20ème économie mondiale, la Suisse affiche des résultats très enviables : croissance soutenue, résilience face aux crises, faible taux de chômage, finances publiques saines, investissements élevés en R&D, forte compétitivité à l’export. Même si le pays a été fragilisé par les conséquences de la guerre en Ukraine, les effets du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale suisse (couplée à d’importantes cessions de devises pour lutter contre l’inflation importée) et le ralentissement de la demande externe ont été maîtrisés. Après une croissance de 2,5% en 2022 et 0,7% en 2023, le PIB devrait progresser de 1,3 % cette année et de 1,4 % l’an prochain selon le FMI, favorisée par la reprise de la demande externe et l’assouplissement des conditions financières.

I. Une économie résiliente en dépit des crises et qui se redresse progressivement.

Si le pays a été fragilisé par les conséquences de la guerre en Ukraine, la croissance est restée résiliente, à 0,7% en 2023 (après 2,7% en 2022). Les effets du resserrement de la politique monétaire de la Banque Nationale Suisse BNS (dont le taux directeur a été fixé à 1,75% en juin 2023 contre -0,75% un an plus tôt) et le ralentissement de la demande externe (en particulier en provenance de l’UE, dans le sillage des difficultés de l’Allemagne) ont en effet été maîtrisés. La croissance se redresse progressivement mais devrait rester modérée en 2024 et en 2025., Le FMI table sur une croissance de1,3% cette année et  1,4% en 2025, un rythme en-deçà de la croissance annuelle moyenne de long terme (1,7%) mais qui reste un résultat solide pour une économie aussi mature. Cette reprise est permise par le (léger) rebond attendu de la demande externe et l’assouplissement des conditions financières, la BNS ayant été la première des grandes banques centrales à initier en mars le cycle de baisse des taux. Elle a à ce stade baisser son principal taux directeur de 25pdb à deux reprises, le 21 mars puis le 21 juin, L’abaissement du principal taux directeur, désormais à 1,25 %, a été justifié par le repli continu de l’inflation, sous le seuil des 2 % depuis juin 2023. Alors que la hausse des prix ne dépasse pas 1,5 % depuis janvier, la baisse du principal taux directeur rappelle ainsi la priorité du mandat de la BNS centré sur la stabilité des prix. En moyenne annuelle, la BNS prévoit une inflation de +1,3% en 2024, +1,1% en 2025 et +1,0% en 2026. Pour rappel, la Suisse n’a pas échappé aux pressions inflationnistes en 2022 mais à un rythme toutefois largement contenu, à +2,8% en moyenne en 2022 puis  +2,1% en 2023. L’action de la BNS sur les conditions monétaires (hausse des taux d’intérêt et larges interventions de change) a été déterminante dans le recul des pressions inflationnistes, en particulier importées, même si l’atténuation des tensions sur les chaînes de production mondiale et le recul des prix de l’énergie ont aussi joué un rôle.

Les risques qui pourraient entraver la croissance à moyen et long terme, découlent avant tout de la montée des tensions géopolitiques et commerciales mais aussi des incertitudes autour des négociations avec l’Union européenne (UE) pour préserver l’accès de la Suisse au marché unique (son 1er marché à l’export).

 

II.  Avec un chômage frictionnel, la Suisse connaît des pénuries de main-d’œuvre grandissantes

Alors que le marché du travail est caractérisé par un quasi plein-emploi, avec un taux de chômage à un plus bas historique sur les 15 dernières années (4,3% au T1 2024 au sens du BIT), le principal défi tient à la pénurie de main-d’œuvre (qualifiée ou non) : (i) le nombre de postes vacants a dépassé le seuil des 100 000 et pourrait atteindre 250 000 d’ici 2030 selon une étude d’UBS, et (ii) la guerre des talents ne cesse de s’accentuer, s’étendant, outre la santé, à de nouveaux secteurs (énergie, transports, industrie, commerce…).

