Le premier Sommet mondial de l'aviation s’est tenu les 15 et 16 janvier à Mumbai, dans l’Etat du Maharashtra, en Inde.

L’objectif des rencontres organisées (débats en séance plénière et tables rondes sur invitation) était de lancer le dialogue sur différents sujets du transport aérien du futur en Inde et dans le monde tels que les drones, le transport aérien abordable, l’utilisation de carburants durables, le développement des infrastructures, l’importance des politiques publiques pour encourager le transport aérien et de fournir à la communauté internationale du transport aérien une plate-forme pour débattre des défis auxquels le secteur est confronté du fait de la croissance extraordinaire et pour comprendre comment les innovations technologiques modifieront le transport aérien à l'avenir.

Le sommet a réuni des représentants de l'écosystème mondial de l'aviation, compagnies aériennes,  constructeurs,  investisseurs, institutions bancaires, agences de développement des compétences et représentants des États. Il est à noter la participation de 13 ministres des transports et de l'aviation civile, de 36 autorités de l'aviation civile, de 800 délégués et de plus de 35 exposants de plus de 80 pays du monde. Ce sommet était donc une véritable réussite de ce point de vue.

Outre M. Fadnavis, le Chef de l’état fédéré du Maharashtra, qui accueillait l’événement, M. Suresh Prabhu, ministre de l'Aviation civile et du Commerce et de l'Industrie, M. Olumuyiwa Bernard Aliu, président du Conseil de l'OACI, M. Jayant Sinha, ministre d’Etat de l’Aviation Civile, M. Choubey, Secrétaire de l’aviation civile, et M. Sandip Somany, président de la FICCI (chambre de commerce), co-organisteur de l’évènement, ont participé à la séance inaugurale.

Rappelant que le transport aérien en Inde a connu une croissance annuelle de 20% sur le marché domestique au cours des quatre dernières années, le ministre de l'Aviation civile, du Commerce et de l'Industrie, M. Suresh Prabhu, a indiqué qu’il était de la responsabilité des politiques publiques de garantir des trajets encore plus sûrs, plus fluides et qui prennent en compte les impératifs de développement durable. Il a précisé que Bombay étant le centre financier et commercial il voulait en faire un centre logistique en matière aérienne.

M. Olumuyiwa Bernard Aliu, président du Conseil de l'OACI, a déclaré que si la dynamique de croissance du marché indien de l'aviation se poursuivait, le pays deviendrait très prochainement le troisième plus grand marché de l'aviation au monde. Cette croissance devait aussi s'accompagner de la nécessité d'assurer des vols durables en réduisant les émissions de dioxyde de carbone, et en développant les compétences des professionnels de l'aviation pour assurer une sécurité sans faille. Il a confirmé que le dernier audit de l’OACI en matière de sécurité aérienne avait montré une réelle amélioration de la sécurité en Inde.

Le choix de Mumbai comme lieu du sommet a été expliqué à la fois par M. Prabhu et CM Devendra Fadnavis, qui ont déclaré que la ville était l’une des plus anciennes et des plus dynamiques de la fédération indienne et que par ailleurs, l’État fédéré du Maharashtra imaginait déjà l’aéroport de Nagpur comme un hub national et international à court terme. Selon les autorités : « Le rêve du Premier ministre Modi que tout indien puisse voler est déjà en train de devenir réalité ici ».

Le Chief Minister Fadnavis (le plus haut représentant du pouvoir dans l’état fédéré) a également déclaré qu'une stratégie avait été mise en place pour un écosystème homogène qui favorise une croissance accrue du secteur de l'aviation dans son Etat.

Le Maharashtra est un État industriel où le secteur de l'aviation est significatif. Citant la construction du nouvel aéroport de Navi Mumbai, qui devrait être opérationnel d'ici 2020, le ministre a déclaré que l'aéroport offrirait une expérience unique aux voyageurs. Ce nouvel aéroport devrait ajouter 1% au PIB de l’état du Maharashtra, où, par ailleurs, 9 projets d’aéroports devraient voir le jour.

Citant l’aéroport de Nagpur, M. Fadvanis a affirmé qu’il était idéalement situé à environ une heure de vol de tous les aéroports indiens et pouvait permettre plus de connectivité entre l’Asie du Sud-Est et l’Europe. Un hub passagers et cargo sera également créé, tandis que Boeing a déjà commencé à fabriquer quelques composants d'avion à Nagpur. D'autres sociétés ont manifesté leur intérêt pour la mise en place d'installations d'aviation à Nagpur.

M. Jayant Sinha, ministre d’Etat de l'Aviation civile, a pour sa part rappelé comment la devise du premier ministre, Narendra Modi, "Réformer, exécuter, transformer, puis informer" était devenue une réalité dans le secteur de l'aviation.

S'exprimant au sujet de la croissance exponentielle du secteur, M. Sandip Somany, président de la FICCI, a déclaré: "Le marché de l'aviation en Inde vaut désormais 2 milliards de roupies, tout comme les télécommunications et les chemins de fer ».

Voler pour tous

La séance inaugurale a principalement abordé le thème principal du sommet, "Voler pour tous", faisant écho au plan UDAN qui vise à rendre le voyage aérien abordable pour les citoyens indiens.

