Pionner dans le secteur des transferts monétaires via la téléphonie mobile, M-Pesa – M pour Mobile et Pesa qui veut dire en Swahili « argent » – a été lancé en 2007 et est aujourd’hui répliqué dans plusieurs zones du monde, notamment dans d’autres pays d’Afrique mais aussi en Europe ou en Asie.

M-Pesa, à l’origine un instrument facilitant la réalisation de transferts monétaires entre des proches, a rapidement évolué pour pénétrer désormais une multitude de pans de l’économie, permettant notamment à ses utilisateurs des achats de biens et de services, le paiement des impôts via la plateforme i-Tax ou encore l’accès à des services bancaires proprement dits, via M-Schwari, une plateforme qui en est dérivée.

Aujourd’hui, près de 19 millions de Kényans font un usage régulier de M-Pesa soit près de 70 % de la population adulte. Chaque seconde, environ 900 transactions sont réalisées par ce biais. Au total, M-Pesa voit transiter 68 % des transactions monétaires du pays, représentant en valeur 7 % des montants passant par l’ensemble des moyens de paiement du système bancaire et financier kényan, soit 25 Mds USD par an ou un peu plus du tiers du PIB du pays.

Le développement de M-Pesa a eu des retombées spectaculaires sur le front économique et social depuis son lancement : 180 000 emplois ont été créés soit 8 % de l’emploi formel au Kenya ; le taux d’exclusion financière totale – autrement dit le pourcentage d’adultes qui n’ont accès ni aux services financiers formels, ni aux services informels – est passé de 38,4 % de la population en 2006 à 17,4 % en 2016, ce qui signifie qu’un surcroît de 5 millions de personnes a enfin eu accès à des services financiers de base; enfin, M-Pesa a été un vecteur de bancarisation puissant, avec un nombre de comptes bancaires associés à la plateforme égal à 31,6 millions fin 2016, un chiffre à mettre en regard des 41,7 millions de comptes bancaires classiques.

KPMG a chiffré l’« impact social » de M-Pesa à 1,8 Mds USD pour la seule année 2016, en tenant compte d’une part de l’impact économique direct de l’instrument et d’autre part des retombées en matière de bien-être sur les différentes parties prenantes : les utilisateurs, les agents, les commerçants et les employés. Publiée en décembre 2016, une étude du MIT a quant à elle mis en valeur un effet positif de M-Pesa sur la consommation, à partir du nombre d’agents M-Pesa dans un rayon de 1 km : la présence de cinq agents dans ce périmètre se traduirait par un surcroît de 6 % de la consommation moyenne par tête.

L’impact en matière de mobilisation des ressources domestiques est quant à lui plus difficile à évaluer. La taxe appliquée sur les commissions de l’opérateur téléphonique Safaricom pourrait représenter jusqu’à 0,4 % des recettes fiscales annuelles kényanes. Mais en plus, Safaricom, dont la croissance est principalement tirée par M-Pesa, est aujourd’hui le plus gros contribuable du pays avec 215 MUSD d’impôts pour l’année budgétaire 2016/2017 ; en tenant compte des dividendes versées par Safaricom à son actionnaire, l’Etat a donc perçu 592 MUSD, soit environ 5 % des recettes fiscales au cours de cette année-là. En outre, M-Pesa dispose d’un partenariat avec I-Tax, une plateforme créée en 2014 par le fisc kényan pour faciliter le paiement des impôts ; en 2017, 54 % des contribuables kényans soit 5,8 millions d’individus sont enregistrés sur cette plateforme et peuvent donc s’acquitter de leurs impôts avec M-Pesa. Enfin, la mobilisation des ressources publiques via M-Pesa a pris un autre tournant en 2016 avec le lancement fin mars de M-Akiba, une plateforme électronique d’émission et d’achats de bons du Trésor, là encore dérivée de M-Pesa ; deux émissions ont été réalisées, l’une de 1,5 MUSD et l’autre de 9,7 MUSD, avec des fortunes diverses.

Aujourd’hui, le poids de M-Pesa dans la vie quotidienne des Kenyans et, plus globalement, dans le fonctionnement de l’économie kenyane est tel que, pour la première fois, le National Treasury s’est inquiété dans la loi de finances 2017 des conséquences d’une faille du système, faille liée à un piratge informatique ou encore à un défaut de gestion de la banque Commercial Bank of Africa qui héberge les fonds M-Pesa.