rôle important dans l’économie ; à titre d’exemple, en 2018, l’investissement privé a représenté 10,8% du PIB, contre 1,2% pour l’investissement public

Eléments d’analyse conjoncturelle

Performance récente de la croissance : Après deux années de  léger ralentissement (2,8 % en 2017 et 3,1 % en 2018), sous l’effet notamment de la contraction du secteur minier (-23% en termes réels en 2017) suite au blocage opérationnel de la mine de San Rafael[1], la croissance semble retrouver un certain dynamisme.  Le Ministère des finances prévoit une croissance de 3,6 % (3,4 % pour la Banque centrale) en 2019 et 2020 (3,5 % pour la Banque centrale). Le conservateur Alejandro Giammattei du parti Vamos a remporté en août 2019 l'élection présidentielle au Guatemala face à l'ex-première dame Sandra Torres (parti UNE) et succédera au président sortant, Jimmy Morales, le 14 janvier 2020. De nombreux analystes voient en Giammattei une continuité du gouvernement Morales.

Moteurs de la croissance (consommation, investissement, commerce extérieur) : La croissance demeure largement tirée par la consommation, elle-même soutenue par le dynamisme des transferts de migrants (remesas), dont le rythme de croissance a été multiplié par 2 en 4 ans, représentant désormais 11% du PIB. La croissance guatémaltèque devrait également être tirée par le commerce extérieur en 2019, avec une croissance des exportations estimée de 7,5 %%, même si les chiffres du début de l’année montrent une contraction des exportations en valeur (-1,8 % g.a à mars 2019) sous l’effet de la baisse des prix internationaux du sucre et du café. Les importations devraient également progresser de 7,5 % en 2019 (+6,5 % g.a. à mars 2019).

Situation du commerce extérieur : Le déficit commercial du Guatemala se creuse depuis 2017 (8,9 % du PIB en 2017, 9,5 % du PIB en 2018). Cette aggravation du déficit commercial est compensée par l’arrivée massive de remesas. Au cours des six premiers mois de l’année, les remesas envoyées au Guatemala ont totalisé 4,9 Mds USD, soit 12 % de plus qu'à la même période l'an dernier et une croissance supérieure aux 9 % observés de janvier à juin 2018.Les IDE ne représentent en revanche que 1,35 % du PIB fin 2018. L’économie demeure fortement soumise aux aléas de la conjoncture internationale, notamment nord-américaine et aux prix des matières agricoles (qui représentent un tiers des exportations).

Flux d’IDE : Les IDE ont connu une nouvelle diminution de (-11,7 % g.a) en IDE, représentant ainsi 1,35% du PIB.  Selon la Banque du Guatemala (Banguat), les investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 340 MUSD au premier trimestre 2019, soit une croissance de 16% par rapport aux 293 MUSD enregistrés au cours des trois premiers mois de 2018. Banguat espère clôturer l’année 2019 avec 1,2 Md USD d'IDE, (3% de plus qu’en 2018).

Dépendance aux financements externes : Les banques de développement voient leur portefeuille de prêts se réduire et ont été contraintes d’annuler plusieurs projets par manque d’approbation par la Parlement.  Dans ce contexte, la part des multilatéraux dans la dette externe a diminué, et on assiste en parallèle à une augmentation du financement par émission de titre. Le gouvernement guatémaltèque vient à cet égard de procéder en mai 2019 à l’une de ses plus importantes émissions obligataires de ces dernières années pour un montant de 1,2 Md USD : 700 M USD à 30 ans au taux de 6,12% et 500 M USD à 10 ans au taux de 4,9%, lesquelles ont suscité des intentions d’achat 3 fois supérieures au montant annoncé. 

Politique économique

Policy mix : Le pays a un paradigme très conservateur concernant la stabilité macroéconomique et fiscale, ce qui explique le bas niveau du déficit et de la dette publique, parmi les plus faibles de la région. Le déficit public guatémaltèque a atteint 1,8% du PIB en 2018 et la dette publique 24,7% du PIB, en très légère augmentation (respectivement 1,3 % et 23,8% fin 2017). Pour 2019, le budget voté prévoit un déficit de 2,4 % et une dette publique à 25 % du PIB, en très légère augmentation. Cette maîtrise des finances publiques se fait cependant aux dépens de l’investissement , le pays se caractérisant par le taux d’investissement public pour les infrastructures rapporté au PIB le plus faible d’Amérique latine (CEPAL).  La charge fiscale du Guatemala est par ailleurs l'une des plus faibles du monde, et en diminution au cours des dernières années : cette dernière est passée de 10,4 % du PIB en 2016 à 10% du PIB en 2018 (voire à 9,6 % du PIB selon la BID).

Pro ou contra cyclicité de la politique budgétaire :) Une expansion des politiques fiscales est nécessaire afin d’accroître la marge de manœuvre du gouvernement, mais aucun consensus social et politique n’existe en la matière. Les institutions internationales (FMI, Banque mondiale) s’accordent à dire que l’objectif pour le Guatemala serait d’augmenter le montant des recettes fiscales à 15 points de PIB à travers une hausse de l’impôt sur le revenu (taux maximum de 7% actuellement, parmi les taux les plus bas du monde) et une augmentation de la TVA (actuellement à 12%, soit une des plus faibles de la région centraméricaine) qui ne mettraient pas en danger la consommation intérieure stimulée par les transferts des migrants en provenance des Etats-Unis. Le secteur privé, qui estime déjà être le plus gros contributeur fiscal, demeure globalement opposé à l’augmentation des impôts des entreprises et met l’accent sur la nécessaire hausse des impôts des particuliers.

