SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU COSTA RICA (Août 2019)

Description de la structure de l’économie

Taille de l’économie : le Costa Rica a un PIB de 59 Mds USD en 2018 pour 5 millions d’habitants. Il s’agit de la troisième économie d’Amérique Centrale (derrière le Guatemala et le Panama).

Degré d’ouverture : le Costa Rica a mis en œuvre une transformation sociale et économique profonde depuis les années 1980 axée sur l’ouverture à l’exportation et la diversification productive. L’économie est plutôt ouverte (taux d’ouverture : 68%) grâce à une stratégie de signature d’Accords de Libre-Echange bilatéraux et régionaux : les Etats-Unis demeurent de très loin le premier partenaire commercial (39% des exportations et 46% des importations en 2018[1], accord CAFTA-DR entré en vigueur en 2009) mais le Costa Rica diversifie sa politique commerciale vers l’Amérique Latine, l’Asie et l’Europe[2]. Le pays est actuellement en procédure d’adhésion à l’OCDE, les sujets d’ouverture des marchés et de concurrence étant au centre des discussions[3]. Le pays a pour l’instant validé 13 des 22 comités nécessaires pour rejoindre l’organisation.

Niveau de développement : le PIB par habitant s’établit à 11 744 USD en 2018 (FMI), le niveau le plus élevé d’Amérique Centrale après le Panama. Le Costa Rica est beaucoup plus développé que la plupart des pays de la région: son IDH la place 63ème sur 188 pays en 2018 ; seuls l’Argentine, l’Uruguay et le Panama devancent le niveau de développement humain du Costa Rica. Le taux de pauvreté est de 20% en 2017 (contre 22,4% en 2014) et celui de pauvreté extrême de 5,7% selon l’Institut National de Statistique (INEC). Le coefficient de Gini du pays a cependant stagné sur la dernière décennie, passant de 48,2 en 2010 à 48,3 en 2017.

Avantages comparatifs et structure de l’économie : le Costa Rica présente des indicateurs de développement et de compétitivité supérieurs à ceux de ses voisins centraméricains. Le Costa Rica est la 55e économie la plus compétitive du monde en 2018 (WEF), 3ème en Amérique Latine derrière le Chili et le Mexique. Les principaux avantages compétitifs du Costa Rica relativement au reste de la région sont la diversification de son économie et la meilleure qualification de la main d’œuvre, même si sur ces aspects le pays reste en-deçà de la moyenne de l’OCDE.

Performances sur le long terme : L’économie costaricienne a cru de 3,9% en moyenne entre 2010 et 2017. La croissance a ralenti à 2,7% en 2018 selon le FMI, notamment affectée par une grève de 3 mois dans le secteur public lié à la loi de « renforcement des finances publiques ». Le FMI prévoit une croissance de 2,9% en 2019 (vs. 3,2% prévues par la Banque centrale) et prévoit que la croissance devrait augmenter graduellement pour atteindre son potentiel de 3,5% en 2024 (hypothèse jugée conservatrice par les autorités).

Place du secteur privé : l’économie est libéralisée. Il existe plusieurs monopoles d’Etat (entreprise d’électricité et de télécommunications ICE, institut qui administre et opère les aqueducs et les égouts et facture le service de l’eau AyA, entreprise de raffinage de pétrole RECOPE...) ainsi que des monopoles locaux de services publics (distribution de l’eau). Les ouvertures de capital des entreprises publiques paraissent peu viables politiquement, même si l’augmentation de la concurrence dans le secteur de l’énergie est nécessaire étant donné son manque de productivité et ses prix élevés.

