Le nouveau port d’Alat, situé à 60 km au sud de Bakou, a été inauguré le 14 mai 2018, soit 8 ans après le lancement de sa construction le 3 novembre 2010, décidée par décret présidentiel. Le 2 mai 2019, le terminal historique de l’International Sea Trade Port de Bakou fermait ses portes, laissant le nouveau port prendre le relais.

 

 

Infrastructures

La conception du port a été assurée par la société néerlandaise Royal Haskoning, et la construction par l’entreprise azerbaïdjanaise Evrascon. Une autorité autonome et dédiée, « Baku Port Authority » chapeaute le projet. Le port possède 12 zones d’amarrage, et permettra de traiter 15 millions de tonnes de fret par an ainsi que 40 à 50 000 EVP[1] de conteneurs. Le port inclut 72 bâtiments, notamment un terminal Ro-Ro[2], un terminal pour le vrac et un pour les conteneurs (7 zones d’amarrage); deux terminaux pour les ferries ; un site de réparations ; des entrepôts et zones logistiques ; mais surtout, un centre de services aux entreprises qui délivrera, en toute autonomie, les documents requis (visas, licences…).

 

Enjeux géopolitiques

Le port d’Alat se situe à la croisée des principales voies de transport du pays. Ce positionnement stratégique en fait un site logistique multimodal routier, naval et ferroviaire. Les trois grands axes ferroviaires du pays convergent vers Alat : à l’ouest, la ligne Bakou-Tbilissi-Kars, au sud la ligne d’Astara en Iran et au nord celle de Samur à la frontière de la Russie. Les axes routiers du pays ont été planifiés sur le même schéma. Avec le développement des ports d’Aktau au Kazakhstan et de Turkmenbashi au Turkménistan s’ouvrent ainsi de bonnes perspectives pour le transport maritime d’est en ouest sur la Caspienne.

Le port bénéficie d’une position avantageuse dans le réseau national de transport, mais aussi dans les projets logistiques continentaux, ce qui devrait mener à une augmentation du transit dans le pays. Le port se situe au cœur du corridor nord-sud qui permet de diviser par 2,5 la distance à parcourir entre l’Inde et la Russie, mais aussi du corridor Lapis Lazuli et du Corridor Transcaspien International, connectant la Chine à l’Europe. 90% du transport routier Chine-EU passe actuellement par l’axe Kazakhstan-Russie-Biélorussie-Pologne, et les projets auxquels l’Azerbaïdjan prend part pourraient constituer une réponse pertinente au désir chinois de diversifier les voies d’écoulement de ses exportations. Alat  vise aussi la montée en puissance de l’Inde dans le commerce mondial avec le corridor nord-sud qui pourrait relier Saint-Pétersbourg à Bombay. Le pays entend bénéficier de la concurrence entre les deux grands projets, alléger sa dépendance aux flux chinois, et connecter les deux grands axes malgré l’obstacle que représente à l’heure actuelle l’Iran.

Le corridor Nord-Sud et le TRACECA, principaux atouts pour le port, se développent cependant assez lentement. Les financements se font rares et de nombreux tronçons, notamment le Rasht-Astara en Iran, n’ont pas encore vu le jour, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques dans la région. Les flux de marchandises restent loin des grandes annonces, et les routes établies sont difficiles à concurrencer.

En 2014, l’ancien port de Bakou traitait surtout du fret Kazakh (28 178 wagons), Tadjik (14 655 wagons) et Turkmène (9311 wagons). On peut s’attendre, en tout cas dans un premier temps, aux mêmes partenaires pour le nouveau port.

 

Zone franche

Le président Aliyev a signé le 17 mars 2016 le décret relatif à la création d’une zone franche sur le site du port d’Alat. Les décideurs affirment avoir Hong Kong pour modèle. La firme DP world, qui a travaillé sur la zone franche Jebel Ali de Dubaï et sur celle du port d’Aktau au Kazakhstan est en charge du projet.

Le décret prévoit l’exemption complète des droits de douane et de toute taxe, la simplification de nombreuses procédures et ne pose aucune limite à la présence étrangère dans la zone. Des mesures pour la protection des investisseurs seront mises en œuvre (interdiction des nationalisations et confiscations notamment). Le développement d’activités pharmaceutiques, manufacturières et d’emballage est annoncé.

En outre, une autorité juridique spéciale de droit anglais, indépendante du système national actuel, est prévue pour le règlement des contentieux dans la zone. Le personnel n’a pas encore été embauché et de nombreux textes restent à rédiger. Selon toute vraisemblance, la zone n’ouvrira pas en 2019.

 

Calendrier

Des élargissements du port sont prévus, et seront lancés en fonction du transit constaté, via des PPP ou BOT. Ils permettront de porter à 25 millions de tonnes la capacité annuelle de fret, et de faire du port d’Alat le plus grand port sur la Caspienne. Ce ne sera sans doute pas pour tout de suite, en effet, l’ancien port de Bakou n’ayant jamais ne serait-ce qu’approché ses pleines capacités on voit mal comment Alat y parviendrait dans un avenir proche.


[1] Equivalent vingt pieds

[2] Roll-on/roll-off