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Longtemps considéré comme l'une des premières puissances technologiques mondiales, le Japon conserve des atouts indéniables mais a accumulé des faiblesses au cours de la dernière décennie. Le gouvernement a pris la mesure des retards en lançant une stratégie plus ambitieuse, axée sur l'émergence d'une société 5.0 (IA, développement de start-up, IoT, big data, open innovation, etc...), dont il compte illustrer les avancées lors des Jeux Olympiques de 2020.

1. Le Japon reste l’une des plus grandes puissances technologiques du monde

Le Japon était, dans les années 1980/1990, un pays en pointe dans le domaine des nouvelles technologies et peut, aujourd’hui encore, se prévaloir d’une expertise reconnue dans plusieurs secteurs. Il reste notamment une référence mondiale dans la robotique et le premier pays producteur (avec plus de 287 000 robots en activité) et exportateur de robots industriels (52% de l'approvisionnement mondial, selon l'IFR, pour une valeur de 2,7 Mds USD). Il dispose également d’une avance technologique sur les composants « hardware » de l’IoT (internet des objets) et plus particulièrement sur les capteurs. De plus, l’infrastructure Internet très haut débit du pays est l’une des plus développée: leader historique sur la 3G et désormais sur la 4G (couverture de près de 97%), le Japon prévoit d’ores et déjà de lancer son offre 5G d’ici 2020, à l'occasion des Jeux Olympiques.

Le contexte économique et culturel au Japon se prête à ces avancées locales dans les nouvelles technologies, qui suscitent peu de méfiance au sein de la population, voire une forme de bienveillance ou de curiosité. C'est notamment le cas pour l'Intelligence Artificielle, dont le développement alimente peu de craintes sur un marché du travail en situation de quasi plein emploi.

Les industriels japonais ont, en outre, des fonds propres importants et une capacité d’innovation parmi les plus élevées au monde. Le Japon est l’un des pays qui investit le plus dans la R&D (3,42% du PIB), la plus grande partie des investissements étant réalisée par le secteur privé (70%). Il est également le premier en termes de stock de brevets en vigueur, avec 27% du total, devant les Etats-Unis (22%) et la Chine (13%) et deuxième en termes de nombre de brevets octroyés en 2016, derrière la Chine.

2. Pour autant, les faiblesses se sont accumulées au cours des dernières années

Si le pays a regagné en compétitivité (5e rang mondial en 2018 -9ème en 2016-, selon le Forum économique Mondial), il reste handicapé par une faible productivité (20ème/35 au classement des pays de l’OCDE avec un taux de PIB par heure travaillée de 46,9 USD contre 65,7 USD pour la France).

La gouvernance des entreprises japonaises demeure par ailleurs l'objet de nombreuses critiques : on a assisté au cours des dernières années à une multiplication des scandales, qui ont fortement terni l’image de l’industrie japonaise. Le mode de gouvernance conduit en outre souvent les entreprises à accumuler force trésorerie, ce qui alourdit leur performance financière et handicape leur capacité à investir. Sommairement, les entreprises non financières japonaises disposent d'environ 10.000 Mds USD d’actifs financiers –dont la moitié sous forme de trésorerie- alors qu’elles affichent des investissements productifs pour moins de 800 Mds USD (à comparer aux 4900 Mds USD du PIB).

Le Japon se caractérise également par une culture d’entreprise encore très ancrée dans la tradition et peu ouverte sur l’extérieur. Ainsi, les échanges entre l'industrie et le secteur académique restent souvent parcellaires: l'investissement des entreprises dans les universités est ainsi relativement faible puisque 80% des coopérations existantes engagent des montants de moins de 30 000 USD, contre 1 M USD en moyenne aux Etats-Unis.

Le déclin démographique auquel le Japon fait face entraîne une véritable pénurie d’experts: le METI estime aujourd'hui un manque à gagner de quelque 15.000 ingénieurs, chiffre qui pourrait atteindre 48 000 en 2020. Enfin, l’écosystème des start-up japonaises est resté longtemps embryonnaire: on en dénombre quelque 10.000 mais pour une population deux fois supérieure à la France.

