Un environnement international marqué par la présence de vents contraires

La Banque souligne les risques afférents à la normalisation du cycle monétaire international, et notamment de la Fed, qui devrait entrainer un reflux sensible des capitaux des économies émergents et exercer, par percolation, des pressions à la hausse sur la politique de taux de ces dernières. Elle rappelle, par ailleurs, les risques liés à la recrudescence des tensions commerciales et géopolitiques, qui pourrait à terme obérer le rééquilibrage du solde des transactions courantes, et exacerber la volatilité des flux de capitaux ainsi que du taux de change.

Au niveau national, le rapport met en lumières l’accroissement du degré d’interconnexion et d’exposition entre les acteurs du secteur financier (bancaire et non-bancaire) depuis quelques années et limite, partant, le risque de contagion lié à la défaillance d’un des acteurs. L’Institut d’émission souligne ainsi sa préoccupation quant à la situation du secteur financier non-bancaire, qui, s’il ne fait pas peser de risques immédiats sur la stabilité financière, apparaît de plus en plus interconnecté au secteur financier bancaire. Si le secteur financier non-bancaire demeure secondaire en termes d’actifs totaux, la Banque met en exergue les risques associés à la hausse des interrelations entre les institutions financières bancaires et non-bancaires. En effet, le rapport souligne qu’en l’absence de garantie publique implicite, les risques de contagions en cas de défaillance d’une des parties seraient significatifs.

Une situation qui s’accompagne d’une dégradation de la santé financière du secteur financier non-bancaire. Les 10 190 entreprises du secteur financier non-bancaire affichent, en dépit du recul du bénéfice net (16,2%, contre 22,9% en mars), une amélioration du rythme de progression de leurs encours (17,2% en glissement annuel, contre 15% en mars), avec notamment des taux de rendement des actifs et des capitaux propres de respectivement 1,8% (1,7% en mars) et 4,4% (7,5% en mars) en termes annuels. Toujours bien supérieur au plancher réglementaire de 15% des APR, leur ratio d’adéquation des fonds propres (Tier 1 + Tier 2) s’établit toutefois en baisse en septembre, à 21% (voir ci-contre) ; en cas de choc exogène sévères, les stress test de la RBI indiquent que 12% des entreprises du secteur ne seraient pas capable de maintenir le ratio d’adéquation des fonds propres. Enfin, la part des prêts non-performants dans les encours, en hausse par rapport à l’année dernière (+ 0,9 point à 6,1%, + 0,3 point par rapport à mars), demeure cependant nettement en-deçà de celle du secteur bancaire.

Dans un contexte marqué par une amélioration de la qualité des encours dans le secteur bancaire

La proportion d’actifs non-performants (PNP) dans les encours des banques commerciales atteidrait ainsi 10,8% fin septembre 2018, en baisse par rapport au chiffre de mars dernier (à 11,5%). Le ratio de PNP affiche, selon le Rapport semestriel sur la stabilité financière de la Banque centrale, une contraction pour la première fois sur les trois dernières années. De plus, les projections de l’Institut d’émission (scénario de base) suggèrent une baisse continue de la part des PNP, qui devrait s’établir à 10,3% en mars 2019, et à 10,2% à l’horizon du mois de septembre 2019. Le taux net de prêts non-performants s’affiche aussi en repli : il passe de 6,1% en mars 2018 à 5,3% en septembre 2018 (7,6% pour les banques publiques, 1,7% pour les banques privées indiennes, 0,5% pour les banques étrangères) grâce à la hausse des provisions, qui atteignent en moyenne 52,4% des PNP en septembre 2018 (en hausse de 4 points par rapport à mars). 

De plus, l’assainissement des encours de crédit devrait se poursuivre à court terme : la part des PNP serait ainsi susceptible, avec un paramétrage neutre (baseline scenario : croissance réelle de 7,2% de la valeur ajoutée, cible de déficit respectée à 3,3% du PIB, inflation contenue à 3%), d’atteindre 10,2% à un horizon d’un an (septembre 2019) selon les tests de résistance (stress tests) conduits par la RBI. Il atteindrait 10,5% en cas de chocs modérés et 10,8% en cas de chocs sévères (respectivement 14,3%, 14,4% et 14,5% pour les seules banques publiques). Si le ratio d’adéquation des fonds propres du secteur reste, au niveau consolidé, sensiblement au-delà des exigences de Bâle III (13,7% en septembre 2018), on notera d’importantes disparités entre groupes de banques : 11,3% (dont 4,8% au titre du capital Tier 1) pour les banques publiques, 16,5% pour les banques privées à capitaux indiens (9,7% en capital Tier 1), 17,4% pour les banques étrangères (9,9% en capital Tier 1).

