La politique d’attractivité israélienne vise principalement à amplifier l’atout principal du pays qu’est son dynamisme dans le secteur des hautes technologies. Les mesures en vigueur visent notamment à favoriser l’investissement de multinationales étrangères dans des capacités de R&D et semblent à cet égard rencontrer un certain succès. Dans les autres secteurs de l’économie, plus régulés et concentrés que dans la plupart des membres de l’OCDE, Israël peine à faire entrer de nouveaux concurrents.

1. L’attractivité du territoire israélien repose avant tout sur son dynamisme économique et son avantage comparatif en matière d’écosystème innovant

En dehors des mesures spécifiquement ciblées pour attirer les investisseurs internationaux (développées en II), Israël constitue une destination intéressante pour ces derniers en raison de ses performances économiques.

Des indicateurs macroéconomiques favorables :

  • 3,3% de croissance économique annuelle en moyenne depuis 2000, bien au-dessus du reste de l’OCDE, une prévision à 3,5% pour 2019 et 3,3% pour 2020 ;
  • Une situation de plein emploi (taux de chômage à 4,1% en février 2019) avec une inflation maîtrisée (+0,9% en 2018) ;
  • Un Etat aux capacités financières solides, en déficit régulier (3% de PIB en 2018 et 2019) mais dont l’endettement, désormais stable autour de 62% du PIB depuis 2016, a régulièrement décru depuis les années 1990.

Une place reconnue en matière d’innovation :

  • Une main d’œuvre qualifiée, grâce aux centres universitaires d’Israël (Technion, notamment) ;
  • Des moyens importants consacrés à la R&D (1ère place mondiale avec 4,25% du PIB);
  • Une culture entrepreneuriale et un environnement favorable (cf mesures incitatives en II).

 Cependant, le classement Doing Business de la banque mondiale ne classe Israël qu’à la 49e position (contre 32e pour la France)[1], ce qui semble refléter la dualité de l’économie entre un secteur high tech  très dynamique et attractif et, par ailleurs, des secteurs « traditionnels » sous-productifs et sur-règlementés. Israël attire néanmoins chaque année un flux entrant d’investissement direct de 12 Md$ (soit presque deux fois plus que la France en proportion du PIB), avec un pic à 18 Md$ en 2017.

2. Le gouvernement israélien a mis en place de longue date une politique d’attractivité, continuellement réformée pour s’adapter aux besoins de l’économie

La politique d’attractivité d’Israël repose sur deux piliers principaux : les mesures incitatives pour la R&D et les mesures incitatives pour l’investissement.

  • Le soutien à la R&D

Le principal opérateur public sur ce volet est l’Autorité de l’innovation (IIA).  Celui-ci met en œuvre de nombreux financements publics à destination de projets innovants (start-ups, innovation labs…). La plupart des dispositifs est réservée aux entreprises israéliennes, sauf le soutien aux investissements en R&D visant à développer des substituts au pétrole. Certaines mesures ont néanmoins une dimension explicite d’attractivité, en visant les acteurs étrangers :

  • Les traités bilatéraux de recherche, fonds bilatéraux[2], et fonds de coopération européenne gérés par la division « International Collaboration » de l’IIA ;
  • Le « visa innovation » permettant aux entrepreneurs étrangers de travailler en Israël pendant deux ans (introduit en 2017) ;
  • Le programme « MNC » (multinational companies) : l’IIA finance entre 20 et 50% d’un projet de R&D d’une entreprise israélienne qui s’adosse à une firme internationale ;
  • Les programmes parallèles de soutien (soutiens financiers au cas par cas pour des projets entre des acteurs étrangers et des entreprises israéliennes).
  • Le soutien aux investissements

Cette politique repose sur la « loi pour l’encouragement de l’investissement en capital » de 1959, régulièrement amendée, parfois via les « lois pour les arrangements économiques », adossées aux lois de finances annuelles. Les dispositifs de soutien ont été complètement refondés par les amendements 60 (2005) et 68 (2010). Depuis lors, ceux-ci sont regroupés en deux catégories :

  • Les programmes de subventions :

Ce dispositif permet le financement, jusqu’à 20%, d’un investissement en capital fixe. L’entreprise bénéficiaire peut être israélienne ou étrangère, mais doit appartenir au secteur industriel, et avoir des capacités d’exportation (25% du CA).

  • Les avantages fiscaux :

Les avantages fiscaux prennent la forme d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés (5% dans le cas le plus favorable, pour un taux normal de 23%[3]), un taux réduit d’impôt sur les dividendes reçus de l’étranger (20% au lieu de 23%) ou distribués à des actionnaires étrangers (4%) et un amortissement accéléré.Ces avantages sont liés à 4 statuts : « priority enterprise », « preferred priority enterprise », « technological enterprise », « preferred technological enterprise »[4]. Ces statuts peuvent être accordés à des entreprises israéliennes comme étrangères. Ils sont fonction de critères d’éligibilité : secteur d’activité (industrie pour « priority enterprise », innovation pour « technological enterprise »), de taille (CA du groupe supérieur à 2,5Md€ pour tout statut « preferred »). Les avantages sont bonifiés (ou plus facilement accessibles) quand les investissements concernent des zones A de priorité nationale[5] (Galilée du Nord, Golan, désert du Néguev, Jérusalem). Certains avantages fiscaux ciblent aussi la R&D (déductibilité des dépenses de R&D, taux réduits de l’ « innovation box[6] »).

