Les investissements directs français en ASEAN en 2018

Juin 2019

 

Le stock d’IDE français en ASEAN s’est établi à 12,4 Mds EUR en 2018, en baisse de 15 % par rapport à l’année 2017 (14,6 Mds EUR). Singapour occupe le rôle de plateforme régionale pour l’investissement et continue de concentrer près des trois quarts des stocks français en ASEAN (9,0 Mds EUR). Les flux d’IDE français vers l’ASEAN sont négatifs pour la troisième année consécutive, à –2,4 Mds EUR (après –5,2 Mds EUR en 2017 et –1,1 Md EUR en 2016) reflétant en particulier les sorties nettes d’IDE en Indonésie (–915 M EUR), à Singapour (–684 M EUR) et en Thaïlande (–658 M EUR). Cette baisse du stock d’IDE français en ASEAN depuis 2016 s’inscrit à contre-courant de la tendance mondiale, la zone demeurant une région attractive pour les investisseurs au regard de son fort potentiel de croissance (en particulier dans les infrastructures), de l’ouverture progressive de ses marchés, d’une main d’œuvre peu chère et de l’émergence d’une vaste classe moyenne. En 2018, les flux d’IDE entrants en ASEAN ont ainsi progressé de 3,1 % selon la CNUCED.

Les sorties nettes observées en Indonésie, à Singapour et en Thaïlande constituent l’essentiel des mouvements d’IDE français en ASEAN en 2018

Les IDE français en ASEAN enregistrent des flux négatifs pour la troisième année consécutive, à –2,4 Mds EUR en 2018, après –5,2 Mds EUR en 2017 et –1,1 Md EUR en 2016[1]. La majorité des pays de l’ASEAN (Indonésie, Singapour, Thaïlande, Philippines et Vietnam) enregistrent une sortie nette d’IDE français, tandis que la Malaisie et le Cambodge affichent des entrées nettes. Les données pour la Birmanie, le Laos et le Brunei sont confidentielles pour 2018[2]. Ce sont principalement des opérations financières intragroupes qui pèsent sur le bilan des flux d’IDE en 2018, les investissements français en capital social augmentant pour la plupart des pays de l’ASEAN.

Les sorties nettes d’IDE français à Singapour ralentissent mais restent conséquentes (–684 M EUR après –2,0 Mds EUR en 2017). Ces sorties sont dominées par les prêts intra-groupes, relativement élevés depuis trois ans (–791 M EUR, après –1,7 Md EUR en 2017 et –1,2 Md EUR en 2016), et ne reflètent pas une décapitalisation des entreprises françaises établies à Singapour (+130 M EUR d’augmentation de capital social en 2018, après –315 M EUR en 2017 et +2,3 Mds EUR en 2016). Singapour continue d’attirer l’investissement français, avec notamment en 2018 le rachat par Vinci Energies de 80 % des parts de Wah Loon Engineering pour environ 160 M EUR, l’annonce par Engie d’un investissement de 60 M USD sur cinq ans et par Thalès de 20 M EUR sur cinq ans.

L’Indonésie (–915 M EUR, après –1,0 Mds EUR) et la Thaïlande (–658 M EUR, après –496 M EUR) continuent d’être affectées par de fortes sorties nettes d’IDE français. Dans les deux pays, le poste « bénéfices réinvestis », négatif depuis deux ans (reflétant des bénéfices inférieurs aux dividendes reversés à la maison mère), explique l’essentiel de la sortie d’IDE. Le capital social augmente en Indonésie (+156 M EUR), où l’entreprise Michelin a par exemple formé une joint-venture (dont elle détient 55 %) pour une usine de caoutchouc, représentant 435 M USD, et reste relativement stable en Thaïlande (+10 M EUR). Les sorties d’IDE pourraient continuer en 2019, en particulier dû aux cessions du groupe LafargeHolcim, qui quitte la région et a vendu de la totalité de ses activités en Indonésie, pour un montant d’environ 820 M EUR, et du groupe Engie, qui a cédé ses activités de production d’électricité à partir du charbon en Thaïlande, pour un montant de 2,6 Mds EUR.

La Malaisie bénéficie d’un retour des entrées nettes d’IDE français en 2018 (+239 M EUR, après –81 M EUR). Cette inversion des flux de capitaux français s’explique par l’inversion des prêts intra-groupes (+167 M EUR, après –10 M EUR), et de l’investissement dans le capital social des entreprises (+24 M EUR, après –125 M EUR), alors que le réinvestissement des bénéfices reste stable (+47 M EUR, après +54 M EUR). En 2018, on recense ainsi de nouveaux investissements de plusieurs entreprises françaises, notamment Arkema, Air Liquide ou AXA.

