La France, une destination privilégiée des investissements suisses
En 2023, la Suisse s’est classée au 2ème rang des pays investisseurs en France, avec un stock d’IDE de 114 Mds EUR (selon la Banque de France), derrière les Etats-Unis mais désormais devant l’Allemagne. L’industrie manufacturière représente l’essentiel de ces investissements, a fortiori ces dernières années. La Suisse est également le 3ème employeur étranger avec près de 300 000 personnes travaillant au sein de ses 1 300 filiales recensées en France. De façon générale, l’économie française est particulièrement appréciée des groupes suisses pour la taille et la résilience de son marché, son vivier de talents et son écosystème d’innovation. Les incertitudes actuelles pourraient toutefois peser sur les décisions à venir des prochaines années, les craintes des investisseurs suisses se concentrant sur (i) l’incertitude juridique et fiscale et (ii) la possible remise en cause des aides publiques sur le soutien à l’innovation (CIR) et la formation (apprentissage).
I. En 2023, la Suisse se hisse à la 2ème place des investisseurs étrangers en France
Le stock d’IDE détenus en France par des entreprises suisses s’établissait en 2023 à 114 Mds EUR selon la méthodologie de la Banque de France du pays de l’origine ultime, soit 14 % de l’ensemble des IDE en France, faisant de la Suisse le 2ème investisseur étranger en France, derrière les Etats-Unis (142 Mds EUR) mais devant l’Allemagne (112 Mds EUR). Le montant du stock d’IDE suisses en France a plus que doublé en 10 ans. La progression est particulièrement marquée pour l’industrie manufacturière, branche pour laquelle les investissements suisses représentent aujourd’hui un stock de plus de 70 Mds EUR (montant qui a doublé depuis 2017), soit 60 % du stock d’IDE.
Reflets de l’imbrication des spécialisations économiques des deux pays, les investissements suisses en France s’orientent vers des secteurs dans lesquels les tissus industriels franco-suisses s’avèrent complémentaires :
- Dans l’industrie chimique (38 % des IDE suisses en France), le partenariat franco-suisse est marqué par la présence historique de Nestlé au capital de L’Oréal (20 % des parts). De grands groupes suisses tels Givaudan, Firmenich ou Lalique ont choisi la France pour y produire leurs parfums et arômes. La société genevoise Klesch y mène en outre des activités vinyliques (PVC, soude, chlore) rachetées à Arkema en 2011, tandis que le leader de l’étanchéité zougois Sika y fabrique des solutions chimiques pour le bâtiment.
- Les investissements suisses sont aussi particulièrement importants dans la construction (10 %), en particulier depuis l’acquisition du cimentier Lafarge par Holcim en 2015 (100 M EUR investis/an).
- Dans l’industrie alimentaire (9 %), les IDE suisses sont notamment liés aux activités de production et de recherche du géant agroalimentaire Nestlé, et, dans une moindre mesure, du groupe Bell Food.
- L’industrie pharmaceutique (2 %) est représentée par les leaders mondiaux Roche et Novartis (rachat d’Advanced Accelerator Applications pour 3,9 Mds USD en 2017).
- Les groupes suisses sont également très présents dans l’industrie électronique (STMicroelectronics), les transports et les machines (MSC, Liebherr, Bücher) ou l’industrie de pointe (Oerlikon, Bobst).
Pour les activités de services :
- L’attractivité continue des investissements locatifs en France pour les investisseurs helvétiques, bien moins onéreux qu’en Suisse, explique la forte part de l’immobilier (18 % des IDE suisses en France).
- Dans le secteur bancaire et financier (4 %), les investissements suisses s’orientent vers les services financiers, les activités de holding et les assurances, avec la présence de Swiss Life dans l’épargne et l’assurance-vie (25 entités et 2 500 emplois) et de Zurich Insurance sur le segment entreprises, où il figure parmi les 5 plus principaux assureurs en France.
II. Avec 1 300 filiales françaises, la Suisse est le 3ème employeur étranger en France
La Suisse est également le 3ème employeur étranger en France : les 1 300 filiales d’entreprises helvétiques établies en France emploient ainsi près de 300 000 salariés, dont 117 000 dans la « production » (hors services, recherche, ingénierie, etc.), faisant de la Suisse le premier pays étranger créateur d’emplois de production dans l’Hexagone.
Les principaux employeurs suisses en France sont :
- Nestlé, avec des effectifs de 13 000 salariés répartis sur 14 sites industriels et 4 centres de recherche ;
- Le logisticien Kuehne+Nagel, qui compte près de 11 000 personnes et 113 implantations ;
- Le fabricant de semi-conducteurs STMicroelectronics, qui emploie environ 10 300 travailleurs ;
- Le leader européen du travail temporaire Adecco, fort de 4 000 collaborateurs permanents et 900 agences ;
- Le distributeur automobile Emil Frey, dont les 266 concessions emploient plus de 10 000 collaborateurs.
En 2024, la Suisse a été à l’origine de 64 projets d’investissement en France, après 84 en 2023. La France constitue en quelque sorte une base arrière pour les activités de production suisses (accès au foncier et à la main d’œuvre) tout en restant un marché stratégique en Europe permettant d’accéder à des marchés tiers. La France capitalise sur la présence étendue et diversifiée des entreprises suisses sur son territoire, preuve d’une confiance dans la durée dans l’attractivité économique française.