Eléments d’analyse conjoncturelle

Performance récente de la croissance : Le FMI fait état d’une croissance économique de 2,7% en 2018, légèrement inférieure à celle anticipée par les autorités (3%). Ce ralentissement de la croissance sur l’année est notamment lié aux 3 mois de grève du secteur public et à la situation au Nicaragua, qui aurait amputé la croissance du PIB de 0,2 point selon le FMI. Durant le premier semestre 2019, le taux de croissance du Costa Rica s’est établi à 1,6%, soit 1,6 point de pourcentage inférieur au taux de croissance du premier semestre 2018. Le secteur le plus touché par ce ralentissement est celui de la construction, qui accumule 7 mois consécutifs de décélération, dont une baisse en juin 2019 de 14,3% g.a. La Banque Centrale du Costa Rica prévoit une croissance du PIB de 2,2% pour 2019 soit la plus faible croissance économique depuis 2009. Pour 2020, la projection a également diminué pour passer de 3% à 2,6%. Concernant l’inflation, elle devrait s’établir à 3% en 2019.

Moteurs de la croissance (consommation, investissement, commerce extérieur) : La croissance est principalement tirée par la consommation privée (+1,6% au T4 2018) et les exportations (+4,3% pour les biens et +2,5% pour les services).

Situation du commerce extérieur : Le déficit du compte courant s'est légèrement creusé en 2018, passant de 3% à 3,2% du PIB. Cette légère détérioration est imputable à un déficit commercial accru pour les biens, dans un contexte de troubles politiques au Nicaragua qui ont des effets négatifs sur le commerce intrarégional. Les revenus primaires ont également diminué en 2018 en raison de la hausse des bénéfices rapatriés par les sociétés étrangères et de la hausse des paiements d'intérêts sur la dette extérieure publique. Néanmoins, la baisse des revenus primaires a été entièrement compensée par une amélioration de la balance des échanges de services.

Flux d’IDE : Les entrées nettes d'IDE en 2018 ont représenté environ 4% du PIB selon le FMI, couvrant ainsi le déficit de la balance courante. Le pays a ainsi attiré 48 projets d’investissements en 2018 (40 en 2017), dont 20 nouveaux (et 28 projets de réinvestissements).

Dépendance aux financements externes : En 2019, les besoins de financement souverains sont estimés à 12% selon le FMI (13,3% selon Fitch) dont la moitié correspond à l’amortissement de la dette. Pour les combler, le Gouvernement souhaite avoir recours à des financements externes, à la fois via l’émission d’euro bonds (1,5 Mds USD) et un recours aux organismes multilatéraux. Récemment, la CAF a approuvé un prêt de 500 M USD au Gouvernement (avril 2019).

Politique économique

Policy mix : l’Etat-Providence est fort : la santé, l’éducation et la justice sont des postes de dépense importants et protégés par la Constitution. 7,9% du PIB sont consacrés à l’éducation : un niveau sans commune mesure au sein des pays de l’OCDE. Cependant, en matière budgétaire, la nécessité de remettre les finances publiques sur une trajectoire publique soutenable est urgente. La dette publique du gouvernement central a augmenté de 12,6 pts entre 2015 et 2018 pour atteindre 53,5 % du PIB, le déficit atteignant 6 % du PIB en 2018 (FMI). Afin d’assainir les finances publiques, l’Assemblée nationale a adopté le 3 décembre dernier la loi de « Renforcement des Financement Publiques », au terme de plusieurs mois de négociations difficiles et de contestations populaires. Ses quatre axes fondamentaux sont l’instauration d’une Taxe sur la Valeur Ajoutée, la révision des grilles de l’impôt sur le revenu, la suppression de nombre d’exemptions, l’encadrement de la dépense publique par la mise en place d’une règle fixant des plafonds de dépenses en fonction des niveaux d’endettement et de croissance économique enregistrés par le pays ainsi que la modification des grilles salariales de la fonction publique.

Pro ou contra cyclicité de la politique budgétaire : Malgré l’approbation de la loi de Renforcement des Finances Publiques, la situation à court terme reste préoccupante. Le gouvernement est confronté à de graves problèmes de liquidités. Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch ont toutes trois dégradé la notation de la dette costaricienne (respectivement à B1 en décembre 2018 ; à B+ en décembre 2018 et à B+ (baisse de deux échelons) en janvier 2019, toutes trois avec perspectives négatives). Le FMI recommande donc des efforts budgétaires supplémentaires (de 0,7 point du PIB), notamment via une diminution des dépenses.