Les flux d’IDE français vers les Philippines (–74 M EUR, après +29 M EUR) et le Vietnam (–10 M EUR, après +116 M EUR) deviennent négatifs, et se réduisent au Cambodge (+46 M EUR, après +66 M EUR). Les prêts intra-groupes pèsent sur le bilan des flux d’IDE aux Philippines (–89 M EUR, après +15 M EUR), et au Vietnam (–39 M EUR, après +133 M EUR), l’investissement dans le capital social augmentant pour les deux pays, surtout au Vietnam (+7 M EUR, après –42 M EUR). Au Cambodge, Cambodia Airports, filiale de Vinci Concessions a annoncé en 2018 un investissement de 100 M USD pour la création d’un nouveau terminal de fret pour l’aéroport de Phnom Penh.

Le stock d’IDE français en ASEAN affiche ainsi un repli pour la troisième année consécutive, Singapour accueillant toujours une large majorité du stock d’IDE français dans la région

Le stock d’IDE français en ASEAN atteint 12,4 Mds EUR fin 2018 (15 % par rapport à 2017), en chute de près de 40 % par rapport à fin 2015. Le chiffre pour 2018 est cependant à considérer avec précaution, compte tenu de l’indisponibilité des données pour le Brunei (comme l’année dernière), la Birmanie et le Laos (dont le stock cumulé était de 411 M EUR en 2017). Les investissements français en ASEAN représentent 0,9 % du total des stocks d’investissements français dans le monde en 2018. Pour comparaison, le total des stocks d’IDE en ASEAN (2 381 Mds USD en 2018 selon la CNUCED, en hausse de 10,1 %) représente 7,4 % des stocks d’IDE dans le monde.

Singapour continue de concentrer la majorité des IDE français dans la région, avec 72 % du stock en 2018[3] en ASEAN (soit 9,0 Mds EUR), loin devant la Malaisie (9 % à 1,1 Md EUR) et la Thaïlande (6 % à 762 M EUR). L’Indonésie, pourtant première économie de la région en termes de PIB, voit son stock d’IDE chuter fortement, à 278 M EUR (–77,5 % sur un an). Le stock d’IDE français est relativement faible au Vietnam (671 M EUR), au Cambodge (407 M EUR) et aux Philippines (235 M EUR). La prépondérance de Singapour pour les IDE s’explique notamment par la propension des entreprises françaises à s’implanter dans la cité-Etat (notamment pour leurs sièges régionaux), en partie grâce aux mesures incitatives déployées par les autorités et à un environnement des affaires extrêmement favorable[4]. Le rôle de plateforme régionale qu’occupe Singapour pour l’investissement peut conduire à minorer les flux d’investissements effectifs des entreprises françaises dans la région, certains de leurs investissements pouvant être effectués via des holdings enregistrées à Singapour, qui fait alors office de point d’ancrage vers les marchés de la région.

L’analyse de la répartition sectorielle des stocks français d’IDE en ASEAN en 2016 révélait une forte pondération de l’industrie manufacturière (41 %), des industries extractives (18 %) et des services financiers (12 %), avec toutefois des différences selon les pays. Cette répartition est cohérente avec la présence des grands groupes français dans la région, en particulier dans le secteur agroalimentaire (Bel, Danone), dans les secteurs pharmaceutique et de la chimie (Servier, Air Liquide, Novacap), dans l’énergie (Total, Engie, EDF) ainsi que dans la finance et l’assurance (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, AXA). Si l’investissement français est fortement axé sur l’industrie manufacturière et les industries extractives en Indonésie et en Malaisie, elle est plus équilibrée entre industries et services à Singapour et en Thaïlande. A noter que l’essentiel des stocks français d’IDE dans le secteur de la construction est concentré aux Philippines (plus de 60 % du total du stock total d’IDE dans le secteur), en lien notamment avec la présence de Vinci Construction (via Soletanche Freyssinet) et Bouygues Construction dans le pays. Dans les économies moins développées de la région, on remarque la forte pondération des services (en particulier financiers) : ils représentent plus de 70 % du stock d’IDE français au Vietnam, plus de la moitié au Cambodge et près d’un tiers au Laos. La part de l’investissement français dans l’industrie manufacturière dans ces pays, pourtant fortement intégrés aux chaînes de valeur de l’industrie manufacturière mondiale (notamment textile), reste faible, se situant en moyenne autour de 15 %.

Le désinvestissement français dans la zone depuis 2016 s’inscrit à contre-courant de la tendance mondiale

L’ASEAN demeure une région globalement ouverte et au potentiel considérable, qui attire de plus en plus d’IDE. La zone affiche plus de 5 % croissance en moyenne annuelle depuis 2000, et des perspectives de croissance qui demeurent vigoureuses, à 5,2 % pour 2019. Les dix pays d’Asie du Sud-Est qui composent la zone de libre-échange rassemblent 9 % de la population mondiale et l’ASEAN participe pour environ 8% au commerce mondial. Ce potentiel explique en partie la forte croissance des flux d’IDE vers l’ASEAN, qui ont ainsi augmenté de plus de 15 % en moyenne annuelle depuis 2000. Cette tendance devrait se poursuivre, la Banque asiatique de développement estimant notamment les besoins en investissements dans les infrastructures en ASEAN à 210 Mds USD par an jusqu’en 2030. La CNUCED salue par ailleurs dans son dernier rapport les efforts entrepris par les pays de l’ASEAN pour favoriser l’investissement. L’accord de protection des investissements entre l’Union européenne et Singapour, qui vient d’être signé, pourrait également bénéficier aux IDE français. Les négociations pour un accord du même type avec le Vietnam ont par ailleurs été conclues.

