Israël se positionne parmi les leaders en Cleantech à l’échelle mondiale. Ce leadership est ancien et se poursuit aujourd’hui à travers de nombreuses entreprises phares dans tous les sous-secteurs Cleantech. La question de l’efficience énergétique semble faire l’objet d’une attention spécifique du gouvernement.

I. Israël se positionne parmi les leaders en Cleantech à l’échelle mondiale

1. Israël était positionné en 2017 comme le 6e pays le plus innovant dans les cleantech d’après le Global Cleantech Group[1]2017

Global Cleantech Innovation Index, 2017

2014

Global Cleantech Innovation Index, 201

Les raisons avancées dans l’étude de 2014 pour le succès d’Israël dans ce secteur reprennent en grande partie les facteurs classiques du dynamisme de l’écosystème israélien, avec une insistance particulière sur la contrainte de limitation des ressources naturelles. Israël n’apparait qu’à la 8e place pour les « drivers » généraux de l’innovation (i. e. les conditions qui facilitent le développement de l'activité entrepreneuriale et de l'innovation dans un pays, ce qui peut sembler en-dessous de la réalité), 5e pour les drivers d’innovation spécifiques au secteur cleantech, très largement premier sur le volet des preuves de l'émergence de nouveaux moteurs de l'innovation en matière de cleantech[2] et 8e en ce qui concerne la commercialisation. La visibilité d’Israël sur le sujet tient en particulier à ses startups, mais la véritable force du pays tient avant tout au fait qu’Israël concentre 19 entreprises du « Global Cleantech Group » soit 20% du top100 mondial, dont par exemple Kaiima (développeur de technologies exclusives de sélection génomique sans OGM) et Emefcy (développeur de bioréacteurs électrogènes qui traitent les eaux usées industrielles).

 

En 2017, Israël est 6e, avec la répartition suivante : à la 12e place pour les drivers généraux, et 6e  pour les drivers spécifiques à la cleantech. Le rapport souligne en outre qu’Israël est largement leader pour tous les indicateurs relatifs au rôle du secteur privé mais que les incitations du secteur public sont en retrait, ce qui révèle en creux l’absence de priorité gouvernementale sur le secteur. L’écosystème israélien de startups cleantech bénéficie grandement, comme dans l’ensemble des secteurs, de l'accès aux fonds et investisseurs américains.

2. Les investisseurs israéliens

D’après le Cleantech Group, la réussite des startups tient aussi à l’importance des levées de fonds en phase de croissance, pour lesquelles Israël se positionne au premier rang mondial. Les premiers investissements importants sont réalisés avec la naissance d’Israël Cleantech Ventures, qui reste encore aujourd’hui le principal fonds spécialisé dans le domaine. Dès le début de la décennie 2010, Israël compte plus de 500 entreprises dans le secteur des cleantech en Israël, concentrées principalement dans le domaine de l'énergie.

Israel Cleantech Ventures (ICV) lève actuellement son troisième fonds, avec l’objectif de continuer à soutenir les leaders émergents avec 75 millions de dollars de capital. A ce jour, ICV a investi plus de 150 millions de dollars dans plus de 25 entreprises à partir de ses deux premiers fonds. Le Fonds européen d'investissement (FEI) a récemment annoncé un investissement de 20 millions de dollars dans le dernier fonds d’ICV, dans le cadre du programme InnovFin et de H2020.

