Une conjoncture économique globale marquée par une nette reprise depuis mi-2016

Quasiment à l’arrêt, lors de l’exercice 2015/16 (croissance de 0,5%, après avoir déjà ralenti de 5,7% à 3% lors de l’exercice précédent) suite au contrecoup des violents tremblements de terre du printemps 2015 et de la fermeture (pendant plusieurs mois) de la frontière avec l’Inde, l’économie népalaise connaît un net regain depuis la mi-2016. Elle affiche ainsi, à prix constants, une croissance de 7,9% sur l’exercice mi-juillet 2016-mi-juillet 2017, un pic depuis le dernier recalibrage des séries de comptes nationaux en 2000/01 (4,1% en moyenne sur la période 2000-2016). Au cours de l'exercice juillet 2017-juillet 2018, elle a connu un essor de 6,3%.

L’expansion économique est tirée au Népal par la consommation privée et publique. Du côté de l’offre, les performances en g.a. des secteurs agricole (28,2% du PIB en 2017/18), industriel (14,2% du PIB en 2017/18) et des services (57,6% du PIB en 2017/18) ont été moins bonnes en 2017/18, mais liées en grande partie à la combinaison d’effets de base positifs entre les exercices 2015/16 et 2016/17. Toutefois, les besoins toujours conséquents de reconstruction après les séismes de 2015 continuent de dynamiser le secteur manufacturier (+8%) qui bénéficie également d’un accès à l’électricité renforcé (+10,5%) par l'entrée en service de nouvelles centrales hydroélectriques et d’une pluviométrie supérieure aux normes de saison. La croissance du secteur de la construction (+10,6%) reste aussi très soutenue, portée par des besoins d’infrastructure considérables[1] et par une recrudescence d’achats de biens d’équipements liés à la mise en place d’un système fédéral. Le secteur tertiaire reste tributaire de l’orientation du commerce intérieur, sous l’effet des transferts des migrants et du dynamisme du secteur touristique.

Du côté de la demande, la consommation élevée, induite par les envois de fonds, a dominé les dépenses au cours de l'exercice 2018. Les investissements fixes ont augmenté de 15,7%, grâce à la hausse des investissements privés dans les secteurs de la fabrication, de l’énergie et du tourisme. La forte croissance dans la construction a entraîné une hausse des importations de matières premières et de biens d'équipement, creusant le déficit commercial en 2018. De même, les dépenses publiques, à l’aune des élections générales de 2018, ont aussi soutenu la demande intérieure.

S’agissant des perspectives pour l’exercice en cours, on notera que la Banque asiatique de développement a révisé sa prévision de croissance pour le Népal à 6,2%. Sauf intempérie majeure, le secteur agricole devrait croitre de 4,5%, porté par une augmentation de la production de riz (+8,4% en g.a) et de maïs (+1,8% en g.a). Le secteur industriel devrait afficher la plus importante progression (+7,1%) à la faveur d’un meilleur approvisionnement en électricité et d’un contexte politique apaisé, positif pour le climat des affaires[2]. Enfin, la croissance des services atteindrait 6,4%, soutenue par le développement du commerce de gros et de détail, de l'hôtellerie et de la restauration, et de l'intermédiation financière.

La politique budgétaire expansionniste influence de manière négative les comptes publics

La hausse des investissements publics a eu un impact significatif sur le déficit public qui a doublé entre 2016/17 et 2017/18, qui est passé de 82 Mds roupies (environ 772 M$, 3,2% du PIB) à 196 Mds roupies (1,9 Md$ et 6,7% du PIB). Les recettes ont augmenté en g.a de 18,9% pour s’établir à 767 Mds roupies (soit 25,5% du PIB). Les ¾ de ces recettes sont générées par la fiscalité indirecte - dont le recouvrement est facilité par le poids considérable des importations dans l’économie népalaise – ainsi que l’amélioration du système fiscal[3]. Les importations seraient au total, sous forme directe (droits de douane) ou indirecte (accises, TVA), à l’origine de près des 2/5ème de l’ensemble des recettes. La fiscalité des revenus personnels ou sociaux, moins dynamique, repose sur une assiette fiscale de moins d’un million de contribuables, pour un pays d’environ 30 M d’habitants[4].

Les dépenses ont quant à elles augmenté de 32,5% en g.a pour s’établir à 963 Mds roupies (soit 32% du PIB). En dépit de problèmes récurrents de sous-réalisation des dépenses, qui nuisent à une exécution budgétaire satisfaisante, les investissements ont augmenté de 28% en glissement annuel pour atteindre 267 Mds roupies et 8,9% du PIB. Les dépenses courantes ont été stimulées par les transferts budgétaires vers les collectivités territoriales et les dépenses électorales qui représentent à eux-seuls 8% du PIB. La Banque mondiale, qui s’est engagée à soutenir la transition vers le fédéralisme budgétaire, estime au total le coût de ce processus susceptible d’atteindre jusqu’à 4% du PIB à l’horizon 2021 (respectivement 2,5% et 3,6% sur les exercices 2018/19 et 2019/20).