Inflation et politique monétaire/ de change : Selon le FMI, des progrès significatifs ont été accomplis pour améliorer le ciblage de l'inflation (pendant toute l’année 2018, l’inflation est restée dans la fourchette de la banque centrale, entre 2 et 4%). Cependant, faisant valoir qu'il existait des pressions déflationnistes et que le taux de chômage restait élevé, la Banque centrale a diminué quatre fois son taux directeur depuis le début de l’année, passant de 5,25% à 4%.Une loi visant à dissocier la désignation du président de la banque centrale du cycle politique a été adoptée en septembre 2018. En termes de défense de la devise nationale, la Banque Centrale n’entend intervenir sur les marchés que si la volatilité menace les grands équilibres macro-économiques du pays. Le colon a perdu 7% par rapport au dollar US en 2018. Le Fonds insiste toutefois sur la nécessité par la Banque Centrale d’une meilleure transparence s’agissant de sa politique monétaire (effort accru de communication vis-à-vis des opérateurs économiques).

Dette externe/publique : Le déficit budgétaire global a légèrement diminué en 2018 pour atteindre 6,0% du PIB. La dette publique a continué d'augmenter pour atteindre 53,5% du PIB à fin 2018. Reflétant des tensions financières, la banque centrale a acheté directement au gouvernement 860  M USD de bons du Trésor en septembre 2018, ce qui n'avait pas été fait depuis la crise de 1994. Le Ministère des Finances a présenté en juillet 2019 le plan de placement de la dette du gouvernement central pour le second semestre de 2019, pour un total de 2,5 M USD (1,4 Md CRC). Sur ce montant, 470 000 USD ont déjà été obtenus, principalement grâce à des instruments à taux fixe de long terme.

Secteur bancaire   

Taille du secteur et structure : particularité dans la région, le système bancaire est dominé par deux banques publiques (Banco Nacional de Costa Rica et Banco de Costa Rica). Elles représentent à elle deux environ 30% des actifs. L’OCDE recommande plus de concurrence dans le système bancaire et éventuellement des privatisations. Globalement, les banques sont bien capitalisées, mais la rentabilité est faible par rapport au reste de la région. Le ratio d'adéquation des fonds propres pour l'ensemble du secteur bancaire était de 13,5% en décembre 2018, ce qui est nettement supérieur aux exigences réglementaires minimales de 10%. Les tests de résistance du FMI suggèrent notamment que le système bancaire est suffisamment bien capitalisé pour absorber un choc important. La rentabilité des banques est cependant faible par rapport aux moyennes régionales, bien que la tendance à la baisse observée depuis la mi-2017 semble s’être inversée depuis novembre 2018. On notera tout de même que sur l’année 2018, le ROE a atteint 6,8% (vs. 8,2% en moyenne depuis 2010) et le ROA 0,9% (vs. 1,15% en moyenne depuis 2010). Reflétant des mouvements de taux de change plus volatils, des coûts d’emprunt plus élevés et un ralentissement de la croissance économique, les Non Performing Loans par rapport au total des prêts du secteur bancaire sont passés de moins de 2% en 2016 à 2,7% en novembre 2018, dépassant la moyenne régionale (2,5%).

Dollarisation et évolution des crédits (volume et taux) : L’une des faiblesses du système financier est cependant l’importance de la dollarisation, estimée à environ 40% des crédits.  A l’heure actuelle, le marché en monnaie locale peine à concurrence le marché en dollar et les banques sont essentiellement liquides en dollar. Le taux de dollarisation du crédit est particulièrement élevé chez les banques privées, qui dominent pour les prêts en devises (à l’inverse les banques d’Etat représentent environ 75% des prêts et dépôts en monnaie nationale) : il atteint 73% contre 29% pour les banques publiques, en décembre 2018. La Banque centrale compte s’appuyer sur la flexibilisation du taux de change pour tenter de limiter cette dollarisation de l’économie. Le FMI recommande à ce propos l’introduction de réserves obligatoires différenciées entre devises nationales et étrangères.

