Le secteur bancaire indonésien est dominé par un petit nombre de banques , notamment publiques. Il fait l’objet d’une surveillance rigoureuse de la part des autorités, qui s’appliquent à mettre en œuvre les standards macro-prudentiels internationaux. Un important défi pour le secteur est l’amélioration de l’inclusion financière de la population, ce à quoi peuvent contribuer les fintechs.

Les acteurs du secteur sont nombreux et hétérogènes

Le secteur bancaire indonésien est considéré comme solide malgré une forte hétérogénéité, et constitue 77,7 % des actifs du secteur financier, en légère hausse par rapport à 2017 (77,3%). Le pays compte 115 banques commerciales et 1597 banques rurales. Les actifs du secteur bancaire indonésien croissent à un rythme inférieur à 10% par an depuis 2015 et s’élevaient à 8 050 billions IDR fin 2018, soit environ 570 Mds USD. Ils sont concentrés à 67,3% dans les 10 premières banques du pays et l’ensemble des banques rurales comptabilisent moins de 2% des actifs totaux du secteur. Les quelques 200 banques islamiques jouent un rôle limité dans l’économie (5,8% des actifs du secteur fin 2017) et très inégal selon les régions (part de marché variant de 0,5% dans les petites îles de la Sonde à 34% à Aceh).

L’Autorité des marchés financiers (OJK) souhaite réduire le nombre de petites banques mais celui-ci décroît lentement. Entre 2013 et 2018, leur nombre a diminué de 4% et 2,5% respectivement pour les banques commerciales (-5 établissements) et rurales (-42 établissements). Les plus grandes banques du pays sont des banques publiques : Bank Rakyat Indonesia (BRI, 1ère), Bank Mandiri (2ème), Bank Negara Indonesia (BNI, 4ème) et Bank Tabugan Negara (BTN, 5ème). BCA est la seule banque privée qui s’insère dans le top 5, au 3ème rang. Le ministère des entreprises publiques a entrepris de regrouper les activités des entreprises publiques d’un même secteur en holdings, il envisage ainsi de regrouper les 4 principales banques publiques.

Supervision et risques

Le secteur bancaire indonésien, très touché lors de la crise de 1997-1998, s’est considérablement assainit depuis, sous la supervision stricte des autorités. La Banque centrale avait alors liquidé près de 60 banques auprès desquelles les dépôts n’étaient pas assurés, suscitant ensuite un bank run. Après une profonde restructuration, un cadre réglementaire plus strict a été mis en place par la Banque centrale, l’Agence d’assurance des dépôts (LPS, créée en 2004) et l’Autorité des marchés financiers (OJK, Otoritas Jasa Keuangan crée en 2011). Le pays se conforme aux standards internationaux et a majoritairement obtenu les notes C et LC (Compliant et Largely Compliant, les deux meilleures notes), lors de l’évaluation des réglementations prudentielles domestiques par le comité de Bâle III (Regulatory Consistency Assesment Program, RCAP 2016). Le secteur maintien des ratios prudentiels élevés, avec un ratio d’adéquation en capital de 23,2%, contre un minimum réglementaire de 8%. Une loi sur la résolution des crises financières, dont la préparation avait débuté en 2003, a vu le jour en 2016. Elle fournit un cadre pour le processus de gestion des crises financières, la régulation bancaire et définit le schéma d’intervention de la LPS et de prêteur en dernier ressort de la Banque centrale. Cette loi a notamment pour but de limiter l’intervention de l’Etat dans le sauvetage des institutions financières. Lors de la crise de 1997-1998 il avait dû débourser plus de 50% du PIB afin de secourir les banques (entraînant une hausse de la dette publique de 23 à 71% du PIB) puis en 2008 la recapitalisation de Bank Century (710 M USD) avait provoqué une controverse. Enfin, un comité de stabilité du système financier (KSSK), composé du ministre des finances, de Bank Indonesia, LPS et OJK, se réunit chaque semestre pour assurer un suivi du secteur financier et des risques.

