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Les douanes au Japon ne peuvent confisquer des produits contrefaits dès lors qu’ils sont destinés à un usage personnel. Avec le développement du commerce en ligne transfrontalier, il est donc devenu très facile pour un Japonais d’acheter des contrefaçons depuis l’étranger et cela en toute légalité.

1. Les entreprises font face, impuissantes, à une augmentation sans précédent du commerce de contrefaçons à usage personnel

Les douaniers japonais peuvent saisir des biens contrefaits ou des colis suspectés d'en contenir et sont autorisés à envoyer une notification aux usagers finaux ainsi qu'aux titulaires des droits ; toutefois, ils sont obligés de lever la saisine dès lors que les clients revendiquent un usage personnel : cette "tolérance pour usage personnel de contrefaçons" existe depuis longtemps en droit japonais mais concernait jusqu'ici un nombre limité de cas. Or, compte tenu de la forte croissance des plateformes de vente en ligne, le nombre de contrefaçons bénéficiant de l'exception n’a désormais plus rien d’exceptionnel, avec plus de 16 % des contrefaçons saisies en 2017 contre seulement 0,8% en 2016. Au Japon, en 2017, 92,5% des saisies concernaient des colis postaux contre 7,5% pour le transport par cargos (air et mer), dont une grande partie concerne des produits de maroquinerie (46% pour une valeur estimée de 40 millions d’euros).

Les entreprises dans le secteur du luxe sont particulièrement touchées par ce commerce de contrefaçons à usage personnel, qui a un impact non seulement sur leur chiffre d’affaires mais également sur leur image.

Ce phénomène est aggravé par le comportement des contrefacteurs et de certains sites de vente en ligne, qui justifient de la légalité de leur produit par cette exception et précisent même parfois aux acheteurs la procédure à suivre si le produit venait à être saisi par les douanes. Le seul recours dont disposent, aujourd’hui, les entreprises est de demander la fermeture des sites internet, mais cela ne peut se faire que depuis le pays qui héberge le site en cause. Or, en fonction des pays, les démarches peuvent s’avérer compliquées.

 2. Le désaccord persiste entre les autorités japonaises sur la nécessité de supprimer l’exception pour usage personnel de contrefaçons

Au Japon, la lutte contre la contrefaçon relève de la compétence de deux grands acteurs publics : l’Office des brevets japonais (JPO), sous la tutelle du ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (METI), et les douanes japonaises, sous la tutelle du ministère des Finances (MoF). C’est le JPO qui définit et élabore la politique en matière de droits de propriété intellectuelle. Les douanes sont, quant à elles, chargées de la mettre en œuvre. Selon l’UNIFAB Tokyo (l'Union des fabricants est une association qui regroupe plus de 200 entreprises de tous secteurs d’activité confondus, chargée de promouvoir la protection internationale de la propriété intellectuelle en luttant contre la contrefaçon), les douanes souhaiteraient pouvoir confisquer les produits contrefaits, quand bien même seraient-ils destinés à un usage personnel, mais elles ne disposent pas de moyen légal pour le faire. Ce sujet a été évoqué avec le JPO et le METI, mais ces derniers n’entendent pas, pour l’instant, faire évoluer la législation en vigueur au motif que le droit des marques a vocation à encadrer les acteurs économiques et non les comportements individuels.

Les douanes japonaises continuent néanmoins à chercher un moyen de confisquer ces contrefaçons et étudient de près les pratiques européennes en la matière. Elles s’intéressent notamment à l’article 26 du règlement de l’UE n°608/2013, qui permet la destruction simplifiée de contrefaçons se trouvant dans des petits colis, ainsi que de l’arrêt de la CJUE du 6 février 2014 -dit « ROLEX », qui autorise les autorités douanières à saisir et confisquer des marchandises mises en vente en dehors du territoire de l’Union.

Par ailleurs, la situation pourrait évoluer prochainement au regard de la prise de conscience croissante des autorités japonaises : en juin 2018, le bureau de la stratégie de la propriété intellectuelle, une instance interministérielle sous la tutelle directe du Premier ministre, a annoncé son programme « Intellectual Property Strategy » pour 2018, qui retient notamment que «°considérant l’augmentation des quantités de contrefaçons et celles de marchandises pirates importées notamment grâce au développement de l’e-commerce, […], considérant l’augmentation importante des quantités d’importations de contrefaçons à des fins privées, les administrations concernées examineront les mesures concrètes à prendre pour empêcher leur mise sur le marché prenant en considération les préjudices subis par les titulaires de droit et les règles applicables dans les Etats étrangers ».