Parmi les autres investisseurs notables :

  • Capital Nature est une société d'investissement spécialisée dans le soutien aux startups de transport et d'énergie propre en Israël. Elle a été choisie par le gouvernement pour exploiter le Centre national israélien des énergies renouvelables dans la région d'Arava. Capital Nature compte parmi ses partenaires : Ormat, Rafael, Elbit Systems, Yashir Investments House, ProSeed VC, Consensus Business Group, Eilat Eilot RE, Ben Gurion University, Shibolet Law firm, Shai Shiller et Arava Institute.
  • Terra Lab : incubateur financé par Terra Ventures Partners, fonds israélien qui se concentre sur les investissements d'impact, de la pré-seed à la phase initiale et à la phase de croissance, dans les domaines de l'énergie, de l'efficacité des ressources et de l'eau, de la mobilité, des villes intelligentes, des dispositifs médicaux, et du bien-être notamment. Grâce à son incubateur technologique, Terralab Ventures, le fonds soutient les entreprises de son portefeuille grâce à un investissement initial, à des stratégies de développement commercial avancées et à l'accès au réseau mondial de partenaires de Terra pour maintenir son élan. Le montant moyen de l'investissement de démarrage se situe entre 600 000 et 1 million de dollars.
  • GreenSoil Investments : considéré l’investisseur incontournable dans le domaine AgriTech, ce fonds a investi plus de 100M$ dans des entreprises centrées sur une utilisation intelligente et efficace des ressources, notamment l'énergie, l'électricité, l'eau et la terre, dans les secteurs de l'agriculture, de l'alimentation et de l'immobilier.

 

3. Les acteurs industriels et les startups

  • La question de l’optimisation des ressources naturelles a toujours été centrale en Israël, qui dispose donc d’acteurs industriels leaders à l’échelle mondiale. Dans le domaine de l’énergie, le groupe Schnapp détient 45% des parts de marché de batteries en Israël, tandis qu’Epsilor, intégré au sein d’Aritech Corporations, conçoit des systèmes de charge. Le secteur de l’énergie solaire est dominé notamment par Arava Power Company, qui développe des projets d'énergie solaire dans le Néguev et l'Arava, tandis que BrightSource Industries est développe la technologie solaire thermique pour toutes les installations BrightSource aux Etats-Unis. Sur les ressources en eau, l’entreprise IDE Technologies fait d'Israël un leader mondial de la technologie du dessalement, avec plus de 400 usines dans le monde, tandis qu’Amiad conçoit des systèmes de filtration ; ou que Bermad offre des solutions pour le contrôle et la gestion de l'approvisionnement en eau. Netafim est l’inventeur de l'irrigation goutte à goutte dans les années 1960 et détient 30% du marché mondial de l'irrigation goutte à goutte. Enfin, Tera Group est leader en monitoring de la qualité de l’air.
  • Des startups israéliennes se distinguent dans tous les sous-secteurs cleantech, mais plus particulièrement par d’importants exits dans le domaine de l’énergie : Blue Sphere en 2012 (producteur d'électricité indépendant international qui transforme les déchets municipaux et industriels en électricité, gaz naturel, compost et autres sous-produits, ou SolarEdge en 2015 (de 126 M$). Le sous-secteur de l’efficience énergétique concentre des levées de fonds très importantes : 130 M$ pour StoreDot (20 M en 2018, 62 M en 2017) qui produit des batteries organiques à charge rapide, ou 18 M$ pour enVerid Systems qui propose des technologies d'économie d'énergie pour les bâtiments.
  • Les montants investis dans startups du secteur Agritech s’élèvent en 2017 à 141 M$ d’après Startup Nation Central[3] et d’importantes levées de fonds ont notamment été réalisées pour le « smart farming ». Ainsi, Prospera  qui allie algorithmes et botanique pour réinventer l'utilisation des données agricoles et aider les agriculteurs à cultiver plus efficacement, a levé 22 M$. Taranis, créé en 2014, a levé 30 M$ et donne accès aux agriculteurs à des données leur permettant d’augmenter leurs rendements et réduire leurs coûts. Enfin, à la frontière de la Biotech, l’entreprise de multiplication génomique Kaiima a levé 93 M$.

