Situation Economique et Financière du Salvador

Description de la structure de l’économie

Taille de l’économie : Avec un Produit Intérieur Brut (PIB) de 26 Mds USD en 2018 (FMI), le Salvador est la 4ème économie d’Amérique Centrale.

Degré d’ouverture : Le degré d’ouverture de l’économie[1] se situe à 36% du PIB, en légère baisse (40% en 2013). Le Salvador est entré dans le GATT en 1991, et est membre fondateur du Marché Commun Centraméricain (MCCA – Costa Rica, Guatemala, Honduras et Nicaragua). Le Salvador a des accords de libre-échange avec la République Dominicaine (1998), le Chili (1999), le Panama (2002), les États-Unis (2004), Taïwan (2007), la Colombie (2007), le Mexique (2011) et l’Union Européenne (2012). Un accord commercial avec la Corée du Sud a été signé en février 2018, mais n’est pas encore entré en vigueur. Le Salvador fait partie des 49 pays observateurs de l’Alliance du Pacifique depuis mai 2013. Le Salvador vient de rompre ses relations diplomatiques avec Taiwan et d’initier des relations avec la Chine (août  2018), avec laquelle il devrait prochainement négocier un traité de libre-échange.   

 

Niveau de développement : Le PIB par habitant s’élève à 3 923 USD en 2018, soit une progression de 15% sur la dernière décennie en termes réels. L’Indice de Développement Humain (IDH) du Salvador s’élève à 0,674 en 2018 (PNUD), ce qui le classe 121ème sur 189 pays. Le taux de pauvreté reste par ailleurs très élevé (30%). Le pays souffre de dysfonctionnements structurels tels que la faiblesse des institutions, un niveau d’éducation faible, l’insécurité physique et juridique.

Avantages comparatifs et structure de l’économie : le secteur agricole représente 10,6% du PIB, l’industrie 24,6% et les services 64,9%. Depuis 2015, la contribution de l’agriculture au PIB est restée relativement stable, tandis que les services ont gagné du terrain sur l’industrie. La consommation représente 88,5% du PIB et les investissements 16,5%.

Performances sur le long terme : Depuis 2014, la croissance stagne entre 2,3% et 2,5%. Le FMI prévoit une croissance de 2,5% en 2019 et 2,3% en 2020, soit la croissance la plus faible de la région, à l’exception du Nicaragua.

Place du secteur privé : le Salvador possède une économie ouverte de marché. Le secteur privé représente l’essentiel de l’investissement (formation brute de capital fixe - 16,5% du PIB en 2018 : 14,2% pour l’investissement privé contre 2,3% du PIB pour l’investissement public) même si cet investissement reste faible au regard de la liquidité du secteur bancaire. Le secteur privé a la réputation d’investir davantage dans les pays voisins que dans son propre pays. L’investissement privé au Salvador est le plus faible de la région. Le manque d’infrastructures ou encore les failles en termes de qualité du système d’éducation ralentissent le secteur privé.

Eléments d’analyse conjoncturelle

Performance récente de la croissance : l’économie salvadorienne a crû de 2,5% en 2018, soit 0,25 point de plus que son potentiel estimé (FMI). L’activité a été particulièrement soutenue au 1er semestre 2018, avec une croissance du PIB de 2,8% (g.a.), alimentée par les envois de remesas et une augmentation des dépenses d’investissement public en période préélectorale. Au S2, la demande intérieure est restée forte, mais l’économie a ralenti en raison de la stagnation des exportations et de la faiblesse de la production agricole due à la sécheresse. Le FMI prévoit une croissance de 2,5% en 2019.

Moteurs de la croissance (consommation, investissement, commerce extérieur) : La demande est principalement portée par la consommation des ménages, qui demeure solide grâce à l’augmentation des flux de transferts de migrants (remesas qui ont représenté 5,7% du PIB et en croissance de 5,9% g.a. au T1 2019), du crédit aux ménages (+4% g.a. en juin 2018, et progression régulière depuis 2015) et du faible niveau d’inflation (0,8% g.a. en avril 2019). La croissance du pays est, par ailleurs, étroitement liée à la conjoncture nord-américaine : 43% des exportations sont destinées aux Etats-Unis, d’où proviennent près de 30 % des IDE, et 97,2 % des transferts des migrants (2,5 millions de personnes soit 50% de la population du pays, environ 20 % du PIB) proviennent des États-Unis.

