L’exploitation des matières premières et du pétrole a été une source de richesses pour l’Afrique centrale. Mais les revenus sont mal partagés et leur poids est tel qu’ils ont accentué la vulnérabilité des pays aux chocs extérieurs. Ce constat a poussé l’ensemble des acteurs à formuler de nouveaux objectifs de développement pour diversifier les économies de la région. Après quelques années d’effort, le bilan n’est pas nul, mais il n’est pas très encourageant non plus. C’est qu’orienter les politiques publiques vers certains secteurs d’activité ne remplace pas l’investissement privé nécessaire pour mobiliser les ressources humaines du pays.

Or sur ce terrain, on peut faire deux constats : d’une part les flux d’IDE vers l’Afrique ont augmenté – pas encore au niveau des flux dirigés vers l’Asie ou même vers l’Amérique latine, mais de manière sensible. L’Afrique de l’Ouest a reçu plus d’un quart du total des dix dernières années, en progression très forte par rapport à la décennie précédente. La performance de l’Afrique centrale est moins bonne – deux fois et demie moins bonne, si on compare les volumes d’IDE dans les deux régions. On imagine sans mal ce qu’auraient pu représenter les 80 milliards de dollars qui séparent les deux montants : des usines, des infrastructures, des rentrées de capitaux qui auraient relâché les tensions sur les balances des paiements, de la croissance, des emplois. Difficile d’attribuer le retard qui se creuse à une quelconque « malédiction des matières premières », il y a du pétrole, du gaz et des minerais en Afrique de l’Ouest également. En s’arrêtant un instant à la situation du Cameroun, qui a de meilleures performances que ses voisins sur ce terrain, on sent plutôt une sorte de réticence, d’hésitation à agir : en 2013, le gouvernement avait identifié une série de projets prioritaires, des investisseurs se sont manifestés. Six ans plus tard, le port de Kribi est la seule réalisation concrète. Un autre exemple encore : le traité qui institue la Zone économique de libre échange africain vient d’entrer en vigueur. Tous les pays d’Afrique centrale l’ont signé, mais deux seulement l’ont ratifié. La ratification est annoncée au Cameroun pour juillet prochain. A l’échelle des traités commerciaux, dont la mise en œuvre s’étale sur de nombreuses années, ce n’est pas un retard considérable. A l’échelle des décisions des investisseurs, pour qui l’adhésion à une zone économique panafricaine est un atout important, ce peut être déterminant.

L’autre remarque concerne les PME : pour que l’effort de diversification soit efficace, il faudrait que les petites entreprises, qui forment l’essentiel du tissu économique et de l’emploi, puissent se développer dans le secteur formel. Dans ce domaine également les résultats ne sont pas suffisants. Le climat des affaires n’est peut-être pas seul en cause, mais le fait est que les pays de la sous-région restent en queue des classements internationaux.

Les signaux encourageants ne manquent pas. La RDC est peut-être sur le point d’entrer dans une nouvelle phase. Les pays de la CEMAC sont peut-être en train de sortir de la période critique dans laquelle ils étaient entrés en 2016. Mais si l’environnement est moins porteur et les infrastructures de moins bonne qualité, les investisseurs regarderont en priorité ailleurs. Pour prendre vraiment le train de la croissance du reste du continent, l’Afrique centrale a encore du chemin à faire.