Avec 150 millions d’utilisateurs d’internet et 130 millions d’actifs sur les réseaux sociaux, le secteur du numérique indonésien représente un marché très vaste. Les Indonésiens se connectent majoritairement sur leurs mobiles (83%), dont la pénétration (67%) est en constante augmentation. Le taux de pénétration global d’internet s’est hissé, lui, à 50%. En 2018, la valeur marchande de l’économie numérique indonésienne était estimée à 27 Mds USD, soit environ 2,9% du PIB national, et 38% de l’économie numérique régionale (72 Mds USD). La croissance du secteur sur la période 2015-2018 était de 49%, selon le dernier rapport Google-Temasek, il pourrait atteindre 100 Mds USD en 2025, porté par les fintech, le e-commerce et les e-services (voyages en particulier).

 

Economie numérique ASEAN Indonésie

 

Le développement du numérique s'appuie sur une large population d'utilisateurs d'internet et comble les lacunes des acteurs traditionnels dans des domaines comme les transports, le commerce, la santé ou  l'éducation

L’Indonésie compte aujourd’hui 4 des 9 licornes  de l’ASEAN. La plus importante d’entre elles, Go-Jek, une application multi-services, a étendu ses activités au Vietnam et en Thailande. Derrière elle, Traveloka, leader de la réservation de voyages en ASEAN, représenterait désormais d’une valorisation de l’ordre de 2 Mds USD. Enfin, les deux plates-formes de vente en ligne indonésienne, Tokopedia et Bukalapak, ont levé respectivement 2 Mds USD et 1 Md USD depuis 2017.

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En ce qui concerne le secteur financier, les fintechs se développent dans un contexte où l’accès aux services financiers est limité. L’Autorité indonésienne des marchés financiers (OJK) dénombrait 180 créations en 2017. Les transactions opérées par ces fintechs atteignent 18 Mds d’USD, avec un taux de croissance 2017-2021 attendu de 18%. Les banques saisissent d’ailleurs les opportunités de collaboration avec les fintechs pour étendre leur base de clients, les collaborations entre la banque BCA et l’application KlikACC (plateforme de financement), ou entre la banque BNI et GoJek pour l’octroi de microcrédits en est l’illustration. Les services financiers digitaux (SFD), fournis par les fintechs, pourraient représenter un pilier de la croissance indonésienne dans les années à venir. En effet, l’inclusion financière est faible en Indonésie, en 2017, seul 48% de la population Indonésienne était intégrée dans un réseau bancaire formel, essentiellement pour des raisons financières, géographiques et de confiance. Selon la Banque Mondiale, une augmentation de l’inclusion financière de 20% permettrait de créer 1,7 millions d’emplois.

L’Indonésie, avec sa classe de consommateurs grandissante, constitue un terrain de choix  pour le e-commerce. Celui-ci a généré 12 milliards de dollars de volume d'affaires sur l’année 2018, et pourrait générer 53 Mds USD en 2025. En 2016, pour soutenir le secteur, le gouvernement a autorisé les investisseurs étrangers à détenir 100 % du capital d’un site de e-commerce à partir de 10 Mds IDR d’investissement (7 M USD). Par la suite, la réglementation 74/2017 a défini 26 mesures pour le soutien au secteur dans 8 domaines (financement, fiscalité, protection des consommateurs, ressources humaines, infrastructures, logistique, sécurité et création d’une agence coordinatrice).

Comme pour les services financiers, les contraintes géographiques du pays constituent un terrain propice au développement du numérique pour la santé et l’enseignement. Déjà, 14% des utilisateurs de téléphone ont recours à la télémédecine en Indonésie, majoritairement en zone urbaine et 51% des Indonésiens connectés cherchent des informations médicales sur internet. Le marché de l’e-santé était à l’origine de 84 M USD en 2018, avec une croissance annuelle attendue de 8,9% pour un marché avoisinant les 99 millions USD en 2020. Alodokter, une start-up créée par un français, qui propose des informations sur la santé certifiées par des médecins, enregistre un total de 14 millions de connexions chaque mois sur son site. Par ailleurs, l’e-learning s’impose progressivement comme une solution viable au manque de qualification des travailleurs indonésiens. La taille du marché de l’e-learning a doublé, passant de 9 M USD à 19 M USD entre 2007 et 2014. D’ici 2020, les dépenses privées en éducation seraient amenées à augmenter de 47%, promettant un avenir solide au secteur.

