Situation économique et financière de la Suisse
20e économie mondiale (et parmi les 5 premières au monde, rapportées à la population), la Suisse affiche des résultats très enviables : croissance régulière, résilience face aux crises, faible taux de chômage, finances publiques saines, pays le plus innovant au monde selon l’OMPI et forte compétitivité à l’export. Les prévisions de croissance pour 2025 ont toutefois été revues à la baisse suite aux annonces de hausses douanières américaines, de 31 % à 32 % en droits additionnels pour la Confédération, dont les Etats-Unis représentent le premier débouché à l’export. Le FMI prévoit désormais une croissance à 0,9 %, contre 1,4 % il y a quelques mois. L’impact exact des tensions commerciales sur la croissance suisse reste toutefois incertain, soumis en particulier aux résultats des négociations bilatérales en cours.
I. Une économie résiliente face aux crises mais qui redoute les effets des surtaxes américaines
Le contexte d’incertitude généralisée, particulièrement lié à la politique commerciale américaine, pèse sur l’économie suisse : le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2025, passant de 1,4 % à 0,9 % (1,1 % selon l’OCDE). Bien que modérés, ces taux demeurent comparables à ce qu’a connu la Suisse ces dernières années (0,8 % de croissance en 2023, dans le contexte de la guerre en Ukraine), et finalement assez raisonnables pour une économie aussi mature. Les annonces de hausses tarifaires américaines de début avril avaient provoqué la stupéfaction des acteurs politiques et économiques suisses, en prévoyant des droits de douane additionnels de 31 à 32 % pour le pays. Les autorités helvétiques ont depuis multiplié les démarches vers les Etats-Unis, privilégiant la voie de la négociation, en espérant la conclusion d’un accord avant le 9 juillet. Pour l’heure, les deux Commissions parlementaires de politique extérieure ont approuvé le projet de mandat de négociation lancé le 30 mai, celui-ci devant aboutir à une déclaration d’intention. Malgré l’incertitude persistante, le risque d’une récession paraît peu probable.
En matière de politique économique, les leviers d’action sont restreints, alors que le taux d’inflation en glissement annuel est devenu négatif en mai, à -0,1 %, augmentant les risques de déflation conjoncturelle. Après avoir été la première des grandes banques centrales à initier en mars 2024 le cycle de baisses des taux, la Banque nationale suisse (BNS) a rendu son taux directeur nul lors de sa réunion de politique monétaire du 19 juin. La Banque centrale a insisté sur le fait qu’une nouvelle baisse du taux ne serait pas une décision prise « à la légère », bien qu’aucune option ne puisse être écartée pour sa prochaine réunion de septembre. Le placement récent de la Suisse sur la liste de surveillance des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis soupçonnés de manipuler leur devise pourrait dissuader la BNS d’intervenir massivement sur le marché des changes malgré l’appréciation continue du franc (cf. infra).
L’achèvement fin décembre dernier des négociations, suivi à la mi-mai du paraphage par la Suisse et l’Union européenne du paquet d’accords visant à stabiliser et moderniser leurs relations juridiques et commerciales constitue un facteur positif, l’UE étant de loin le principal partenaire de la Suisse, mais qui ne devrait se faire ressentir, au mieux, qu’à moyen terme. En effet, le chemin jusqu’à l’éventuelle entrée en vigueur des dispositifs agréés reste encore long (la signature formelle étant envisagée pour 2026, avant l’étape de ratification) et incertain (un vote étant nécessaire).
II. Avec un chômage quasi-frictionnel, la Suisse fait encore face à des pénuries de main-d’œuvre
Le marché du travail est caractérisé par un quasi plein-emploi, avec un taux de chômage toutefois en très légère progression, reflet des difficultés croissantes de l’économie dans plusieurs segments clefs, en particulier industriels. Les dernières données (T1 2025) indiquent un taux de 4,7 % au sens du BIT, contre 4,4 % au 4e trimestre 2024 et 4,3 % il y a un an. La pénurie de main-d’œuvre, qualifiée ou non, constitue cependant le défi principal : (i) le nombre de postes vacants (autour de 100 000) pourrait atteindre 250 000 d’ici 2030 d’après une étude d’UBS, bien qu’il ait diminué au 1er trimestre 2025 selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), et (ii) la guerre des talents ne cesse de s’accentuer, s’étendant, outre la santé, à de nombreux autres secteurs (énergie, transports, industrie, commerce…).