 

Autres mesures de soutien à l’investissement

  • L’exemption d’impôt sur les revenus issus d’obligations d’entreprises cotées à la Bourse de Tel Aviv pour les investisseurs étrangers vise à encourager l’investissement financier ; 

Une pluralité de mesures favorisant l’emploi de populations ciblées (personnes d’origine éthiopienne, personnes handicapées, salaires élevés ou ingénieurs cyber dans certaines zones prioritaires) ne sont pas particulièrement à destination des entreprises étrangères mais celles-ci peuvent en bénéficier et ainsi obtenir un soutien à leur investissement.

 

3. Quelles directions pour la politique d’attractivité d’Israël ?

L’étude de l’OCDE sur les dispositifs de soutien aux investissements en Israël, en 2009, fait mention de bilans réguliers quant à l’efficience et à la pertinence des différents instruments. Ces bilans ne sont cependant pas publics. Les amendements de la « loi pour l’encouragement de l’investissement en capital » montrent les évolutions suivantes :

  • La politique de soutien à l’investissement reste concentrée sur l’avantage comparatif d’Israël, l’innovation : la politique de soutien à la R&D est massive et l’amendement de 2016 renforce cette accentuation concernant les avantages fiscaux ;
  • La politique vise moins à attirer des capitaux étrangers en Israël qu’à développer certaines régions du pays, grâce à des capitaux israéliens ou étrangers. Un dispositif antérieur à 2011 (« approved enterprise » et « benefitted enterprise »), qui prévoyait une dégressivité du taux d’impôt sur les sociétés en fonction du taux d’actionnariat étranger, a par exemple été supprimé.

La politique de soutien à l’investissement est parfois critiquée du fait de son coût pour les finances publiques. En 2012, la Knesset a adopté une loi sur les « trapped profits »[7], permettant aux entreprises qui avaient retenu des bénéfices (pour ne pas payer d’impôt sur ceux-ci) de les distribuer, en bénéficiant d’un taux d’imposition réduit, à condition d’effectuer certains investissements en Israël. Cette mesure, ponctuelle, avait été perçue comme un cadeau fait aux grandes entreprises pour éponger le déficit public (l’incitation a permis de percevoir 3 milliards de shekels en impôt).

La politique d’attractivité israélienne contribue à renforcer la dualité de l’économie du pays, en attirant les capitaux étrangers dans le secteur déjà compétitif de l’innovation, et en délaissant les secteurs traditionnels. Ses récentes mutations tentent de résorber les fractures géographiques mais pas sectorielles. L’étude « PMR » (product market regulation) de l’OCDE de 2013 (dernière édition) attribuait à Israël un score de 2,15, bien plus élevé (donc bien plus réglementé) que les autres économies avancées (1,59 pour les Etats-Unis, 1,47 pour la France, 1,41 pour le Japon). L’étude met en avant un poids important des entreprises publiques et un niveau élevé de démarches administratives. L’économie traditionnelle, moins ouverte, décroche en productivité par rapport au reste de l’OCDE. L’agriculture reste très protégée par une politique protectionniste. L’étude de l’OCDE sur l’économie israélienne (2018) recommande de remplacer cette dernière par une politique de soutien direct aux agriculteurs et de réduire les barrières administratives au commerce de bien (procédures douanières) comme les démarches diverses ralentissant l’activité économique (délais pour obtenir un permis de construire ou pour payer ses impôts). Si la séparation entre banques et sociétés de cartes de crédit permettra d’accroître la concurrence dans le secteur bancaire, la concurrence est jugée insuffisante dans le secteur des télécommunications, de la construction, des postes.

  La question plus globale de l’ouverture de l’économie israélienne aux investissements étrangers a resurgi à l’occasion d’investissements chinois jugés sensibles (au port de Haïfa, notamment[8]). Les Israéliens sont conscients de leur dépendance au financement étranger mais sont plus sensibles à la protection de leurs intérêts nationaux et de leur propriété intellectuelle. Sous la pression américaine, le gouvernement israélien envisage d’établir une commission interministérielle afin de surveiller les investissements étrangers jugés stratégiques, sur le modèle du CFIUS américain (Committee on Foreign Investment in the United States). Le projet est en cours d’élaboration et devrait être, d’après le Ministère des affaires étrangères israélien, achevé par le prochain gouvernement.

On note enfin qu’Israël continue de bénéficier d’exceptions dans le cadre de l’accord général sur les marchés publics de l’OMC, lui permettant d’exiger, de la part d’entreprises étrangères, des compensations à l’octroi de grands contrats. Israël use encore pleinement de cette faculté dans plusieurs secteurs, notamment les transports. Le cadre prévoit que ces compensations peuvent notamment prendre la forme d’investissements dans le secteur de l’innovation israélien et encourage ce choix via un système de multiplicateurs.

 


[1] Avec des scores très hétérogènes (23e pour la protection des investisseurs, 29e pour la résolution de l’insolvabilité mais 90e pour l’exécution des contrats).

[2] Avec les Etats-Unis, le Canda, la Corée du Sud et Singapour.

[3] Le taux d’impôt sur les sociétés a par ailleurs suivi une évolution contribution à l’attractivité du pays, passant de 36% en 2003 à 26,5% en 2016, avant une diminution régulière jusqu’à 23% depuis 2018.

[4] Ces deux derniers dispositifs ont été ajoutés par un amendement de décembre 2016.

[5] La carte des zones prioritaires a été revue en avril 2018 pour la période 2018-2021.

[6] Cette mesure consiste notamment à octroyer à un groupe réalisant un CA mondial supérieur à 2,5 Md$ et disposant d’activités de R&D en Israël de bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit (6%) sur la production de propriété intellectuelle. Elle vise à assurer l’attractivité d’Israël pour la R&D dans l’optique d’une généralisation de BEPS.

[7] Amendement 69 de la « loi pour l’encouragement de l’investissement en capital »

[8] Cf la note diplomatique ND-2019-0241021