III. Des finances publiques qui restent saines mais des besoins croissants en dépenses

Le pays affiche des finances publiques particulièrement saines avec notamment une dette publique de 38,3 % du PIB selon le FMI, et des excédents primaires réguliers (auxquels le reversement des bénéfices de la Banque centrale a souvent contribué). En 2023, le pays a ainsi dégagé un excédent budgétaire de 0,5 % du PIB. La maîtrise des dépenses publiques repose sur un mécanisme de frein à l’endettement adopté par référendum en 2001 et entré en vigueur en 2003, qui impose l’équilibre budgétaire à moyen-terme via la fixation d’un plafond de dépenses en fonction des recettes estimées et de la conjoncture (rôle contracyclique). Pour autant, le pays reste confronté à des besoins de financement grandissants liés à la hausse de la dépense en réarmement, ainsi qu’au financement de la transition écologique et du vieillissement démographique (la votation adoptée le 3 mars d’une 13ème rente mensuelle assurance-vieillesse et survivants - AVS, le pilier universel de la prévoyance vieillesse,- se traduira ainsi par un surcoût de 0,5% du PIB par an à partir 2026). Le FMI anticipe un léger recul de l’excédent public, qui passerait de +0,5% du PIB en 2024 à +0,2 % en 2025. Le risque d’un respect strict de la règle du frein à l’endettement pourrait à terme se solder par un sous-investissement dans les infrastructures et les dépenses d’avenir compte tenu des pressions sur les dépenses évoquées ci-dessus.

IV. La tendance haussière du franc s’est nettement renforcée avec la guerre en Ukraine

Le franc suisse s’est fortement apprécié face à l’euro depuis près de deux ans, avec une accélération sur la fin d’année 2023, conséquence des incertitudes géopolitiques et du contexte conjoncturel dégradé, en particulier en Europe. Le franc a ainsi atteint fin décembre 2023 son plus haut niveau face à l’euro depuis 8 ans (à 1 EUR=0,9281 CHF). Plus précisément, plusieurs raisons sous-tendent cette évolution : (i) le franc suisse reste une valeur refuge par excellence, au même titre que l’or, d’autant plus réaffirmée en période de fortes incertitudes géopolitiques, (ii) les fondamentaux de l’économie suisse, en particulier son excédent courant,, restent meilleurs que ceux de la zone euro, (iii) l’action de la BNS qui a soutenu en 2023 délibérément le franc suisse en vendant l’équivalent de 140 Mds EUR de devises étrangères, dans un objectif de limitation de l’inflation importée. 

Si le franc suisse s’est quelque peu déprécié depuis janvier, dans la lignée de la décision de la BNS de baisser son taux directeur, le franc a de nouveau repris sa tendance à la hausse ces tous derniers jours en raison des incertitudes politiques en Europe. L’annonce le 9 juin de la dissolution de l’assemblée nationale par le Président de la République coïncide ainsi avec la hausse soudaine et marquée (+2 %) du franc. Dans ce cadre, la BNS pourrait à nouveau intervenir sur le marché des changes afin, cette fois-ci, de modérer l’appréciation du CHF et éviter de peser sur la compétitivité à l’export de ses industries. L’examen des fondamentaux suggère dans tous les cas une poursuite de la trajectoire haussière du franc sur le second semestre.

V.   Le secteur financier, résilient dans le contexte post-crise de Crédit Suisse, se prépare à une réforme -encore en cours- du cadre réglementaire et de surveillance 

Alors que la disparition de Crédit Suisse a fortement ébranlé la place helvétique, la confiance s’est rapidement rétablie suite au rachat décidé en urgence, le 19 mars 2023, de la banque par sa concurrente historique UBS, rachat assorti d’aides en liquidités et de garanties de la BNS. Cet événement, tristement historique pour le pays, a donné naissance à un nouveau géant bancaire, les actifs combinés de Crédit Suisse et d’UBS atteignant 180% du PIB.

Alors que cette décision de rachat a été saluée au plan international au regard de l’urgence de la situation, elle a aussi soulevé la question du respect par la Suisse des standards internationaux agréés en matière de gestion des crises bancaires. Les réflexions engagées autour de l’évolution de la règlementation nationale « Too big to fail » ont abouti à la présentation le 10 avril dernier d’un rapport, encore provisoire, du Conseil fédéral sur la stabilité des banques. Ce rapport porte sur un paquet de 22 nouvelles mesures et 7 autres encore en cours d’examen afin de mieux réguler le système bancaire suisse et le rendre plus sûr. Elles s’articulent autour de trois axes : (i) l’amélioration de la prévention des crises, (ii) le renforcement des liquidités et (iii) l'élargissement des outils de lutte contre les crises. Si le Conseil de stabilité financière (FSB) a salué les mesures proposées, qui font écho aux recommandations de leur récent examen par les pairs, certains experts les jugent insuffisantes. En particulier, l’hypothèse d’accorder à l’autorité de régulation des marchés financiers (FINMA) un pouvoir de sanctions financières n’a pas été, à ce stade, retenue, malgré les recommandations de septembre dernier du groupe d’experts sur la stabilité bancaire qui avait été mandaté par le gouvernement.

 

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