Situation du commerce extérieur : L’amélioration continue du solde du compte courant du Salvador depuis 2014 s’est inversée en 2018. Le déficit s'est creusé pour atteindre 4,8% du PIB en 2018 (contre 1,9% en 2017), en raison du fort ralentissement des exportations et de la hausse généralisée des importations, notamment des importations de pétrole en raison de la hausse des cours mondiaux. La stagnation des exportations est due à la baisse des prix du café et du sucre, à la perturbation du commerce régional due aux troubles au Nicaragua et au ralentissement des exportations de textiles et de vêtements (le principal secteur d'exportation). La hausse des remesas s'est poursuivie, ce qui a en partie compensé la détérioration de la balance commerciale.

Flux d’IDE : les IDE se situent autour de 3,2% du PIB (2018, FMI), en baisse par rapport à 2017 (3,6%). Les flux nets ont atteint 840 M USD sur l’année. Ces IDE sont ventilés de la manière suivante : 69% pour l’industrie (notamment textile, boisson et réparation/maintenance d’avions), 12,3% pour le commerce, 9,3% pour les services et 8,9% pour le secteur énergétique. Ces IDE proviennent majoritairement des Etats-Unis (39,9%), suivis par le Panama (21,8%).

Dépendance aux financements externes : La dette externe a atteint 34,6% du PIB en 2018. Le pays reste très dépendant des transferts des migrants, qui ont atteint un niveau record de 5,4 Mds USD en 2018 (20,7% du PIB). Ils continuent d’augmenter début 2019, mais à un taux plus proche de la moyenne à long terme. L’économie du pays est dollarisée à 100%. Le Salvador bénéficie également d’importants financements externes de la part des Etats-Unis (représentant près de la moitié des financements externes totaux) à travers des programmes comme l’alliance pour la prospérité du Triangle Nord.

Politique économique

Policy mix : le Salvador est une économie complétement dollarisée depuis 2001, et n’a donc pas de levier monétaire pour piloter l’économie. La marge de manœuvre budgétaire est faible, avec un niveau de recettes fiscales de seulement 18% du PIB en 2017. L'excédent budgétaire primaire a cependant atteint environ 1% du PIB en 2018. Les recettes fiscales ont augmenté en raison de mesures fiscales ponctuelles, notamment un abattement fiscal et une taxe sur les transactions financières. La réforme des retraites a généré une économie d'environ 0,8% du PIB en 2018. Toutefois, le solde primaire n'a pas suffi à compenser la hausse des taux d'intérêt et le déficit global s'est légèrement détérioré jusqu'à 2,7% du PIB.

Pro ou contra cyclicité de la politique budgétaire : Après s’être retrouvé en situation de défaut de paiement en avril 2017, le pays a adopté une stratégie de mise en place d’un ajustement fiscal graduel grâce à une réforme fiscale et à une réforme du système de pensions. La tendance est au maintien d’un surplus fiscal et à un contrôle des dépenses.

Inflation et politique monétaire/ de change : si la dollarisation complète de l’économie a permis de maintenir une inflation sous contrôle, elle grève la croissance du pays par une perte de compétitivité des exportations. L’appréciation du dollar a entraîné une baisse importante de l’inflation. L’inflation globale est tombée à 0,4% en février 2019, en raison de la chute des prix du pétrole fin 2018. Les réserves internationales ont augmenté de 2 millions USD, pour s’établir à environ 3,6 milliards USD. Bien que les réserves couvrent suffisamment les importations et la dette à court terme, elles restent en deçà du niveau approprié déterminé par l’indicateur Assessing the Reserve Adequacy (ARA) du FMI.

Dette externe/publique : la dette publique a atteint 69,8% du PIB en 2018. La dynamique de la dette continue d’être défavorable, les taux d’emprunt restant supérieurs au taux de croissance nominal, et les besoins de financement à moyen terme restant importants. La loi sur la responsabilité financière (LRF), votée en décembre 2018, prévoit une période d’ajustement budgétaire de 5 ans, conformément aux recommandations du FMI. La loi fixe notamment l’objectif de ramener la dette (hors retraites) à 50% du PIB en 2022 et fixe un plafond maximum pour les dépenses courantes à 14 % du PIB à la même échéance.