Dans ce contexte, l’industrie japonaise a subi, peut-être plus fortement que d’autres, la crise asiatique de 2008 et la concurrence étrangère sur les secteurs électronique, informatique et TIC. En l'espace de 10 ans, la part de la production japonaise d’équipements audiovisuels dans le monde est passée de 33% à 28%, celle des équipements de communication de 7% à 5% et celle des ordinateurs ou terminaux informatiques de 14% à 13%. Le retard accumulé par l'industrie japonaise se traduit également aujourd'hui par une offre insuffisante notamment sur les logiciels appliqués à l’IoT, la cybersécurité, l’intelligence artificielle ou encore le traitement des données.

3. Le gouvernement a engagé une stratégie pour restaurer l’image d'un "Japon à la pointe"

Conscient du retard accumulé, le gouvernement fait montre d'une volonté politique forte pour rendre au Japon sa position de leader mondial dans les nouvelles technologies. Les Jeux Olympiques de 2020 sont ainsi préparés comme une vitrine technologique, où pourront être présentées au monde entier un certain nombre d’innovations, au premier rang desquelles le véhicule autonome, les applications liées à l'hydrogène, la télévision 8K (ultra haute définition) ou encore la 5G.

Le gouvernement a adopté une stratégie de revitalisation qui vise à engager le Japon dans la quatrième révolution industrielle et à la mise en place d'une « société 5.0 ». Au cœur de cette stratégie, se trouvent le développement de l’Intelligence artificielle, de l’IoT, des Big Data, le déploiement de la 5G ainsi que le renforcement des politiques d’open innovation. Dans ce cadre, le METI a notamment lancé, en 2017, l’initiative Connected Industries : grâce à la digitalisation des procédés industriels, l'objectif est de moderniser l’industrie et de faciliter le partage et l’utilisation généralisés des données. La même année une feuille de route interministérielle sur l’Intelligence Artificielle (« Artificial Intelligence Technology Strategy ») a également été publiée. Cette stratégie ambitieuse repose sur l'intégration des technologies IA et des autres technologies industrielles, la coopération entre les différentes industries et la libre circulation des données, avec comme axes d'application prioritaires la mobilité, la productivité et la santé.

Le METI s’est également fixé pour objectif de développer l’écosystème des start-up au Japon et de créer, d’ici 2023, 20 licornes japonaises. Il a lancé, à cette fin, en juin 2018, son propre programme de soutien aux start-up, J-start-up, inspiré de la French Tech, et qui fixe trois priorités : encourager la création de start-up japonaises, promouvoir ces dernières à l’international et accompagner les start-up étrangères souhaitant s’installer au Japon.

Cette stratégie gouvernementale a conduit les industriels japonais à s’engager dans le développement d’une nouvelle offre centrée sur les technologies d’avenir. Pour réaliser cet objectif, les entreprises japonaises doivent faire appel à des savoirs faire et des technologies extérieurs, y compris en provenance de l'étranger, et multiplient en ce sens les investissements et les fusions/acquisitions (en croissance de +10% de 2017 à 2018, selon Recof corp.). On constate ainsi une augmentation des fonds d'investissement à destination des start-up, nationales et étrangères: on citera celui, doté de près de 100 Mds USD, de la société holding SoftBank, présidée par Masayoshi Son.

 

Ainsi, loin d’avoir complètement perdu son avance technologique, le Japon se trouve surtout à moment charnière où l’industrie japonaise, poussée par le gouvernement, a décidé de revoir entièrement sa stratégie pour retrouver une place de leader mondial. De réelles opportunités s’ouvrent donc pour les partenaires économiques du Japon, que ce soit en termes d’investissements ou de partenariats technologiques, et ce en raison de l’ouverture  des entreprises japonaises à l’international, de leur besoin accru en nouvelles technologies pour trouver de nouveaux relais de croissance et de leur capacité financière préservée.