La soutenabilité des finances publiques népalaises n’est pas pour autant remise en question. L'endettement public, qui s’est réduit de 38,5% à 30,4% du PIB entre 2009 et 2018, est constitué aux 4/5èmes par des passifs concessionnels (à près de 90% multilatéraux, dont surtout BAsD et Banque mondiale) ; la part résiduelle est entièrement financée par les résidents. La charge de la dette, estimée à hauteur de 260 M$ dans le budget 2018/19, ne représenterait ainsi, au total, que 2% des dépenses et 0,8% du PIB. L'exécution intégrale du budget de l'exercice financier 2018/19 porterait le déficit à 8% du PIB.

Nette dégradation des comptes externes malgré le dynamisme des transferts des expatriés

L’activité soutenue de reconstruction, entamée depuis 2015, a eu un impact significatif sur la balance commerciale népalaise. La structure des échanges extérieurs révèle des déséquilibres structurels importants, notamment l’absence d’un secteur exportateur compétitif dans un contexte de dépendance de l’étranger[5] pour une large part de sa consommation. La balance commerciale népalaise, déjà en territoire négatif lors de l’exercice 2016/17 (-8,4 Mds$ soit 33,9% du PIB) a vu son déficit se creuser en 2017/18 pour atteindre 10,9 Mds$ (soit 37,7% du PIB et un ratio de couverture des exportations de biens à 7,6%). Selon la Banque centrale du Népal, les importations de biens ont augmenté en g.a de 25,6% pour s’établir en 2017/18 à 1227,9 Mds roupies (40,8% du PIB contre 37% un an plus tôt) portées par une demande accrue en produits pétroliers (+42% en g.a) et non pétroliers (+23,2% en g.a).

Les transferts des expatriés ont augmenté de 10,5% en g.a à 755,1 Mds roupies (soit 7,2 mds$ et 25,1% du PIB en 2017/18). Ce rebond s’explique potentiellement par le redémarrage des économies du Golfe, qui emploient un nombre élevé de migrants népalais, mais aussi par le dynamisme de l’économie indienne. Malgré cela, le solde de la balance des transactions courantes s’est très largement dégradé pour atteindre 2,3 Mds$ soit 8,2% du PIB, contre un quasi équilibre lors de l’exercice précédent (déficit de 100 M$ équivalent à -0,1% du PIB). Cette dégradation de la position extérieure tient aussi à la faiblesse des entrées de capitaux, qui ne représentent (source FMI), que 0,6% du PIB en 2017/18 (0,3% du PIB un an auparavant), tandis que les investissements de portefeuille sont quant à eux inexistants. Les autorités népalaises disposent toutefois d’une marge de manœuvre pour pallier à tout choc externe avec des réserves évaluées à 9,3 Mds$, soit 7,2 mois d’importations de biens et de services. Cette situation appelle quand même vigilance puisque la référence de modélisation du FMI (External balance assesment) indique cette soutenabilité comme « légèrement en deçà du niveau optimal ».

De la même façon, le FMI a récemment mis en exergue les risques liés au dynamisme du cycle de crédit : les encours de crédit, déjà en accélération sur l’exercice 2017/18 (+24,9%), demeurent en effet dynamiques sur l’exercice actuel et pose des risques quant à la stabilité financière du pays. Selon la Banque centrale, cette dynamique de croissance serait marquée par la hausse des prêts vis-à-vis du secteur privé (+ 22% à 218 Mds NRP), soit 70% des encours de crédit des banques commerciales.


[1] Selon la Banque mondiale, 8 à 12% du PIB devraient être investis chaque année dans les infrastructures afin de combler le retard du pays.

[2] La promulgation de la loi de 2019 sur les investissements étrangers et le transfert de techonologie, la loi de 2019 sur les partenariats public-privé et les investissements et la modification de la loi de 2016 sur les zones économiques spéciales vont probablement renforcer la confiance des entreprises et soutenir la croissance de l'investissement étranger dans tous les secteurs.

[3] Annulation de la disposition sur le remboursement direct de la TVA, hausse des droits d'accise sur les produits à base d'alcool, de cigarettes et de tabac et modifications des tranches existantes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 15% et 25% à 10%, 20% et 30%.

[4] C’est un des enjeux majeurs de la transition vers le fédéralisme. En effet, si la responsabilité des dépenses a été décentralisée, la mobilisation des recettes incombe toujours au gouvernement national, qui collecte les principales sources de revenus (IR, TVA et droits de douane et d’accise) pour financer les transferts intergouvernementaux aux administrations infranationales pour couvrir leurs dépenses.

[5] En particulier l’Inde et la Chine qui sont les principaux fournisseurs du Népal avec respectivement 67,1 et 10,7% du total des importations népalaises en 2018.