L’analyse des investissements croisés entre France et Israël montre un fort déséquilibre, qui se retrouve dans l’écart entre la présence des entreprises françaises en Israël et celle des acteurs israéliens en France. La France demeure de fait peu attractive aux yeux des investisseurs israéliens, même si cette image tend à évoluer de manière positive.

 

Stock d’IDE (M€)

 

2013

 

2014

 

2015

 

2016

 

2017

Français en Israël

2 333

2 413

2 751

2 996

2 892

  Israéliens en France

265

171

171

239

263

Stocks d’investissements directs bilatéraux (origine immédiate). Source : Banque de France, 2018

1. Suivant l’accroissement de la présence des entreprises, les investissements directs français en Israël ont largement progressé

Depuis 2006, les investissements effectués par les sociétés françaises se sont accélérés et ont été multipliés par près de quatre fois. Le stock d’IDE français en Israël s’élève désormais à 2,9 Mds € dont  près de 2 Mds € dans le seul secteur immobilier. D’après la dernière enquête OFATS de l’INSEE, on recensait 104 filiales d’entreprises françaises en Israël en 2015. Elle employaient 5600 personnes et y généraient un chiffre d’affaires proche du Md €.

Initialement présentes à travers des grands groupes représentatifs de nos points forts industriels (Véolia, Alcatel-Lucent, Danone, L’Oréal, Schneider Electric), les entreprises françaises ont développé de nouvelles activités en lien avec les priorités stratégiques du pays en matière de développement d’infrastructures :

  • dans l’énergie : EDF Energies Nouvelles, qui possède une filiale en Israël depuis 2010, occupe une position de leader sur le marché local du photovoltaïque (plus de 320 MW construits ou en projet) ;
  • dans les transports : Alstom, qui a construit la première ligne du tramway de Jérusalem (ligne rouge) et s’occupe de la maintenance d’une partie de la flotte de la compagnie ferroviaire nationale, Thales pour la maintenance de la signalisation du réseau ferré national, ou le groupe d’ingénierie Egis, qui a de missions de conseil auprès de plusieurs autorités, ont ouvert des filiales en Israël. Systra a remporté plusieurs projets de planification à Tel Aviv et Jérusalem.

Les investissements dans d’autres filières industrielles et de services comprennent notamment la création de filiales de la Coface en 2006 et de JC Decaux en 2008 et le rachat de Cibus, leader du marché local des cartes-repas, par Sodexo en 2013. Essilor dispose d’une joint venture avec le kibbutz Shamir pour le développement et la fabrication de lentilles optiques. La présence française s’est également développée à travers certaines franchises et dans la distribution de marques (Célio, L’Occitane, Le Palais des Thés ou De Dietrich, par exemple). Decathlon, implanté depuis août 2017, a ouvert trois magasins et, compte tenu du succès rencontré, projette d’en développer trois nouveaux d’ici 2021.

Les entreprises françaises sont également attirées par l’écosystème d’innovation israélien. Si les investissements dans ce domaine sont trop faibles en montant pour être comparés avec les autres investisseurs étrangers[1], les projets concrets se multiplient, sous différentes formes : rachats de startups israéliennes (ex. : Coloright par L’Oréal, Viaccess-Orca par Orange, CMT par Thales, Blink par Havas), investissement direct ou via des fonds de capital-risque israéliens (ex. Orange, Renault, Engie, Valéo, Airbus), ouverture d’un accélérateur ou laboratoire d’open innovation (STMicroelectronics, Renault) ou partenariat avec des structures locales (ex. : Thales, Airbus, Orange, SNCF, AXA, Alstom pour les principaux), sachant que la majorité des grands groupes français ont désormais a minima une démarche de prospection technologique en Israël.

 

2.  La présence israélienne en France demeure très modeste

Les statistiques de la Banque de France font ainsi état d’un stock d’investissement direct israélien en France de 263 M€, un montant extrêmement faible si on le rapporte au stock global d’investissement direct israélien à l’étranger, qui est de l’ordre de 100 Md USD, avec un flux sortant annuel de 6,2 Md USD en 2017. Selon l’observatoire de Business France, la France serait néanmoins, avec une part de 10%, le quatrième pays cible européen pour les investissements israéliens créateurs d’emplois en Europe en 2017, derrière l’Allemagne (31%), le Royaume-Uni (24%) et l’Espagne (13%)[2].

En l’absence de données fiables sur la présence israélienne en France, le poste a entrepris début 2019 d’établir une cartographie de cette présence, à ce stade non exhaustive, mais dénombrant environ 80 établissements filiales d’entreprises israéliennes sur le territoire[3] (là où la base de données Eurostat en dénombrait 49). Le nombre d’emplois dans l’ensemble de ces filiales est estimé à environ 1500 à fin 2018.

Le principal acteur industriel et employeur israélien en France était Teva, groupe pharmaceutique de taille mondiale, qui, suite à un plan de restructuration lancé en 2018, a fortement réduit ses effectifs internationaux, ramenant le nombre d’emplois en France autour de 350. Delta Galil, principal groupe israélien dans le secteur de l’habillement, a racheté en mai 2018 le fabricant français de sous-vêtements masculins Eminence pour 125 M€, permettant ainsi de sauvegarder plus de 600 emplois. Si la grande majorité des filiales israéliennes sont de petite taille (moins de 20 employés), on dénombre quelques établissements intermédiaires d’acteurs comme Alrov (Hôtel Lutetia), Sasa Holdings (chimie et plasturgie), Frutarom (agro-alimentaire, désormais partie d’un groupe américain) ou encore Varonis et Jfrog (logiciels et services informatiques). 70% des implantations d’acteurs israéliens en France sont concentrées en région parisienne.

De manière générale, l’image de la France auprès des acteurs économiques israéliens tend – de la perception du poste - à s’améliorer, permettant d’appeler leur attention sur les réformes économiques des dernières années et de remettre en cause de manière étayée l’image rémanente d’un pays très règlementé et peu ouvert aux affaires. Ce message reste néanmoins à faire connaître de manière plus large, avec une attention particulière envers le secteur high tech israélien, auprès de qui l’image de la France comme pays d’innovation – portée notamment par la French Tech - mérite d’être mise en valeur à chaque occasion.

 


[1] La France n’est à ce jour pas dans le top 6 des investisseurs étrangers dans la tech israélienne, où l’on trouve en revanche l’Allemagne et le Royaume-Uni.

[2] Notons que ces chiffres ne correspondent aucunement aux statistiques israéliennes publiées par le bureau central des statistiques, qui ne tiennent pas compte de la destination ultime des flux financiers et pour lesquels les principales destinations des investissements sortants israéliens en Europe seraient les Pays-Bas (à 75%) puis Jersey…