Le Kenya est encore un partenaire commercial marginal pour la France, qui n’est que le 14ème fournisseur du pays et son 16ème client. Pour autant, les échanges commerciaux bilatéraux progressent continument depuis dix ans, au profit de la France qui enregistre un excédent commercial structurel avec le Kenya. Une fois neutralisé le poste aéronautique, la performance commerciale de la France au Kenya est supérieure à celle qu’elle enregistre dans les autres grandes économies d’Afrique de l’est (Soudan, Tanzanie, Ouganda et Éthiopie). Mais cette performance est limitée par l’absence de grands contrats, le Kenya étant une chasse-gardée américaine dans les domaines de l’aéronautique civile et de la défense.  

Les positions commerciales de la France au Kenya, seul pays à revenu intermédiaire de la zone, sont en-deçà de leur potentiel, notamment dans ses spécialités à l’export, telles que la pharmacie, l’agroalimentaire, ou encore les cosmétiques. En perspective, les prévisions de croissance du Kenya et les évolutions structurelles de la demande kenyane sont favorables à l’offre française. L’élévation générale du niveau de vie de la population, l’urbanisation rapide du pays et l’émergence d’une classe moyenne génèrent des besoins que l’offre française peut satisfaire en raison de son positionnement intermédiaire sur les secteurs de la consommation des ménages (équipement de la maison, habillement, parfums et cosmétiques, automobile, agro-alimentaire, etc.). L’implantation d’enseignes de distribution françaises (Carrefour, Décathlon) favorise en outre la pénétration des produits français dans un marché historiquement peu ouvert à l’influence française.

 

1. Le Kenya, un partenaire commercial marginal pour la France

La France enregistre un excédent structurel dans ses échanges commerciaux avec le Kenya. En moyenne décennale, entre 2008 et 2017, le solde annuel des échanges bilatéraux s’est établi à 80 MEUR en faveur de la France, mais cet excédent tend à diminuer depuis 2015 en raison d’une dynamique plus forte des exportations kenyanes, tandis que les produits français, à l’instar des produits européens, ont rencontré des difficultés dans l’accès au marché kenyan en 2017 et 2018[1]. Pour la première fois en 2017, les exportations du Kenya vers la France ont franchi la barre des 100 MEUR. Dès lors, l’excédent commercial de la France s’est inscrit à la baisse depuis deux ans, à 67 MEUR sur douze mois glissants en 2018 et 69 MEUR en 2017, dans un contexte de stabilité des exportations françaises à 171 MEUR.

L’excédent structurel français s’explique par la structure des échanges bilatéraux. Les exportations kenyanes sont concentrées sur des produits à faible valeur ajoutée, à 60 % des denrées agricoles (thé, café, fleurs, fruits) et à 35 % des produits agricoles transformés (préparations à base de légumes et de fruits), tandis que les exportations françaises reposent sur des livraisons à forte valeur ajoutée: biens d’équipement et matériels de transport (27 %), produits chimiques, parfums et cosmétiques (22 %), produits agroalimentaires (19 %) et produits pharmaceutiques (9 %). Le poste agroalimentaire est celui qui  progresse le plus depuis trois ans, en raison notamment de l’implantation du distributeur Carrefour au Kenya.

 

Le commerce bilatéral est marginal pour la France. Les exportations françaises vers le Kenya ne représentent que 0,04% des exportations totales de la France, une situation qui s’explique d’abord par l’absence de grands contrats aéronautiques ou de défense et par la faible pénétration des produits français hors des centres urbains, en raison d’un positionnement milieu de gamme peu adapté à la demande actuelle du Kenya. Le pouvoir d’achat par habitant reste en effet faible (1837 USD/hab.) et la demande kenyane porte d’abord sur des produits bon marché. Alors que les exportations françaises ont augmenté en moyenne de 15% entre 2008 et 2017, la progression spectaculaire des exportations de la Chine et de l’Inde, devenues les premiers fournisseurs du pays en dix ans - avec respectivement 23% et 10% du marché - a provoqué le recul de la part de marché de la France de 2,7 % en 2008 à 1,6 % en 2017, à l’instar de celle de l’ensemble des pays européens. La France demeure le troisième fournisseur européen du Kenya derrière l’Allemagne (part de marché de 2,4 %) et le Royaume-Uni (1,72%), devant l’Italie (1,24%) et les Pays-Bas (1,20%).

