health tech

 

Le marché des health techs (qui comprend les biotechnologies de la santé – traitements et médicaments innovants- et les med techs – dispositifs médicaux innovants) est en pleine croissance au Japon du fait du vieillissement de la population et de la stratégie d'innovation du gouvernement, désireux de promouvoir une "société 5.0". Malgré des obstacles persistants (baisse des prix des médicaments, manque de coordination entre hôpitaux pour la distribution des produits…), l’essor de la télémédecine pourrait être notamment source d'opportunités pour les entreprises françaises, fortes de leur expertise dans les logiciels de santé.

 

1. Le marché des health techs est en forte croissance dans un pays marqué par le vieillissement de sa population

 Le Japon fait face à un phénomène de vieillissement de sa population, en raison de son faible taux de natalité (1,43 en 2018) et d’une espérance de vie élevée (81 ans pour les hommes, 87 ans pour les femmes) : en 2018, 28% de la population avait plus de 65 ans, un pourcentage qui devrait atteindre 30% d’ici 2025 et 40% d’ici 2060. Cette situation démographique (les 65 ans et + comptaient pour 59,3% des dépenses nationales de santé en 2015), couplée à un pouvoir d’achat élevé (5e parité de pouvoir d’achat mondial en 2017), stimule la demande dans le secteur des nouvelles technologies de la santé : la démence devrait toucher 25% de la population des plus de 65 ans en 2025 et le cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité au Japon (30% du nombre total de décès). Le marché de la médecine régénératrice devrait également connaitre un essor, en ce qu’elle permet d’améliorer le traitement d’un certain nombre de maladies liées au vieillissement, comme la maladie de Parkinson.

 Dès lors, le Japon est devenu le 2ème marché mondial pour les dispositifs médicaux (après les Etats-Unis) et le 3ème pour les biotechs (derrière la Chine et les Etats-Unis) : en 2018, le marché des dispositifs médicaux japonais représentait 23,1 Mds d'euros (28,3 Mds prévus d’ici 2020), celui des biotechs 82,6 Mds € (dont 70,1 Mds pour les seuls médicaments de prescription). Les importations représentent une large part de ces deux marchés : 49% du marché des dispositifs médicaux (en particulier les appareils de diagnostic haut de gamme et les appareils thérapeutiques) et 38% du marché des médicaments (soit un niveau 4,5 fois supérieur aux exportations).

Le cadre japonais des infrastructures de communication est propice à ce développement. Le taux de couverture internet de 81,7% (94,7% de disponibilité des réseaux 4G), le taux de pénétration des smartphones de 55,3%, et le lancement du réseau 5G prévu en 2020, constituent un réel avantage pour l’IoT (internet des objets) et la télémédecine. Le Japon dispose par ailleurs d’un système de sécurité sociale offrant des taux de remboursement relativement bons (30% restant à charge), gage de recours à des traitements innovants.

 2. Le gouvernement et les grands groupes ont adopté des stratégies favorables au développement des nouvelles technologies dans le secteur de la santé

 Afin de créer une Société 5.0, le gouvernement japonais promeut les nouvelles technologies dans le secteur de la santé, en particulier l’IoT. En 2015, le ministère de la Santé a publié un rapport sur ses objectifs santé pour 2035 (Japan Vision : Healthcare 2035) qui érige en priorités le « life design » - l’intégration des nouvelles technologies dans la prévention et la prise en charge médicales. Cet objectif s’est traduit par des investissements publics (attribution de subventions par l’Agence pour la Recherche médicale et le Développement depuis 2015, financement de start-up par la NEDO, agence de recherche du METI, etc…), ainsi que par des coopérations entre les secteurs public et privé, à l’image de la Robot Révolution & Industrial IoT – initiative qui œuvre pour la facilitation des démarches de certifications des produits médicaux et le développement des équipements robotisés.

Le gouvernement a également adopté une politique de réduction des dépenses de santé, axée notamment sur la prévention, qui incite à privilégier les health techs. Ainsi, le nombre de vaccins obligatoires a augmenté (quatre vaccins supplémentaires depuis 2009, à l’instar du pneumocoque). Ce marché a triplé entre 2007 et 2015 (pour atteindre 1,07 Mds €) et devrait continuer de croître fortement. Cette stratégie bénéficie également au marché des med techs (software et hardware), et particulièrement de la santé connectée (logiciels d’analyse de données médicales, capteurs portable, bracelets…). Elle offre, enfin, des perspectives de croissance dans le secteur de la chirurgie mini-invasive, du fait de ses moindres coûts, ou encore de l’imagerie médicale, qui permet de diminuer les dépenses de soins en effectuant des diagnostics précoces.