La prudence des acteurs bancaires permet au secteur d’être l’un des plus solides de la région mais limite sa contribution à l’économie. Les banques indonésiennes se sont montrées résilientes à la dégradation des comptes extérieurs du pays en 2018. Alors que la roupie s’est dépréciée de 6,5% et que la Banque Centrale a augmenté ses taux directeurs de 175 points de base, le niveau de prêts non performants est resté stable (2,4% après 2,6% en 2017) et le crédit a continué de croître (+12%). Les banques dégageaient une marge de 5,14% fin 2018 (après 5,3% fin 2017) et le rendement des actifs est passé de 2,45% à 2,55% entre 2017 et 2018. Toutefois, la taille du secteur par rapport au PIB demeure limitée : le ratio de crédit par rapport au PIB était de 36% en 2018, en faible progression depuis 2013 (34,8% du PIB). Le niveau d’inclusion financière de la population est faible avec seulement 48% des adultes possédant un compte auprès d’une institution financière, contre 70% dans la région et 56% dans les PRITI. Les prêts octroyés par les banques sont majoritairement destinés aux grands groupes et moins de 20% d’entre eux sont octroyés à des MPME (7% du PIB). Les deux principaux risques qui pèsent actuellement sur le secteur sont le resserrement de la liquidité et les défauts de crédit. En effet, en 2018, le crédit a connu un regain de dynamisme (+12%) mais les dépôts ont poursuivi leur ralentissement (+7,3%), engendrant une forte hausse du ratio de crédit sur dépôts, à 95% fin 2018 (contre 90% en moyenne entre 2012 et 2017). Enfin, si le niveau de prêts non-performants diminue depuis 2016, le niveau de crédits à risque demeure supérieur à 10% alors que son niveau avant 2013 se situait en moyenne à 7%.

 Financement banques domestiques indonésie
Source : Banque Mondiale, Service Economique de Jakarta

 

L'arrivée des fintech soulève de nouveaux défis

Le secteur bancaire indonésien est confronté à l’essor des fintechs, qui répondent aux différents besoins en services financiers de la population, tout en étant plus accessibles. Elles offrent des moyens de paiement via les portefeuilles électroniques (37 licences de la Banque centrale en mars 2019) comme Go-Pay ou OVO à des portions de la population qui n’ont pas accès au secteur bancaire traditionnel (isolement géographique, activité informelle etc.). Entre 2017 et 2018, la valeur des transactions en e-money a cru de 280% tandis que celle des cartes de paiement traditionnelles a cru de 11%. Les paiements dominent le marché des fintechs (40% des entreprises), suivi du financement (30%) avec les solutions de prêts entre particuliers (peer-to-peer lending, P2P) ou de financement participatif (crowdfunding). Les Indonésiens sont parmi les consommateurs les plus prônes à utiliser les services bancaires en ligne ; une étude de PwC en 2017 révélait que 56% d’entre eux étaient susceptibles d’utiliser ces services dans les 6 mois (la plus grande proportion en Asie après le Myanmar).
Face aux transformations du marché, les principaux acteurs du secteur digitalisent leurs services et réorganisent leur fonctionnement : réduction d’effectifs notamment chez BNI et OCBC NISP, ralentissement de l’expansion du nombre d’agences pour BCA, création d’un portefeuille électronique (LinkAja) commun aux banques publiques qui permet à ses utilisateurs de payer leurs transactions courantes via QR code ou NFC. Les banques forment aussi des partenariats avec les fintechs et investissent dans leur développement. BCA s’est ainsi associée à KlikACC, une plateforme de financement, pour accroître les prêts de la banque aux microentreprises et PME. La banque a aussi créé un fonds de capital-risque pour les startups financières, Central Capital Centura (200 Md IDR, env. 14 M USD) en 2017 à la suite de Mandiri qui a lancé Mandiri Capital Indonesia en 2015 (500 Mds IDR ; environ 35 M USD).

services bancaires numériques asie du sud est

 

La place des banques étrangères

On compte de nombreuses banques étrangères en Indonésie, principalement asiatiques (Maybank, CIMB, DBS, OCBC, HSBC, Bangkok Bank) et quelques banques françaises qui se concentrent sur le corporate banking (les services bancaires à destination des entreprises). La présence de banques étrangères et les investissements étrangers dans les banques indonésiennes sont très réglementés. Pour limiter la prolifération d’acteurs, déjà nombreux, OJK impose aux banques étrangères souhaitant s’implanter dans le pays de racheter une ou des banques existantes. Par ailleurs, depuis 2012, les investissements étrangers dans le secteur bancaire sont limités à 40% (mais OJK peut accorder des dérogations sous condition) et un investisseur ne peut être actionnaire majoritaire que d’une banque (Single Presence Policy). Afin d’encourager la consolidation du secteur et la réduction du nombre de banques, OJK a autorisé les investisseurs étrangers à détenir plus de 40% d’une banque à condition qu’ils achètent deux banques pour les fusionner.

Acteurs secteur bancaire indonésien
Service Economique de Jakarta