 

2. Les exportations françaises sont encore en-deçà de leur potentiel, mais les évolutions socio-économiques du Kenya sont favorables à l’offre française.

 

Les exportations françaises sont en-deçà de leur potentiel au Kenya, par comparaison avec leurs performances moyennes mondiales et avec leurs performances dans les pays à niveau de développement comparable en Afrique subsaharienne et en Asie[2], et ce dans tous les secteurs de spécialités de la France. La faiblesse relative de ces performances s’explique en partie par des facteurs propres au positionnement de l’offre française dans le marché kenyan : (i) une pénétration limitée du marché des biens de consommation (agroalimentaire, cosmétiques, habillement, habitat, automobile), (ii) une forte volatilité des fournitures de biens d’équipement, liée à leur dépendance des marchés publics et des financements d’aide au développement, dans un secteur où l’offre chinoise et indienne est très agressive, enfin (iii) la localisation croissante d’activités de production par les entreprises françaises[3], qui génère des flux d’exportations françaises de composants et d’équipements mais localise la plus grande part de la valeur ajoutée au Kenya.

 

Les évolutions sociales et économiques du Kenya sont favorables au renforcement de la présence française. L’offre française dispose de leviers de croissance dans les spécialités où elle est déjà la plus performante: les médicaments et les cosmétiques notamment, en dépit d’enjeux forts de protection de la propriété intellectuelle, ainsi que les produits agroalimentaires et les vins et spiritueux, tirés par une demande urbaine croissante pour des produits à plus forte valeur ajoutée.

Cette tendance s’inscrit dans les évolutions sociales et démographiques du pays, marquées par l’émergence d’une classe moyenne urbaine qui oriente la demande vers des consommations plus sophistiquées. La modernisation rapide de la distribution, qui s’est traduite par l’ouverture d’une centaine de centres commerciaux en cinq ans dans le pays, l’installation de grands distributeurs internationaux (Carrefour, Shoprite, Décathlon) et la croissance très rapide du commerce en ligne[4] illustre cette mutation accélérée favorable à l’offre française.

Il en est de même dans le secteur des infrastructures civiles dans lequel l’offre française trouve progressivement un meilleur positionnement, à la fois en raison de la sophistication croissante des projets, de l’enracinement des entreprises françaises dans la région et de l’évolution des modes de contractualisation vers les partenariats public-privé, toutes tendances favorables à l’offre française et génératrice à termes de flux d’exportations depuis la France.  

 

La promotion de l’offre française et l’accompagnement des entreprises sont un enjeu fort pour la France sur un marché à fort potentiel de développement. La présence française au Kenya s’est considérablement renforcée au cours des cinq dernières années, par l’augmentation significative du nombre d’entreprises soutenues par le dispositif public d’accompagnement à l’export et des investissements français dans le pays. 780 PME ont ainsi bénéficié d’un accompagnement par Business France au cours des trois dernières années, tandis que l’engagement des instruments de soutien à l’export du Trésor, en garantie et financement, s’élève à près de 2 Mds EUR pour le Kenya. La France est, en outre, le troisième investisseur étranger au Kenya avec près de 10% du stock d’investissements réalisés tandis que le nombre d’entreprises françaises implantées au Kenya a progressé très rapidement depuis 2015 et s’élève désormais à 110.

Cet effort doit être poursuivi alors que la demande adressée par le Kenya s’oriente rapidement vers des besoins favorables à l’offre française dans tous les segments du marché.



[1] Liées à des facteurs conjoncturels mais également à la volonté de réduire le déficit commercial du pays.

[2] Conclusions tirées d’une étude réalisée par le SER en 2016 sur les performances comparées des exportations françaises dans cinq pays sur dix ans : Kenya, Ghana, Côte d’Ivoire, Sénégal et Pakistan.

[3] L’Oréal dans les cosmétiques, Schneider-Electric dans les équipements électriques, Essilor dans la lunetterie, Danone dans les produits laitiers, Peugeot et Renault Trucks dans l’automobile, etc. 

[4] Jumia Internet, créée par deux entrepreneurs français, est le leader en Afrique de l’est sur ce segment.