La tendance à la hausse des investissements étrangers se confirme en 2018, avec une augmentation de 3,1 % des flux d’IDE vers l’ASEAN, à 148,6 Mds USD selon la CNUCED (soit 11,5 % du total des IDE entrants dans le monde). Ce résultat s’explique essentiellement par la hausse des flux vers Singapour (+2,5 %, à 77,6 Mds USD), l’Indonésie (+6,8 %, à 22,0 Mds USD), le Vietnam (+9,9 %, à 15,5 Mds USD) et la Thaïlande (+61,9 %, à 10,5 Mds USD), les flux vers la Malaisie (–13,9 %, à 8,1 Mds USD) et les Philippines (–25,8 %, à 6,5 Mds USD) ayant eux décliné. La CNUCED relève la forte composante des flux intra-ASEAN (formant près d’un quart des IDE entrants, et en particulier plus de la moitié des IDE entrants en Indonésie), surtout depuis Singapour, et la hausse des flux d’IDE chinois, qui ont doublé entre 2013 et 2017 (à 14 Mds USD en 2017). Cette tendance devrait se poursuivre en 2018, le groupe chinois Nesta Investment ayant par exemple acquis Global Logistic Properties pour 11 Mds USD à Singapour.

 

ANNEXES

Tableau 1. Flux d’IDE français en ASEAN (M EUR)

Tableaux IDE

ASEAN 6 : Indonésie, Malaisie, Singapour, Philippines, Thaïlande, Vietnam

Rouge : aggravation des flux entrants – Vert : amélioration et flux positifs – Noir : amélioration et flux négatifs

Source : Banque de France

 

Tableau 2. Stocks d’IDE français en ASEAN (M EUR)

Tableau stocks IDE

ASEAN 6 : Indonésie, Malaisie, Singapour, Philippines, Thaïlande, Vietnam

Rouge : aggravation des flux entrants – Vert : amélioration et flux positifs – Noir : amélioration et flux négatifs

Source : Banque de France

 

Note : Les données d’IDE de la Banque de France sont susceptibles de varier fortement d’une année sur l’autre pour des raisons méthodologiques.

 

Graphique 1. Evolution des stocks et des flux d’IDE français en ASEAN

 Graphique IDE

Source : Banque de France

 

Graphique 2. Evolution des stocks et des flux d’IDE totaux en ASEAN

Graphique IDE 

Source : CNUCED

 

Graphique 3. Répartition géographique des stocks d’IDE français en ASEAN en 2018

 Repartition des IDE

(Pourcentages calculés sans Birmanie, Laos et Brunei, pour lesquels les données sont indisponibles en 2018)

Source : Banque de France

 

Graphique 4. Répartition sectorielle des stocks d’IDE français en ASEAN en 2016

 Repartition des IDE

(Hors agriculture car négatif en 2016, à –2 M EUR)

Source : Banque de France

 

Graphique 5. Détail des stocks d’IDE français en ASEAN du secteur manufacturier en 2016
(Total : 7,5 Mds EUR)

 Repartition des IDE

(Hors automobile et matériels de transport car négatif en 2016, à –171 M EUR)

Source : Banque de France



[1] Les chiffres de flux d’IDE pour l’année en cours proviennent de la balance des paiements fournie par la Banque de France. Ces flux sont ensuite révisés sur la base d’enquêtes annuelles auprès des entreprises, ce qui peut amener à des révisions ultérieures significatives.

[2] Les données sont confidentielles notamment dans le cas d’un investissement unique, dont elles pourraient permettre d’identifier le montant. Les derniers chiffres disponibles sont ceux de 2017 pour la Birmanie (stock : 133 M EUR ; flux : +36 M EUR) et le Laos (stock : 278 M EUR ; flux : +25 M EUR), et de 2016 pour le Brunei (stock : 1,9 Md EUR ; flux : -14 M EUR). 

[3] Pourcentages calculés sans Birmanie, Laos et Brunei, pour lesquels les données sont indisponibles en 2018.

[4] Singapour se classe ainsi régulièrement dans le trio de tête des classements internationaux relatifs à la compétitivité et à l’environnement des affaires : 2ème au classement du World Economic Forum en 2018 et 2ème au classement Doing Business de la Banque mondiale en 2019.