La loi de finances pour 2019 reconduit le programme Impresa 4.0 (anciennement Industria 4.0) mais diminue les taux de suramortissement applicables aux investissements. Les évaluations récentes concluent à l’effet favorable du programme sur l’investissement privé dans les technologies 4.0, malgré une difficulté à atteindre les petites entreprises, principalement dans le Sud et dans les secteurs d’activités artisanaux et traditionnels.

1.- La loi de finances pour 2019 maintient partiellement les aides fiscales consacrées au programme Impresa 4.0 et en diminue les taux

Le programme Impresa 4.0 (initialement dénommé Industria 4.0) a été lancé par le gouvernement Renzi en 2016. Il prévoit un ensemble de mesures pour stimuler la recherche et l’innovation, ainsi que la modernisation et la numérisation des entreprises domiciliées en Italie. Les mesures phares de ce programme sont l’application de suramortissements comptables pour la transformation numérique des entreprises. Le programme prévoit aussi un fonds de garantie pour l’accès au crédit des industries, un crédit d’impôt pour les investissements en recherche et développement, le renforcement des compétences numériques et le soutien aux entreprises via des centres locaux de compétences et d’essais. Onze briques technologiques sont ciblées (voir leur liste en annexe).

La loi de finances pour 2019 a diminué le niveau des suramortissements liés au programme. Dans le projet de loi présenté fin novembre au Parlement, le gouvernement M5S-Ligue a proposé la diminution de la dépense prévisionnelle liée au programme, dans un contexte de recherche d’économies pour financer les mesures phares du programme de coalition. Les taux de suramortissements étaient jusqu’alors respectivement de 150% (« hyper amortissement » pour la transition numérique) et de 30% (« super amortissement » pour la modernisation industrielle) de la valeur comptable des actifs, pour un plafond éligible de 20 millions d’euros par type d’investissement. Le taux de l’ « hyper amortissement » a été porté, dans le projet de loi du gouvernement, à entre 50% et 150% selon la valeur des investissements, tandis qu’il était mis fin au « super amortissement ». Cela permettait de diminuer la dépense estimée à à 10 Md€ sur la période 2019-2023, contre les 12 Md€ prévus par le gouvernement précédent. L’association des industriels, Confindustria (équivalent du MEDEF) a vivement critiqué cette proposition, qui pénalisait, selon cet organisme, particulièrement les PME, qui disposent de moyens limités alors qu’elles constituent la cible du programme en raison de leur retard en termes d’innovation par rapport aux grandes entreprises. La Commission des finances de la Chambre des députés a rehaussé légèrement les taux, les portant à entre 50 et 170%. Ces niveaux de taux ont été confirmés dans la loi publiée, qui prévoit également un suramortissement de 40% sur les investissements en biens immatériels (logiciels) effectués en complément de l’achat de nouveaux équipements industriels éligible à l’ « hyper amortissement ».

 

2.- Cette décision intervient alors que plusieurs rapports d’évaluation dressent un bilan favorable de la première année de mise en œuvre du programme.

 

Le rapport du ministère du développement économique publié en juillet 2018 dresse un premier bilan favorable du plan Impresa 4.0.

 

2.1- Le programme s’est accompagné d’un développement du marché des technologies 4.0

 

Les investissements en machines-outils et équipements numériques effectués sur la période janvier-novembre 2017 par l’industrie italienne (80 Md€) représentent une augmentation de 11% de la valeur du marché intérieur de ces biens par rapport à la même période en 2016. Le rapport attribue cette augmentation à Industria 4.0, mais d’autres facteurs pourraient avoir joué, comme la plus grande diffusion de ces technologies.

Environ la moitié des entreprises qui ont effectué des investissements depuis la mise en place du programme Industria 4.0 considèrent que leur décision d’investir a été influencée par la possibilité de bénéficier du super-amortissement (62%) ou de l’hyper-amortissement (47%). Ce deuxième dispositif n’est considéré important que par un nombre limité de petites entreprises (33% environ), mais il est jugé « assez » ou « très » significatif par la plupart des moyennes et grandes entreprises (52% et 55% respectivement).