 

II. Parmi les différents segments de l’innovation dans les cleantech, seul celui de l’efficience énergétique fait actuellement l’objet d’une attention spécifique du gouvernement

1. Des initiatives spécifiques existent depuis plus d’une dizaine d’années

De nombreuses initiatives du gouvernement israélien s’adressent principalement ou exclusivement au secteur cleantech. Ces programmes de soutien à la R&D sont opérés par l’Autorité israélienne de l’innovation.  En phase pré-seed et seed, le programme « Nofar » soutient la recherche universitaire appliquée en biotechnologie et nanotechnologie (jusqu’à 90% du budget), le programme « Magneton » favorise le transfert de technologie des établissements d'enseignement supérieur à l'industrie -jusqu’à 66% du budget ; tandis que le programme « Katamon » est dédié au transfert des technologies de l'eau des institutions académiques à l'industrie.

Le programme Israel NEWTech a été créé en 2006 sous la direction du ministère de l'économie et de l'industrie, avec la participation de dix ministères et organisations officielles. Créé et dirigé par Oded Distel, qui est également à la tête du centre de promotion des investissements du Ministère de l’économie (Invest in Israël), Israel NEWTech réunit toutes les parties prenantes - start-ups, entrepreneurs, entreprises, multinationales, universités, régulateurs, décideurs politiques et investisseurs - pour coopérer afin de fournir des solutions aux défis mondiaux dans le domaine des cleantech. Bien qu’il n’y ait pas eu de publications sur les montants et les réalisations concrètes du programme, il est déjà mentionné comme une réussite dans l’étude de 2011 de l’OCDE dédiée à l’éco-innovation[4]. En 2006, NEWTech a lancé sa première initiative axée sur l'industrie israélienne des technologies de l'eau, en soutenant la R&D, en participant à des événements liés à l'eau et en créant des outils de marketing au profit de l'ensemble du secteur. Le Gouvernement a beaucoup investi dans le programme et a alloué des ressources substantielles (mais pas de données chiffrées disponibles). En 2008 NEWTech a lancé une deuxième initiative axée sur les énergies renouvelables.

2. Energie et notamment énergie solaire

Le Centre technologique d’énergies renouvelables du Néguev soutient des projets dans des domaines technologiques pertinents, tels que l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'énergie géothermique, les combustibles de remplacement, l'efficacité énergétique, le réseau intelligent, le stockage de l'énergie. Le gouvernement israélien et le groupe Arava ont investi près de 30 millions USD (114 millions NIS) sur cinq ans. Dès 2012, Suntech et Capital Nature ont inauguré un centre de tests sur l’énergie solaire[5]. En 2014 une initiative de plusieurs milliards de dollars a été lancée à Hashalim dans le Néguev, regroupant 3 centrales solaires, la plus haute tour solaire du monde et une station d'épuration, à la suite de l'objectif fixé par le gouvernement israélien de faire que les énergies renouvelables contribuent à hauteur de 10% à la production d'électricité d'ici 2020[6]. EDF EN a mis en service en Israël cinq centrales photovoltaïques totalisant 160 MWc dans le désert du Néguev.

3. Watertech

Le WaTech Entrepreneurship & Partnership Center soutient les nouvelles solutions technologiques innovantes dans le domaine de l'eau utiles au fonctionnement quotidien de Mekorot (la société publique de gestion des réseaux d’eau). WaTech offre un soutien aux startups mais aussi la possibilité aux fournisseurs de technologies de l'eau plus développés de conclure des accords commerciaux et des projets communs avec Mekorot.  Ainsi dès 2009, l’entreprise Aqwise a signé un accord de coopération avec Mekorot pour tester sur le terrain une technologie avancée de traitement biologique des nitrates dans l'eau potable.

 

4. Transports propres

La « Fuel Choices Initiative » est un programme du gouvernement israélien qui vise à promouvoir les carburants et les moyens de transport alternatifs. Il a été lancée en 2011 sous la forme d’une task force interministérielle coordonnée par le bureau du Premier ministre, avec comme objectif de réduire considérablement la dépendance à l'égard du pétrole dans les transports (visée à la fois géopolitique, économique et environnementale). Cette initiative cherche donc à créer un environnement favorable aux entreprises en associant simplification des démarches, soutien à la R&D (objectif de réduire de 60% d’ici 2025 la consommation de pétrole). En 2017, l’initiative a été étendue à l’ensemble des thématiques de la mobilité intelligente dans le cadre d’un plan national visant à faire d’Israël un centre d’excellence mondial sur cette thématique.