Inflation et politique monétaire/ de change : Le taux de change moyen en 2018 a été de de 7,52 quetzales par dollar, ce qui représente une appréciation nominale de 2,35% par rapport à la moyenne de 2017. La politique monétaire maintient une orientation accommodante : le taux directeur s’est maintenu à 2,75% depuis novembre 2017, malgré un taux d’inflation inférieur au taux cible de la Banque centrale entre 3% et 5% (2,31% en 2018). Au 31 mars 2019, les réserves monétaires internationales nettes s’élevaient à 12,7 Mds USD, en augmentation de 8,8 % g.a, soit huit mois d'importations de biens.

Dette externe/publique : la dette publique représente 24,7% du PIB en 2018. La dette externe a, elle, atteint 22,6 Mds USD à la fin 2018, soit environ 28,6% du PIB.

Secteur bancaire   

Taille du secteur et structure : Le système bancaire guatémaltèque est dynamique et des efforts de régulation ont été réalisés afin de limiter les risques. Le système est constitué de 17 banques principales qui détenaient, à fin mars 2019, 43,2  Mds USD d’actifs (+8,9% g.a.) et 39 Mds USD de passifs (+8,8% g.a.). Les principales banques sont dans l’ordre Banco Industrial, Banrural et G&T Continental, toutes trois de capital guatémaltèque. A elles trois, elles détiennent 67% des actifs. Le secteur financier était classé 74e/140 à l’indice de compétitivité du forum économique mondial 2018-2019, et notamment classé 13e pour la solidité du système bancaire. Le taux de créances douteuses est sous contrôle à 2,3%, stable par rapport à l’année précédente, le système est liquide (taux de liquidité immédiate de 20,1% en moyenne, 21,2% pour le secteur bancaire).

Dollarisation et évolution des crédits (volume et taux) : En 2018, les crédits bancaires ont connu une croissance de 8% (g.a.), en reprise depuis le ralentissement connu depuis novembre 2015 (croissance de 2,4% enregistrée en 2017). Sur les cinq dernières années, ils ont tout de même crû de 7,1% en moyenne. Le ratio crédits/PIB a ainsi atteint 30,3% en décembre 2018, une augmentation de deux points de pourcentage par rapport à décembre 2017.

Mesures de soutien et réformes en matière de supervision : Le Guatemala a fait des progrès en matière de prévention du blanchiment d’argent et de lutte contre le financement du terrorisme. La quantité de personnes dans l’obligation de déclarer ses opérations financières continue d’augmenter : de 2 222 en 2016 à 3 171 en 2019. En conséquence, le nombre de déclarations de soupçons a augmenté de manière importante depuis 2016 (1 700 transactions financières suspectes ont été repérées depuis le 1er janvier 2019). Un projet de loi visant à actualiser et renforcer la législation actuelle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent est actuellement en préparation, dans l’objectif de prendre en compte les risques liés aux nouvelles technologies dans le domaine bancaire

Perspectives et réformes structurelles

Stratégie et modèle de croissance : le modèle de croissance reste fondé sur la consommation intérieure en l’absence de stratégie de développement inclusive et d’investissement public important.

Climat des affaires : La qualité de l’environnement des affaires, l’insécurité et la corruption demeurent problématiques et freinent le développement du pays. Ce dernier se classe 97e/190 au dernier classement Doing Business de la Banque Mondiale, en baisse de 12 places en 2 ans. Le pays chute également au classement de l’indice de compétitivité globale du Forum Economique Mondial, passant à la 96e place en 2019 (-12 places également en 2 ans). Le pays est particulièrement mal classé en matière de crime organisé (138e/140) et de coût économique de la violence (132e/140). Si le nombre d’homicides s’est officiellement réduit depuis 2015, l’insécurité demeure un problème structurel au Guatemala. Le coût économique de la violence est estimé à 3% du PIB selon la BID. En outre, le cadre légal et la sécurité juridique des contrats sont très faibles (le Guatemala est classé 128e en ce qui concerne l’efficacité du cadre légal pour la résolution des conflits).

Forces et faiblesses structurelles (R&D, marché du travail, concurrence, corruption, éducation…) : Outre la corruption et la criminalité, le défaut d’investissement public en infrastructures (notamment transport, eau-assainissement et secteur énergie), l’absence de politiques industrielle et sociale, les difficultés rencontrées pour rationaliser le système fiscal et en améliorer son efficacité expliquent en grande partie les limites de l’économie guatémaltèque et la situation sociale fragile du pays



[1] La procédure a été lancée en mai 2017 sur la base de la convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, pour le motif que le Ministère de l’Energie et des Mines n’avait pas consulté la population Xinca ; selon la BID, la croissance aurait été de 0,5 points de PIB de plus en 2017 et 2018 en l’absence de blocage. L’activité de la mine est toujours bloquée dans l’attente d’une décision de la Cour Constitutionnelle.