 

2.2.- En termes d’investissements 4.0, la taille de l’entreprise fait la différence

 

Seul 8,4% du total des entreprises italiennes ont adopté une technologie « 4.0 ». Ce chiffre peut paraitre faible, mais cela tient au très grand nombre de TPE et de PME dans le tissu industriel italien. Ainsi, ce ratio s’élève à 35,5% s’agissant des entreprises de taille moyenne et à 47% pour les ETI et les grandes entreprises, alors qu’il n’est que de 18,4% et de 6% pour les petites et les très petites entreprises.

 

Les investissements au titre d’Impresa 4.0 sont contrastés entre le Centre-Nord (9,2% des entreprises) et le Mezzogiorno (6,1%). Pour les entreprises de taille moyenne, on constate que l’écart Nord-Sud est de 17,1 p.p. (37,1% vs 20%) ; s’agissant des entreprises de taille supérieure, l’écart est moindre, mais reste important (48,2% vs 34,9%). On retrouve cet écart dans les prévisions d’investissement dans les trois prochaines années : environ 11% des entreprises du Centre-Nord adopteront des nouvelles technologies « 4.0 », contre 8,1% des entreprises du Sud. En moyenne, les entreprises ayant adopté des technologies « 4.0 » comptent environ 30 salariés, contre 12 pour les entreprises ayant prévu de le faire et 7 pour les entreprises manufacturières traditionnelles.

L’étude conclut que les petites entreprises industrielles ont moins les moyens d’effectuer une transition numérique en raison, d’une part, de leur petite taille, et d’autre part, de leur gestion, très souvent familiale. Le premier facteur limite les moyens financiers à disposition pour les investissements, et le deuxième limite le renouvellement du management, et donc l’innovation dans la gestion.

2.3.- Le nombre et la nature des technologies adoptées varient en fonction de la taille de l’entreprise

Si l’on se concentre sur les entreprises qui ont investi dans les technologies 4.0, on constate que la technologie la plus diffusée est l’internet des objets industriels (IoT), adopté par 30% des entreprises « 4.0 », suivi logiquement par des dispositifs de cyber-sécurité (23% en moyenne, 33% pour les ETI et les grandes entreprises). La gestion des données (cloud, intégration verticale et/ou horizontale) concerne environ 17% des entreprises (25% pour les ETI et les grandes entreprises).

Le nombre et la nature des technologies adoptées varient en fonction de la taille de la société. La plupart des petites et des très petites entreprises choisit d’investir soit exclusivement dans la gestion des données (50%), soit dans des nouvelles machines industrielles (15% environ) ; seulement un tiers d’entre elles investissent dans les deux domaines (34%), alors que la moitié des entreprises moyennes (50%) et la plupart des grandes entreprises (69,2%) le font.

 

3. L’innovation et la performance à l’export apparaissent corrélées.  

 

Les industries « 4.0 » sont également celles qui exportent le plus : le taux d’entreprises exportatrices est d’environ 65% parmi les sociétés qui viennent d’adopter des nouvelles technologies, ou qui en emploient modérément, et de 75% pour les entreprises qui ont investi de longue date dans le « 4.0 ». Pour les industries traditionnelles, ce taux s’élève à environ 36%.

 

La plupart des secteurs d’excellence de l’industrie italienne sont très impliqués : la mécatronique (24% des entreprises « 4.0 » et 49% des effectifs), l’industrie des transports (15% ; 42%), la chimie et la plasturgie (16% ; 32%) et la papèterie (14% ; 22%). D’autres secteurs de pointe, comme l’alimentaire, la mode et l’ameublement sont au contraire caractérisés par une production de type traditionnel, avec un taux d’entreprises « 4.0 » de 5% ou inférieur.

 

Annexe : les technologies « 4.0 » éligibles au dispositif fiscal d’ « hyper-amortissement »