Marqué par une dynamique de consolidation généralisée

La part des PNP s’affiche en baisse dans l’ensemble des catégories de banques : elle ressort à 3,6% pour les banques étrangères (contre 3,8% fin mars), 3,8% pour les banques privées à capitaux indiens (4% fin mars) et à 14,8% pour les banques publiques (15,6% fin mars). La proportion des prêts non-performants atteindrait même 15,4% dans les banques publiques (11,3% pour l’ensemble des banques commerciales, en baisse de 1,2 point par rapport à mars 2018) une fois pris en compte les prêts restructurés, dont la part relative tend toutefois à baisser ; la contraction des actifs non-performants semble, ainsi traduire, dans l’ensemble, une certaine épuration des actifs toxiques dans le secteur bancaire indien ; une évolution positive qu’il convient de mettre en parallèle au rebond marqué des encours de crédit sur la période (+ 12% en moyenne entre mars et septembre 2018), ce qui soutient, toutes choses égales par ailleurs, le repli de la proportion des prêts non-performants dans les encours totaux. En outre, les chiffres de la RBI laissent apparaître une convergence du rythme de progression des prêts-non performants entre les différents types de banques. 

Alors que le secteur industriel demeure le plus exposé

Essentiellement imputables aux gros emprunteurs[1] (exposition supérieure à 50 Mds ₹), les actifs toxiques sont essentiellement concentrés dans le secteur industriel, où la part des prêts non-performants atteignait fin mars 20,9% (voire 21,8% avec les prêts restructurés), contre respectivement 8,4%, 2,1% et 6% (8,6%, 2,1% et 6,5% avec les prêts restructurés) dans le secteur agricole, la distribution et les autres services. Notamment, la part des PNP atteindrait 34,2% dans le secteur des métaux de base (qui représente 12,7% des encours de crédit totaux du secteur secondaire), 20% pour le secteur des infrastructures (35,5% des encours totaux), 18,7% dans celui du textile (7% du total des encours), 21,4% dans le secteur agroalimentaire et 28,3% dans celui de l’ingénierie. On notera l’apurement d’une partie des encours toxiques de la branche des métaux de base, qui a connu une baisse de la part des PNP, à 34,2% en septembre contre 46,3% en mars 2018.

Et que les risques pesant sur la stabilité financière demeurent

D’une part, et alors que la part de PNP a diminué, le ratio d’adéquation des fonds propres moyen (à 13,4% fin septembre) s’établirait, selon les tests de résistance de la Banque, à 12,9 % des APR en mars 2019, dans le cadre du scénario de base. Notamment, il s’ajusterait à 12,1 % en mars en cas de chocs sévères et à 11,5% à l’horizon septembre 2019 (voir ci-contre). En cas de chocs sévères, le rapport met en exergue la fragilité de 18 banques (soit 31,7% des actifs totaux), qui apparaîtraient incapables de faire face, sur la base de leurs provisions et performances actuelles, à des pertes inattendues.

On notera, par ailleurs, que le marché interbancaire, qui représente environ 3,8% des actifs du secteur bancaire, marquait, en septembre, une contraction de 0,7 point de pourcentage en glissement annuel. Dans ce segment, les banques publiques détiennent 53,1 % des encours totaux, en baisse constante sur les 3 dernières années (voir ci-contre), alors que le rôle des banques indiennes à capitaux privés affiche une progression soutenue pour atteindre 31,1 % des actifs totaux (les banques étrangères disposent par ailleurs de 15,8% du marché).

De plus, la performance nette du secteur bancaire s’est maintenue en territoire négatif au cours du semestre sous-revu. Le secteur bancaire affiche en effet toujours des taux de rendement négatifs, à – 0,01% pour les actifs et – 0,1% pour les fonds propres entre mars et septembre 2018, contre -0,2% et -1,9% entre septembre 2017 et mars 2018. En dépit d’une marge d’intérêt en hausse (à 2,8% pour l’ensemble du secteur en septembre), la performance du secteur a été surtout obérée par la hausse des provisions pour pertes, qui ont atteint 52,4% des PNP bruts (contre 48,1% en mars 2018). Notamment, l’excédent dégagé par les banques privées indiennes et les banques étrangères, dont les taux de rendement des actifs s’établissaient à 1,2% pour des taux de rendement des fonds propres de respectivement 10,5% et 6,9%, tend selon le rapport de la RBI à s’éroder ; on relève, par ailleurs, un arrêt de la dégradation des taux de rendement des banques publiques (taux de rendement de respectivement – 0,7% pour les actifs, contre -0,9% en mars, et – 10,2% pour les fonds propres, contre – 13,6% six mois plus tôt).

Les marges d’intérêt dégagées par les banques sont, au total, restées relativement stables : la hausse, pour la première fois sur les deux dernières années, du taux de rendements sur les actifs (8,4% en rythme annualisé) a été appuyée par le recul, consécutif sur les trois derniers semestres étudiés, des taux de rémunération du passif (5,6%) ; la Banque centrale avait, pour mémoire, rehaussé son taux directeur de 25 points de base respectivement en juin et aout 2018. La marge nette d’intérêts du secteur bancaire, stable depuis fin 2016, s’améliore à la marge, à 2,8% (2,7% sur le semestre antérieur).

Au total, l’indicateur synthétique de stabilité bancaire affiche une légère amélioration. En dépit de sa bonne orientation, l’indicateur de stabilité du secteur bancaire continue, toutefois, de mettre en exergue les vulnérabilités afférentes à la rentabilité du secteur, ainsi qu’à, mais dans une moindre mesure, la qualité des actifs.


[1] Qui représentent 83,4% des PNP en septembre, contre 85,4% six mois auparavant, et 54,6% des encours (contre 53,3 % en mars).