Mesures de soutien et réformes en matière de supervision : Dans le but de stimuler le placement de crédit, la Banque centrale a abaissé son taux directeur pour la première fois depuis 2015 (quatre baisses entre mars et août 2019, passant de 5,25% à 4%) et a également  ramené de 15% à 12% le taux de réserve légale obligatoire des entités du système bancaire. Ce taux n’avait pas été réduit depuis 2002, et les autorités espèrent que cette diminution générera une plus grande disponibilité de ressources pouvant être empruntées en colons.

Perspectives et réformes structurelles

Stratégie et modèle de croissance : le Costa Rica doit réinventer son modèle de croissance en diminuant le niveau de déficit et de dette et en acceptant d’accroître la concurrence dans les secteurs clés. Le processus d’adhésion à l’OCDE représente une opportunité de croissance et de mise à niveau qualitative dont bénéficiera l’ensemble de la chaîne économique publique mais aussi privée.

Climat des affaires : le Costa Rica est classé 67ème sur 190 pays au classement Doing Business 2019. Le Costa Rica est notamment très bien placé en termes d’accès au crédit (12ème) et d’accès à l’électricité (21ème). Le pays a gagné 7 places au classement 2017-2018 du Forum Economique Mondial (47ème/137). Le rapport pointe l’éducation et le développement du marché financier comme des forces de l’économie. Toutefois, les entreprises identifient comme problèmes majeurs l’importance de la bureaucratie, le manque d’infrastructures et le niveau élevé des impôts. L’OCDE estime que les politiques régulatrices anti-compétitives et relativement peu sévères avec les trusts, ainsi qu’une forte segmentation sur le marché du travail, sont les principaux obstacles au développement d’une croissance plus inclusive.

Forces et faiblesses structurelles (R&D, marché du travail, concurrence, corruption, éducation…) : le coût économique de la violence et des crimes représente 3,6% du PIB (contre 10% environ dans les autres pays d’Amérique Centrale). Le système d’éducation publique fonctionne mieux que chez les pays voisins, la main d’œuvre est relativement bien formée et productive et les dépenses en R&D sont plutôt  élevées pour la région (0,6% du PIB). Le secteur académique déplore toutefois un manque de main d’œuvre qualifiée et une incapacité à pourvoir les besoins du marché du travail, ce qui contribue à une inflation des salaires des professionnels et techniciens. La situation budgétaire du pays, malgré la réforme approuvée par l’assemblée législative et la volonté du nouveau gouvernement à cet égard, reste la principale difficulté à laquelle fait face la classe politique et le corps social dans son ensemble.



[1] Selon l’INEC (Institut National de Statistiques et de Recensement)

[2] Accords de libre-échange avec :

  • l’Amérique Centrale (marché commun centraméricain - MCCA), le Mexique (entré en vigueur en 7/2013), la Colombie (signature en 5/2013) et le Pérou (entré en vigueur en 6/2013) ;
  • la Chine (entré en vigueur en 8/2011, le Costa Rica étant le seul pays d’Amérique centrale à avoir établi des relations diplomatiques avec la Chine dès 2007), Singapour (entré en vigueur en 7/2013) ;
  • accord d’association entre l’UE et l’Amérique Centrale (entré en vigueur le 1/10/2013 pour le Costa Rica).
  • En procédure d’intégration de l’Alliance du Pacifique
  • La Corée du Sud, accord approuvé en mars 2019

[3] Le pays a formellement initié le processus d’adhésion en avril 2015 et la « feuille de route » pour le processus d’adhésion a été approuvée en juillet 2015.