L’année 2018 a été en Turquie riche en évènements, tant au regard de la réorganisation institutionnelle, qui s’est traduite par une présidentialisation de la gouvernance économique, que des tensions géopolitiques (régionales ou turco-américaines). Le décrochage de la livre turque au milieu du mois d’août (en pleine affaire « pasteur Brunson ») a été le déclencheur d’une crise économique qui se caractérise notamment par le recul de la croissance (-1,1% au T3 2018), du déficit courant (-34 Mds USD en novembre 2018) et par une forte pression inflationniste (25,2% en g.a. en octobre 2018).

A quoi peut-on s’attendre pour 2019 ? Un recul de la croissance économique est anticipé, au moins sur la première partie de l’année. L’éventail des prévisions de croissance est particulièrement large, oscillant entre -2% (Moody’s) et +2,3% (gouvernement). Comme la demande interne et l’investissement poursuivront leur contraction, ce sont les dépenses publiques qui soutiendront l’activité (la baisse du déficit courant donne d’ailleurs de nouvelles marges de manoeuvre au gouvernement). Ainsi, en ce début d’année, qui voit les élections municipales du mois de mars se profiler, les autorités ont pris un ensemble d’initiatives visant à soutenir l’activité, comme la mise en place de réductions ciblées de taxes indirectes, la mobilisation des banques publiques en vue de restructurer les dettes liées aux cartes de crédit ou encore le soutien du crédit aux entreprises exportatrices et PME. L’ampleur et l’impact de la crise économique sur le tissu économique turc sont encore difficilement quantifiables. Elle touche désormais davantage d’acteurs (et non plus seulement les grandes sociétés exposées par leur dette externe) et de secteurs. Nombreuses sont ainsi les entreprises qui sont entrées sous la protection du « concordat », faisant craindre une forte poussée du taux de chômage dans les prochains mois. Malgré un contexte international moins dynamique (tensions commerciales, ralentissement de la croissance chinoise, baisse du PMI allemand…) et les contraintes de financement, un début de reprise est néanmoins anticipé au second semestre 2019.

De son côté, l’économie azerbaïdjanaise, après une année 2018 marquée par le retour d’une croissance modérée (+1,5%) sur fond de volatilité persistante des cours du brut, devrait sensiblement accélérer en 2019 (+3,5%), tirée par la montée en puissance des exportations de gaz naturel. Ainsi, la mise en service du gazoduc TANAP, avant l’achèvement prévu cette année du TAP, confortera l’Azerbaïdjan dans son rôle de pivot énergétique régional. Cette amélioration de la conjoncture fournit aux autorités une marge de manoeuvre supplémentaire pour réaliser les transformations nécessaires pour assurer l’avenir économique du pays à moyen terme. Le Turkménistan devrait en 2019, selon les « chiffres officiels », parvenir à maintenir une croissance soutenue (+6%, après 6,2% en 2018). Celle-ci reposerait encore essentiellement sur un niveau toujours très élevé d’investissement public avec des annonces récentes de nouveaux grands projets d’infrastructures (autoroutes, ensembles hôteliers). Enfin, en Géorgie, la croissance devrait de nouveau dépasser le seuil des 5% en 2019 tandis que l’inflation et la situation des comptes publics paraissent sous contrôle. Le pays reste néanmoins vulnérable à tout choc externe en raison d’une balance commerciale structurellement déficitaire, d’une faible valeur ajoutée de ses exportations et d’une dette externe principalement contractée par le secteur privé et les grandes entreprises publiques, qui représentent plus de 107% du PIB. La poursuite de réformes structurelles dans le domaine de l’éducation, des infrastructures physiques et du renforcement du cadre des affaires s’avère importante pour renforcer la croissance sur le long terme et la rendre plus inclusive.

Daniel GALLISSAIRES, Chef du Service économique régional d’Ankara