Dans le secteur des transports, il convient de souligner le succès de Go-Jek ainsi que celui de son concurrent singapourien Grab. Go-jek a levé 1,5 Mds USD en février 2018 auprès d’une douzaine d’investisseurs, dont BlackRock et Google, portant la capitalisation de l’entreprise à environ 5 Mds USD. Si son modèle d’affaires s’est bâti sur le transport, notamment par moto, s’appuyant sur le déficit en transports publics, il s’est ensuite étendu au e-commerce, à la restauration, et même aux services d’aide-ménagère.

 Les autorités indonésiennes se sont appropriées cet enjeu en soutenant tant la transition numérique de l’administration que l’utilisation du numérique par les entreprises.

L’administration électronique, qui vise à rendre les services publics plus accessibles à leurs usagers et à améliorer leur fonctionnement interne, est au centre des préoccupations du gouvernement. Après avoir présenté une roadmap en début de mandat, celui-ci a formalisé sa stratégie dans un décret paru fin 2018 qui répartit les tâches entre les administrations : les infrastructures reviennent au Ministère des Télécommunications, tandis que la transformation numérique est pilotée par le Ministère de la Réforme Bureaucratique. Les applications de services publics se sont également développées à l'instar du guichet unique de demande de licence en ligne pour simplifier l’obtention de licences d’exploitation (Online Single Submission system). Enfin, l’application Online Pajak qui vise à simplifier le paiement des impôts pour les contribuables bénéficie du soutien des autorités. Cette start-up, créée par un français, a par ailleurs levé 25 millions USD en octobre 2018.

Les autorités encouragent la croissance de l’économie numérique par un soutien financier et règlementaire. « La stratégie nationale pour les 1000 start-ups » du gouvernement vise à soutenir la création de 1000 start-ups d’ici à 2020, pour une valorisation totale de 10 Mds USD par la création d’incubateurs et la fourniture d’accompagnement commercial. Le développement rapide du secteur nécessite des infrastructures numériques couvrant l’ensemble de l’archipel. L’accès à l’internet haut-débit est encore inégal : la vitesse des connexions se situe entre 3 et 4mbps à Java alors qu’elles n’atteignent au maximum que 300kbps en Papouasie, sans oublier la facturation élevée. Le projet Palapa Ring du gouvernement vise à réduire la fracture numérique entre les différentes îles en étendant la fibre optique à l’ensemble du territoire et en fournissant des communications par satellite/VSAT pour les régions isolées. La réglementation du secteur financier numérique (protection des consommateurs et soutien au développement des fintech), est assurée conjointement par Bank Indonesia et l’autorité des marchés financiers (OJK) qui se sont dotées de bureaux dédiés. Enfin, le ministère des finances a récemment publié une reglementation soumettant les entreprises du e-commerce à une TVA de 10% (Reglementation 210/2018).

En dépit de ces évolutions prometteuses, le cadre juridique nécessite encore d’être précisé. Les obligations de contenu local (local content) ne sont pas adaptées aux produits digitaux, qui ne peuvent par définition pas être manufacturés sur place. L’Indonésie s’efforce d’imposer aux acteurs du numérique des obligations de protection des données personnelles, et de construire un programme complet de protection des personnes. Mais, par exemple, l’obligation de stocker les données dans des data centers et data recovery centers sur le territoire indonésien (Reglementation 20/2016) est difficilement applicable pour les sociétés opérant avec des systèmes de clouds.