 

5. La promotion de l’efficacité énergétique 

Le projet « Empowerment of Environmental Technologies », lancé en 2018, vise à transformer Israël en une puissance technologique environnementale et à renforcer l'industrie israélienne en rationalisant la consommation des ressources. Au total, le gouvernement investira 35 millions de NIS dans des installations technologiques pilotes.

Ce programme comprend la création d’un laboratoire d’innovation dédié. Situé dans la région d’Eilat, il s’adresse aux entreprises qui souhaitent réaliser des projets nécessitant une R&D technologique dans les domaines des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. L'assistance s'effectue par le biais de trois sous-programmes :

Sous-programme initial : Financement et soutien d'activités de R&D appliquée, par le biais d'une coopération entre le monde universitaire et l'industrie. Soutien financier de 66 % des dépenses de R&D pour une période maximale de deux ans. + exemptions d’impôts
Sous-programme avancé : Financement et soutien de projets technologiques d'entreprises en phase de pré-amorçage et d'amorçage. Soutien financier de 60 % ou 85 % des dépenses de R&D approuvées par l'Autorité et financement supplémentaire jusqu'à concurrence de 100 % des dépenses de R&D approuvées par le titulaire de licence du Centre pour une période d'activité maximale de deux ans.
Sous-programme « test » : Financement et soutien de démonstrations et d'expériences dans le domaine des énergies renouvelables, en facilitant les zones d'essais et les infrastructures nécessaires. Soutien financier de 50 % des dépenses de R&D approuvées pour une période d'activité d'une durée maximale de deux ans, sans obligation de paiement de redevances.

Ce centre dispose d’un budget total de 98 millions de NIS pour les projets sur les sept années de la période (soit environ 3,5 M€ par an), de l’assistance de spécialistes du secteur, et d’un haut degré de sélectivité des projets constitue en soi une marque de qualité pour la recherche d’investisseurs privés ensuite. Galit Cohen, Directeur adjoint principal de la planification, de la politique et de la stratégie du ministère de la protection de l'environnement : "Le laboratoire permettra également à l'industrie traditionnelle d'être exposée à des solutions technologiques environnementales innovantes et de les mettre en œuvre afin d'améliorer les performances environnementales en Israël".

Plus largement, le Ministère de l'économie et de l'industrie élabore actuellement un plan national de rationalisation des ressources industrielles visant à inciter l'industrie à utiliser les ressources de manière plus efficace et à traiter les problèmes environnementaux par des innovations technologiques. Les programmes prévus sont :

  • Création d'un centre de recherches sur l'efficacité des ressources dans l’industrie de 51 millions de NIS (initiative conjointe du Ministère de l'économie et de l'industrie, du Ministère de l'environnement et du Ministère des finances)
  • Programme de 5 millions de NIS pour encourager la symbiose industrielle c’est-à-dire l’utilisation des sous-produits et des déchets d'une usine dans les processus de production des autres usines.
  • Enfin le sous-secteur des déchets est probablement amené à se développer sous impulsion gouvernementale dans les années à venir, dans la mesure où le Ministère israélien de la protection de l'environnement a récemment adapté aux normes européennes la réglementation relative à la production d'énergie à partir des déchets municipaux, et constituant la première étape d’une stratégie globale de réduction des déchets.

[2] qui repose sur les chiffres de l’OCDE sur les brevets environnementaux déposés, les données du Cleantech Group sur les volumes invesits en VC dans les technologies propres (CR) et le mombre d’entreprises classées dans le Global Cleantech 100).

[4] OECD (2011), “Policies to Support Eco-innovation in Israel”

[6] http://nocamels.com/2018/01/renewable-energy-negev-solar-power/