Le document Vision 2040 du gouvernement indien estime à 1, 12 milliards le nombre de passagers indiens en 2040, contre 187 millions en 2018. Ce document a été rédigé par KPMG en relation avec les chambres de commerce indiennes.

L’Inde devrait disposer d’une flotte de 2 359 avions, et de 190 à 200 aéroports, certaines villes comme Delhi et Mumbai comptant jusqu’à 3 aéroports.

Aéroports du futur

M. Choubey a dit qu’il fallait passer moins de temps dans les aéroports. Il a déclaré vouloir passer de 2 heures à ½ heure dans l’aéroport. Le Gouvernement indien a créé la plate-forme Digi-Yatra qui vise à terme à supprimer toute intervention humaine pour les formalités de police et de sureté. Elle servira à s’enregistrer en ligne avec un système de reconnaissance faciale.

Les infrastructures aéroportuaires existantes en Inde et dans de nombreux marchés matures du monde ne seront pas en mesure de faire face à la croissance attendue.

Spice Jet une des principales compagnies à bas cout à forte croissance a tenu à rappeler que le manque d’infrastructure gênait la croissance notamment à Delhi et à Mumbai. Dans les 3 ans il fallait revitaliser au moins 55 aéroports ce qui donne une idée du défi à relever. L’investissement dans les infrastructures aéroportuaires, hors le coût d’acquisition des terrains, pourrait représenter 2 milliards de dollars.

Le rapport Vision 2040 préconise la mise en place en Inde de bailleurs pour le financement de la flotte et de MRO.

Le ministère de l’Aviation Civile qui n’est pas le commanditaire du rapport, a précisé qu’il s’en inspirerait pour les actions à entreprendre pour proposer un cadre réglementaire conforme aux besoins de l’industrie.

L’Inde a élaboré un plan clair visant à attirer des capitaux privés pour la construction d’infrastructures aériennes et ses investissements visant à améliorer l’expérience des passagers sont des mesures qui amélioreront la compétitivité du système de transport indien au niveau mondial.

Selon Angela Gittens, Directrice générale de ACI World (Conseil Aéroport International), «Les investissements privés dans les aéroports du monde entier se sont révélés essentiels pour améliorer l'expérience client et les aéroports accordent une importance accrue à cela dans la planification de leurs activités. Il s’agit d’un marché très concurrentiel et les aéroports comprennent l’importance de comparer leur performance en matière de qualité de service à celle de l’industrie ».

La seconde vague de privatisation en cours en Inde devrait donc permettre d’améliorer le niveau de services et l’expérience passagers.

Drones

Parmi les autres thèmes abordés pendant le Sommet, il convient de souligner l’importance dévolue par les autorités d’aviation civile indienne aux drones.

Depuis le 1er décembre 2018, l’Inde a promulgué sa réglementation sur les drones, avec le principe de l’enregistrement sur la plateforme Digital Sky qui fournit également l’autorisation de voler selon le principe NPNT (no permission, no take off).

Le ministre d’Etat à l’aviation civile, M. Jayant Sinha entend faire de l’Inde un pays pilote pour les drones, et espère la création d’une filière drones indienne. Les investissements étrangers sont autorisés à 100% pour la fabrication de drones à usage commercial en Inde.

A terme, Jayant Sinha annonce l’utilisation d’algorithmes pour piloter les drones et un couloir dédié dans l’espace aérien. Il prédit déjà que les particuliers pourront utiliser leur drone-taxi pour se déplacer de point à point.

M. Choubey a affirmé que la technologie des drones était la prochaine technologie disruptive. Elle va être utilisée autant par les sociétés pour des utilisations industrielles (surveillance d’installations, agriculture) que par le citoyen de base pour se faire livrer des biens ou se déplacer. Le drone est fait pour les « masses » selon lui.

Andrew Herdmann, Association des compagnies aériennes de l’Asie-pacifique a affirmé que les drones étaient disruptifs pour deux raisons : d’une part l’introduction de l’autonomie (drones autonomes) dans un trafic aérien qui est largement géré par l’être humain aujourd’hui et d’autre part le nombre d’aéronefs puisqu’on va passer de 55 000 avions dans le monde à des millions de drones potentiels. Il faudra selon lui automatiser l’ATM.

Jon Damush, Directeur Boeing Next a précisé qu’il y avait un très fort partenariat entre la FAA et l’industrie pour conduire l’industrie du drone américaine au succès.

Piotr Samson, DG de l’aviation civile polonais a affirmé que pour l’instant les drones étaient encapsulés dans des espaces ségrégés mais qu’avec le développement du transport urbain et de la demande de flexibilité cela ne marchait plus.

Des intervenants ont souligné que les big data seront utilisées pour personnaliser l’offre. Facebook ou des outils équivalents seront utilisés par les compagnies aériennes pour mieux cerner leur client et s’adapter à leurs besoins.  M. Choubey a souligné que la Cour suprême d’Inde avait un oeil sur le problème de la protection de vie privée car des hackers pouvaient voler ces données et qu’il fallait garantir que les données soient utilisées conformément à leur destination.

M. Bertrand de Lacombe, représentant officiellement la DGAC et le MTES, a participé à la table ronde des régulateurs et au débat sur l’aviation verte, aux côtés de représentants de la Commission européenne et de pays membres de l’Union européenne.