L’Indonésie a signé le 4 mars 2019 un accord économique global avec l’Australie (IA CEPA). Il s’agit du troisième accord de ce type signé depuis un an et demi (Indonesia-Chili CEPA en décembre 2017, Indonesia-EFTA CEPA en décembre 2018). Les négociations de cet accord avaient commencé en 2010 avant d’être suspendues en novembre 2013, et relancées en mars 2016, sous l’impulsion du Ministre du Commerce d’alors, Thomas Lembong.

Le compromis final a été trouvé en août 2018, mais la signature a été retardée. Elle s’est finalement déroulée à Jakarta en présence des deux ministres du commerce qui ont annoncé que le traité serait ratifié avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur à partir de 2020.

 

Indonésie Austrlie CEPA

 

En matière tarifaire, l’accord bilatéral va plus loin que celui qui existait déjà entre l’Australie et l’ASEAN (ASEAN Australia New Zealand FTA), qui prévoit des droits de douane à taux zéro sur 90% des lignes tarifaires. Avec le CEPA, l’Australie réduit à 0% les droits de douane sur 100% de ses lignes tarifaires. Pour sa part, l’Indonésie pratiquera des droits à taux zéro sur 94%  des lignes tarifaires d’ici 2020 (ce qui couvrira 99% des exportations australiennes en valeur). Les biens pour lesquels l’Indonésie maintient des droits de douane sont : les produits de la mer, les fleurs, les fruits, les vins et spiritueux, certains produits chimiques, certains caoutchoucs et les véhicules motorisés. Pour l’Indonésie, l’un des objectifs de cet accord est de favoriser l’importation de matières premières australiennes pour les transformer sur son territoire grâce au coût compétitif de sa main d’œuvre et de s’intégrer dans les chaines de valeur globales. S’agissant des exportations indonésiennes, les produits qui devraient bénéficier le plus du volet tarifaire dès l’entrée en vigueur de l’accord grâce aux droits à taux zéro sont le caoutchouc et ses dérivés (pneus), le café, le cacao, le bois et ses dérivés (meubles) le textile, le papier, l’électronique les filières chimie, fers et aciers ainsi que le secteur automobile (notamment les véhicules hybrides via des règles d’origine allégées).

L’Indonésie a fait des concessions dans le domaine agricole (qui représente la moitié des exportations australiennes vers l’Indonésie) en accordant des quotas à taux réduits dès l’entrée en vigueur pour les produits suivants : bovins vivants, viande bovine et ovine congelée, céréales pour l’alimentation animale, sucre, produits laitiers, agrumes et légumes. Pour certains de ces produits, l’accord prévoit une élimination totale des quotas et des droits de douane selon des calendriers variant de 5 à 20 ans. Les autorités australiennes mettent en avant également un quota à taux zéro pour les bobines d’acier laminé à chaud et à froid et une élimination des tarifs pour les cathodes en cuivre (illustrant la volonté de l’Indonésie de développer l’industrie des batteries électriques). L’Australie a aussi obtenu un engagement de l’Indonésie à émettre « automatiquement » les autorisations d’importation pour la plupart des produits cités précédemment ce qui constitue une amélioration importante. En revanche, s’agissant des autres barrières non-tarifaires, les engagements des parties se limitent à un mécanisme de coopération bilatérale permettant des discussions régulières sur ce sujet et à des engagements en termes de transparence lors de la mise en place de telles mesures.

Les gains de l’Indonésie portent également sur la coopération en matière de compétence et de mouvement de personnes physiques. L’accord inclut un « skill package » pour la facilitation des mouvements de professionnels entre les deux pays sous forme de stages et d’augmentation des quotas de visa vacances-travail (work and holidays visa) (jusqu’à 5000 par an d’ici 6 ans) et une reconnaissance mutuelle des qualifications pour les ingénieurs. L’Australie s’est également engagées à accueillir 200 stagiaires par an pour de la formation professionnelle. Au-delà du package compétences, l’accord prévoit la création de programmes de travail conjoints sur le commerce et l’investissement dont la mission sera de réaliser de l’assistance technique et de la formation.

Dans le domaine de l’investissement, l’Indonésie a accordé à l’Australie des plafonds en capitaux étrangers qui se limitent pour l’essentiel à consolider ce que prévoit la législation indonésienne actuelle (liste négative). Les Australiens peuvent désormais détenir, sans risque de de retour en arrière , jusqu’à 67 % d’une entreprise dans les secteurs minier, hospitalier, de la restauration, des télécommunications, de l’énergie des services aux entreprises, de la construction, de la gestion de l’eau et des infrastructures de transport. Ils peuvent également détenir jusqu’à 100 % d’une entreprise dans le secteur du tourisme (hôtels 3 à 5 étoiles). L’Indonésie s’engage enfin à accorder un traitement préférentiel à l’Australie dans le cadre de futures réformes de l’enseignement supérieur.

A la demande de l’Indonésie, l’accord prévoit une coopération économique en particulier sur les thématiques suivantes : renforcement de capacité des ressources humaines dans le domaine agricole et industriel, augmentation de la productivité via l’innovation, quarantaine et biosécurité, barrières non-tarifaires (cf. supra), tourisme, amélioration du secteur de l’éducation et de la formation professionnelle, formation, des professionnels indonésiens dans le domaine de la santé. Toutefois, l’accord ne chiffre pas cette coopération.

S’il s’agit d’un accord ambitieux aux regards de ceux déjà signés par l’Indonésie, l’IA CEPA l’est moins que celui proposé par l’Union européenne. L’accord ne couvre pas, par exemple, les questions de développement durable, ni de marchés publics. Le chapitre sur le règlement des différends est peu contraignant (pas d’organe de résolution particulier défini). Il n’y a pas non plus de chapitre propre sur la propriété intellectuelle (déjà couverte dans l’accord avec l’ASEAN). L’accord contient en revanche un chapitre sur le e-commerce et sur les télécommunications dans lesquels les deux pays prévoient d’accroître leur coopération.

L’Indonésie et l’Australie entretiennent des relations économiques relativement limitées au regard de leur proximité géographique et malgré l’accord commercial existant via l’ASEAN depuis 2010. Le déficit commercial de l’Indonésie vis-à-vis de l’Australie s’est accentué au cours des dernières années atteignant 3,4 Mds USD en 2017 et 2,9 Mds en 2018 (contre  seulement 6 M USD en 2010). Il reflète le recul des exportations indonésiennes vers son grand voisin et désormais 13e client (-33 % sur 10 ans), et la hausse continue de ses importations, multipliées par deux sur la même période pour une part de marché de 3 % en 2018. En matière d’investissement, environ 500 entreprises australiennes sont implantées en Indonésie mais les flux d’IDE australiens ont ralenti depuis le début de la décennie. En stock, l’Australie n’est que le 12e investisseur étranger (3,2 Mds USD en 2016). Dans ce contexte, les économistes indonésiens se félicitent globalement de la signature du IA CEPA mais soulignent que l’industrie indonésienne a encore besoin de gagner en compétitivité.

La signature de cet accord, après celle relative à l’EFTA, va permettre au Ministère du commerce indonésien de se concentrer sur ses deux grandes priorités à savoir la négociation du CEPA avec l’UE et la négociation du RCEP.