 Les grandes entreprises japonaises investissent massivement dans la recherche et développement dans le domaine de la santé, jusqu'à 4 à 5% en moyenne de leur chiffre d’affaires pour les sociétés spécialisées dans le hardware. Par ailleurs, plus des ¾ des 20 principaux grands groupes japonais ont investi dans les med techs, dans l'espoir d'élargir leurs secteurs de compétence ou d'y positionner leur propre savoir-faire. A cette fin, certains conglomérats (Mitsubishi Chemical, Asahi, Honda…) ont créé des filiales internes innovantes. D’autres ont fait l’acquisition de start-ups ou créé des joint-ventures (Nikon a conclu un accord de coopération avec le Suisse Lonza ; le groupe pharmaceutique Takeda a fait l’acquisition du britannique Shire…). Dans le secteur pharmaceutique cependant, la recherche semble moins développée que dans le secteur des med techs (+18% du nombre de brevets med techs déposés en 2017, en augmentation constante depuis 2006, contre +9% dans le secteur pharmaceutique, en ralentissement depuis 2004), en raison notamment des délais de développement des traitements et médicaments. Pour autant, l’expiration de nombreux brevets en 2012 a incité les grands groupes pharmaceutiques à se tourner de plus en plus vers l’open innovation et les partenariats technologiques. A cet égard, en dépit d'échanges encore peu développés entre l’industrie et le secteur académique au Japon, un certain nombre de clusters, au sein desquels collaborent les chercheurs et les entreprises, ont été créé sur l’ensemble du territoire, y compris dans les domaines des TIC et des biotechnologies.

 3. Le cadre législatif et réglementaire tend progressivement à faciliter la mise sur le marché des health techs

 Le Pharmaceuticals and Medical Devices Act, adopté en 2014, a permis de faciliter la procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments, devenue l’une des procédure les plus rapides au monde (environ 9 mois pour une mise sur le marché) et a également permis de maintenir le prix des médicaments innovants (grâce au dispositif du Price Maintenance Premium), pouvant être exemptés des baisses de prix recherchés sur le marché.

L’Accord de Partenariat économique UE-Japon, entré en vigueur en février 2019, a par ailleurs contribué à uniformiser les catégorisations pharmaceutiques et les règles de certification, facilitant ainsi les échanges. Cette uniformisation se poursuit également dans la région de l’Asie-Pacifique, avec le partenariat conclu en avril 2016 entre la Japan Federation of Medical Devices Association (4000 entreprises membres) et la Asia Pacific Medical Technology Association (association composée de représentants de l’industrie des appareils médicaux de la région, qui encourage la convergence des normes de certification et la coopération scientifique). 

Toutefois, l’environnement juridique présente encore des obstacles à l’introduction des nouvelles technologies médicales sur le marché japonais, et notamment des health techs étrangères. Si les procédures d’autorisation de mise sur le marché des médicaments ont été simplifiées et accélérées, l’harmonisation des catégorisations n’est pas encore achevée dans tous les secteurs et la certification des équipements médicaux en particulier demeure relativement longue (1 à 3 ans en fonction de la catégorie du produit). Par ailleurs, certaines mesures de réduction des coûts (limitation, en 2018, du champ des médicaments innovants bénéficiant de l’exemption à la baisse des prix ; promotion des génériques, dont la pénétration est passée de 10% à 70% entre 2010 et 2017) ne sont guère favorables à l’innovation pharmaceutique. Ces mesures expliqueraient en partie la réduction du marché pharmaceutique de 1,5% par an en valeur – selon les estimations de l’EFPIA Japan (fédération des entreprises européennes présentes sur le marché japonais). Le marché des médicaments de prescription a ainsi baissé de 1% en valeur en 2017 et ne représente plus que 7% du marché mondial (contre 20% en 1990). Certains grands groupes (comme Takeda) délocalisent déjà leurs activités de R&D, ce qui pourrait accentuer la baisse du nombre de brevets pharmaceutiques japonais déposés (amorcée depuis 2004). 

Ces mesures rendent également le marché pharmaceutique moins attractif pour les entreprises étrangères : les importations depuis la France ont par exemple baissé de 0,7%, en valeur, en 2018 et les majors français du secteur nous alertent sur les risques de réduction progressive du marché dans les années à venir, sur un secteur qui est pourtant l'un de nos principaux postes d'exportation. La question est de savoir si cette décroissance pourrait n’être que provisoire à partir du moment où les entreprises pharmaceutiques ont commencé à revoir leur business model.

Le marché japonais de la santé se caractérise également par un manque de coordination et de communication entre les hôpitaux (notamment en ce qui concerne le partage des fichiers patients). Cela implique pour les entreprises de multiplier leurs contacts dans le secteur hospitalier afin de promouvoir et de distribuer leurs produits auprès des différents établissements. Par ailleurs, la lenteur des remboursements des frais de santé peut constituer un frein à la consommation de soins. Enfin, le milieu médical japonais souffre d’une certaine « inculture numérique ».

Commentaire. Le savoir-faire français s’illustre dans de nombreux domaines de la santé au Japon et la qualité de nos produits est largement reconnue, que ce soit pour les médicaments (qui constituent le premier poste d’exportation française au Japon), les vaccins, les produits vétérinaires, les produits orthopédiques et d’imagerie médicale ou encore les logiciels ou les services à la personne. Dans le secteur des med techs, cependant, la France ne figure pas parmi les dix principaux pays fournisseurs du Japon – en tête desquels se situent les Etats-Unis (47,9% des importations totales), l’Irlande (10%) et l’Allemagne (8,3%).

Le contexte actuel, avec le vieillissement de la population japonaise, en fait un marché particulièrement attractif, relativement stable et aux nombreuses opportunités de niche. Les entreprises françaises peuvent tirer profit de leur expertise en ingénierie - en particulier dans le développement de logiciels -, une compétence sur laquelle le Japon a encore du retard. Des stratégies d'adaptation des produits (comme la traduction des softwares d’analyse médicale) ou de co-financement de projets japonais peuvent apparaître comme des options pertinentes sur le long terme.