Secteur bancaire

Taille du secteur et structure : le système bancaire salvadorien est largement dominé par les banques étrangères (95%) et notamment colombiennes (55%), et est extrêmement liquide (le coefficient de liquidité est passée de 28,5% en septembre 2014 à 34,5% fin 2017). Il est fortement capitalisé (ratio d'adéquation des fonds propres du secteur à 16,6% en 2017, bien supérieur au niveau réglementaire de 12%). La rentabilité est bonne (ROE de 7,1% et ROA de 0,9%) et le taux de créances douteuses est faible (2%). Le secteur est marqué par une concentration importante : quatre banques regroupent à elles seules plus de 60% des actifs (les trois plus grandes étant Agricola, Davidienda et Citibank). La structure des prêts se répartit de la façon suivante : 35% à la consommation, 23,5% au commerce, et 20% au logement. 45,5% des crédits sont à destination des entreprises. Le Gouvernement a passé, en 2017, une loi sur l’inclusion financière. On peut souligner l’entrée en opération d’une banque de capital salvadorien, Banco Azul, en 2016 (à ce jour la seule banque privée salvadorienne) et l’approbation récente de l’entrée en opération du groupe Atlantida (Honduras).

Dollarisation et évolution des crédits : La croissance du crédit a atteint 6,4% en 2018 avec des crédits diversifiés. Le secteur manufacturier reste cependant l’un des principaux récepteurs du crédit au secteur privé.

Mesures de soutien et réformes en matière de supervision : Le FMI recommande la poursuite des efforts entrepris pour améliorer la supervision bancaire et l’inclusion financière. Sur ce dernier point, le pays a progressé mais l’inclusion financière demeure faible, notamment en comparaison avec les autres pays de la région : le nombre de titulaires de comptes bancaires a doublé, passant de 14% en 2011 à 30% en 2017 (vs. 44% en moyenne dans la région).

Perspectives et réformes structurelles

Stratégie et modèle de croissance : le modèle du développement du pays est basé sur les transferts des migrants, ce qui pose une question de soutenabilité, d’autant que la durée moyenne de l’envoi des remesas par un émigré salvadorien est de seulement 3,7 années après son émigration selon une étude réalisée par l’Organisation internationale pour les migrations. Etroitement lié à la conjoncture nord-américaine, le pays est également soumis au risque de catastrophes naturelles et est vulnérable à la volatilité des prix des matières premières. Le nouveau Président et son Gouvernement prennent leur fonction le 1er juin.    

Climat des affaires : Le pays est classé 85e/190 au classement Doing Business 2019, perdant ainsi 12 places par rapport au classement 2018. Le Salvador est, avec le Honduras, considéré comme l’un des pays les plus violents hors pays en guerre, en raison notamment des maras (gangs armés).  Des tensions existent entre le gouvernement et le secteur privé. Par ailleurs, des risques externes interagissent avec des faiblesses internes : (i) la normalisation de la politique monétaire américaine pourrait affecter négativement l’économie du fait de la dollarisation complète et de la croissance déjà faible ; (ii) les finances publiques sont sous pression, et l’investissement s’établit à un niveau très faible.

Forces et faiblesses structurelles (R&D, marché du travail, concurrence, corruption, éducation…) : la principale force du Salvador reste la solidité de son secteur bancaire, fortement liquide et capitalisé. La dollarisation de l’économie, que les autorités ont l’intention de maintenir, évite par ailleurs les risques de change. En revanche, le Salvador présente d’importants éléments de sous-développement : faiblesse des institutions, niveau d’éducation très faible (6 ans de scolarisation en moyenne), insécurité physique et juridique (dont le coût estimé pour le secteur privé approche 11% du PIB), corruption (l’Indice de Perception de la Corruption classe le Salvador à la 112ème place sur 180 pays en 2017) et persistance d’un taux de pauvreté élevé. Enfin, l’économie reste très vulnérable aux facteurs externes.



[1] ((X+M)/2)/Y, avec X – les exportations, M – les importations, et Y – le PIB.