III. Des finances publiques qui restent saines mais des besoins croissants côté dépenses
Le pays affiche des finances publiques très saines, avec notamment une dette publique représentant 36,7 % du PIB selon le FMI. Alors que la Suisse enregistre des excédents primaires réguliers (auxquels le reversement des bénéfices de la BNS a souvent contribué), le compte dit « ordinaire » est sorti excédentaire en 2024, à 817 M CHF. La maîtrise des dépenses publiques repose sur un mécanisme de frein à l’endettement adopté par référendum en 2001 et entré en vigueur en 2003. Celui-ci impose l’équilibre budgétaire à moyen-terme via la fixation d’un plafond de dépenses en fonction des recettes estimées et de la conjoncture (rôle contracyclique). Pour autant, le pays demeure confronté à des besoins de financement grandissants liés au coût du vieillissement démographique (une initiative populaire adoptée en mars 2024 en faveur d’une 13e rente mensuelle assurance-vieillesse et survivants – AVS, le pilier universel de la prévoyance vieillesse –, va ainsi se traduire par un surcoût de 0,5 % du PIB par an à partir de 2026), la hausse (pourtant mesurée) des dépenses militaires et le besoin de financement de la transition écologique, faisant craindre des déficits structurels ces prochaines années. Pour garantir le respect du frein à l’endettement, le Conseil fédéral a mis en consultation en janvier 2025 un programme d’économies comprises entre 3,6 Mds et 4,7 Mds CHF par an, entre 2027 et 2030 (soit 0,5 à 0,6 % du PIB), s’appuyant sur le rapport d’un groupe d’experts.
IV. Le renforcement accru du franc pèse sur la compétitivité-prix des entreprises suisses
Les annonces douanières du Président D. Trump se sont traduites par une accélération de l’appréciation du franc suisse, qui a atteint des valeurs records, en particulier vis-à-vis de l’euro et du dollar US. Ce renforcement notable s’inscrit dans un contexte d’appréciation tendancielle du franc, qui s’est significatiement intensifiée depuis 2022, en raison de l’incertitude généralisée liée à la persistance de la guerre en Ukraine, au conflit à Gaza, et désormais, prioritairement, à la nouvelle stratégie commerciale des Etats-Unis. Ces éléments poussent à un réflexe de « safe haven » de la part des investisseurs au profit essentiellement de l’or et du franc suisse, perçus comme valeur refuge. Ce rythme haussier (i) pèse sur la compétitivité-export des entreprises suisses, (ii) renforce l’îlot de cherté, c’est-à-dire la persistance des prix observés en Suisse à un niveau structurellement élevé par rapport à ses voisins européens et (iii) limite la capacité de pilotage de la politique monétaire par la BNS.
V. Le secteur financier, résilient dans le contexte post-crise de Credit Suisse, est en cours de réforme en ce qui concerne sa règlementation et sa surveillance
Bien que la disparition de Credit Suisse ait fortement ébranlé la place helvétique, la confiance s’est assez vite rétablie suite au rachat de la banque, en urgence, le 19 mars 2023, par sa concurrente historique UBS, rachat assorti d’importantes aides en liquidités et de garanties de la BNS. Cet événement, tristement historique pour le pays, a donné naissance à un nouveau géant bancaire, les actifs combinés de Crédit Suisse et d’UBS atteignant 180 % du PIB.
Alors que cette décision de rachat a été saluée au plan international compte-tenu de l’urgence de la situation, elle a aussi soulevé la question du respect par la Suisse des standards internationaux agréés en matière de gestion des crises bancaires. Les réflexions engagées autour de l’évolution de la règlementation nationale « Too big to fail » (TBTF) ont abouti à la présentation en juin 2025 des mesures de prévention du Conseil fédéral concernant les banques systémiques d’envergure internationale – de facto UBS –, suite à la publication en avril 2024 d’un document provisoire du Conseil fédéral sur la stabilité des banques, puis en décembre 2024 d’un rapport détaillé de la Commission d’Enquête Parlementaire sur la disparition de Credit Suisse. Parmi les mesures présentées figure notamment l'obligation pour les banques TBTF de couvrir l’intégralité des participations dans des filiales étrangères au moyen de fonds propres, obligation pour laquelle la voie législative a été privilégiée par le Conseil fédéral, ajoutant des délais importants à sa mise en œuvre : son examen par les Chambres fédérales n’est pas prévu avant le 2e semestre 2026, voire 2027, avec des délais transitoires de 6 à 8 ans pour la mise en œuvre. Les compétences de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) devraient par ailleurs être renforcées avec notamment une aptitude à sanctionner par des amendes.
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