III. La Suisse apporte une contribution très significative à Choose France depuis la création du sommet en 2018
Signe de l’intérêt continu des dirigeants d’entreprises suisses pour développer leurs activités sur le territoire français, la Suisse fait partie des pays les plus représentés au Sommet Choose France (4ème délégation étrangère en nombre de CEO présents en 2022 et 2023). Six entreprises suisses (Givaudan, MSC Croisières, Axpo, Sandoz, Holcim, Adecco) ont pris part à la 8ème édition du Sommet le 19 mai 2025. MSC Croisières y a annoncé la commande de deux nouveaux navires aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire. Avec cette commande, l'investissement direct total de MSC Croisières en France au cours des deux dernières décennies s'élève à plus de 18 Mds EUR (dont environ 3,5 Mds EUR pour les deux nouveaux navires). Outre leur impact en termes d’investissements, ces livraisons bénéficient fortement au commerce extérieur de la France, comme cela a été le cas au 1er trimestre de cette année avec la livraison du paquebot MSC World America.
IV. Les PDG suisses confirment l’amélioration tendancielle de l’image de la France à l’étranger
Sur le long terme, la France reste une destination d’investissement prioritaire pour les entreprises suisses, malgré un contexte international dégradé du fait de la guerre en Ukraine, de l’oppostion des grands blocs régionaux (Chine, Etats-Unis) et des difficultés conjoncturelles en zone euro. La concurrence avec les autres pays européens, notamment de l’est et du sud, demeure néanmoins forte.
Les facteurs d’attractivité de l’économie française soulignés par les investisseurs suisses concernent :
- Le fait que la France reste un débouché important pour les entreprises suisses, avec un marché huit fois plus grand que le marché domestique et où elles continuent de réaliser des profits élevés, même en période de crise. Les revenus d’IDE suisses en France, qui mesurent la rémunération des activités des multinationales à l’étranger, ont atteint 5,4 Mds EUR en 2021 selon la Banque de France (13 % du total monde) – un plus haut historique, supérieur aux revenus des IDE allemands et américains.
- Les capacités d’innovation de l’économie française qui sont pleinement reconnues : nombre de groupes suisses choisissent la France pour y implanter des centres de recherche et des bureaux d’études ou pour y réaliser des prises de participation et des acquisitions stratégiques. Les entreprises suisses présentes en France se disent très satisfaites des mesures de soutien à la R&D comme le crédit impôt recherche et le statut Jeune Entreprise Innovante.
- Les pôles de compétitivité français, connus et appréciés des entreprises helvétiques, qui peuvent y trouver des écosystèmes entiers n’existant pas dans leur pays d’origine (ex : secteur automobile), dont la taille est bien plus conséquente (ex : filière bois), ou qui s’inscrivent en complémentarité avec les spécialisations suisses (ex : santé, horlogerie-joaillerie). Les groupes suisses ont à cœur de s’y insérer pleinement en nouant des contacts avec les pouvoirs publics locaux, des laboratoires de recherche et des universités. De manière générale, les groupes suisses sont intéressés pour baser des centres de R&D en France, moins à y implanter de nouvelles entités de production.
- Le système «tech» français, perçu comme excellent par les investisseurs suisses, qui regrettent néanmoins parfois le manque de capitaux disponibles pour lever davantage de fonds.
- Le vivier de talents (malgré la pénurie de profils techniques) et la qualité de la main-d’œuvre, en particulier dans les sciences de l’ingénieur, la recherche médicale, l’informatique et le management.
- Enfin, les réformes pro-business, bien connues des milieux d’affaires suisses (ex : loi PACTE) et l’importance du financement public qui s’il ne constitue pas l’élément central d’une décision d’investissement pour des entreprises habituées à un modèle économique très libéral, reste très appréciée.
Pour décider de leur implantation à l’étranger, les investisseurs suisses s’intéressent plus particulièrement (i) à l’espace disponible - foncier - et aux infrastructures (étant porteuses d’un nombre significatif de projets de très grande ampleur) ; (ii) au calendrier de déploiement du projet ; (iii) au niveau d’aides publiques (qui n’est néanmoins pas nécessairement une priorité) ; (iv) au vivier de main-d’œuvre disponible (les compétences des travailleurs français sont régulièrement soulignées) ; (v) à l’importance des débouchés (la France est louée pour la diversité de sa base industrielle ainsi que pour l’efficacité de ses réseaux de distribution) ; (vi) au potentiel de R&D et d’innovation (jugé élevé en France) ; (vii) à l’amélioration ces dernières années du cadre réglementaire (appelant toutefois à une meilleure lisibilité -et stabilité- du droit du travail) ; ou encore mais de façon plus marginale (viii) au taux de fiscalité des entreprises (la baisse progressive de l’IS est saluée) ; enfin, naturellement, (ix) à la taille du marché.
Commentaire : Les difficultés actuelles des finances publiques françaises et les décisions des agences de notation sont suivies de près par les entreprises suisses. Conscients des problèmes budgétaires que rencontre la France, les groupes suisses restent toutefois plutôt confiants s’agissant de la résilience de l’économie française, à la condition néanmoins que les réformes pro-business conduites ces dernières années ne soient pas remises en cause. L’inquiétude actuelle est surtout polarisée autour de la hausse du coût du travail, en comparaison notamment d’autres pays, notamment à l’est de l’Europe, la fin du dispositif ARENH et ses conséquences en termes de sécurisation de l’énergie (et de prix), et le risque de voir se développer une incertitude juridique et fiscale. L’incertitude géopolitique particulièrement élevée depuis les mesures tarifaires annoncées par le Président américain pèse également sur les décisions d’investissement des entreprises suisses.