Amerique centrale[1] – Note de conjoncture economique, NOVEMBRE 2018

L’Amérique centrale, qui représente une population d’environ 50 M d’habitants et un PIB de 259 Mds USD (2017), continue de connaître une croissance soutenue, qui la distingue de l’Amérique du Sud et des Caraïbes. Avec une croissance moyenne de 3,7% en 2017, elle est la région la plus dynamique d’Amérique latine. Cependant, ce dynamisme ne suffit pas à pallier les retards de développement et les faiblesses institutionnelles dont souffrent la plupart des pays de la région, marqués par une violence endémique. La  crise sociopolitique en cours au Nicaragua ainsi que la crise migratoire témoignent des problèmes structurels qui continuent de peser sur la région.

Si les pays de la zone connaissent des trajectoires distinctes en matière de finances publiques, tous ont en commun une dépendance aux financements externes et une vulnérabilité face à la conjoncture américaine.

 1. La croissance de la région est relativement dynamique mais ne suffit pas à pallier les retards de développement de la région.

a) Une croissance régulière et dynamique tirée par la demande interne, mais qui risque d’être impactée par la crise nicaraguayenne en 2018

Le rythme de croissance des pays d’Amérique centrale reste soutenu à 3,7% de croissance en 2017, malgré une légère décélération par rapport à l’an dernier (+3,9% en 2016). Selon le FMI, la croissance de la région s’élèverait à 3,9% en 2018 (4,0% d’après la CEPAL) et à 4,0% en 2019. Cette croissance est supérieure à la croissance moyenne de la région Amérique latine et Caraïbes (+1,3% de croissance en 2017) (cf. annexe 1 pour la croissance par pays).

Au premier semestre 2018,  les pays de la région ont connu en moyenne une croissance régulière entre 2% et 3%. Le Panama continue d’être le pays le plus dynamique de la région avec 4,2% de croissance. Quant aux perspectives de croissance sur l’année, deux pays sortent du lot : le Panama, qui fait figure de bon élève avec une estimation à +4,6% (versus 3% pour le reste de la région), et le Nicaragua, sévèrement impacté par la crise sociopolitique qui secoue le pays depuis le mois d’avril suite à l’annonce de réforme de l’Institut nicaraguayen de sécurité sociale (INSS), provoquant un ralentissement de l’activité économique (baisse de l’IMAE[2] de -12,1%  en juin et -4,2% en juillet – g.a.). Dans ce contexte, la Banque Centrale a baissé en juin les perspectives de croissance du Nicaragua à 1% maximum pour l’année 2018 (contre 4,9% estimée initialement). Le FMI qui prévoyait une croissance de 4,7% en avril dernier, a revu son pronostic à -4,0% pour 2018.

La crise nicaraguayenne risque d’affecter la région entière : la Banque Mondiale prévoit désormais pour 2018 un taux de croissance de 2,8% pour l’Amérique Centrale (contre 3,4% estimé en août). La crise a notamment conduit à un renchérissement du coût du transport (+30% à +40% dans la région) et plus généralement, à une baisse du commerce intra régional : depuis avril, le commerce entre les pays centraméricains et le Nicaragua a chuté de 46 M USD.[3] En particulier, en août 2018, le commerce entre le Salvador et le Nicaragua a souffert de pertes équivalentes à 83% du commerce entre ces deux pays (soit 10 M USD).

La croissance des pays d’Amérique centrale est avant tout tirée par la consommation interne. En 2017, la consommation privée dans la région a augmenté à un taux annuel de 3,2% (3,8% en 2016), toutefois ralentie par la hausse des taux d’intérêts et la reprise de l’inflation. En moyenne, entre 2013 et 2017, l’apport de la consommation privée à l’expansion du PIB a été de 2,6 points de pourcentage. La consommation publique a, elle, enregistré une accélération en 2017 (+3,1% contre +2,6% en 2016).

La demande interne est tirée par l’arrivée massive de remesas, qui résulte de la hausse de la croissance américaine. Les remesas constituent désormais le flux de capitaux étrangers le plus important de la région,  dépassant l’investissement direct étranger et l’aide publique. En 2017, les pays d’Amérique centrale ont reçu près de 20 Mds USD de remesas, en augmentation de 11,9% par rapport à 2016. Ces flux de capitaux sont un apport économique très conséquent : en moyenne, ils équivalent 7,7% du PIB (en 2017)[4]. Trois pays sont particulièrement dépendants des remesas : le Salvador (20,3% du PIB – soit l’équivalent de 105% des exportations du pays), le Honduras (18,9%) et dans une moindre mesure, le Guatemala (10,9% du PIB, soit l’équivalent 70% de ses exportations) (cf. infra). A l’inverse, le rôle des remesas est beaucoup moins important au Costa Rica et au Panama, à la fois en termes de volume et de ratio au PIB (0,9% et 0,7% du PIB respectivement).

b) Une inflation et des taux de change globalement maîtrisés

L'inflation s'est accélérée en 2017 dans la plupart des pays : l'inflation s'est établie en moyenne à 3,5% en 2017, soit 1,5 point de plus que celui enregistré en 2016. Ce taux contraste avec les faibles niveaux observés les années précédentes et traduit la variation des prix internationaux des matières premières. L'inflation 2017 se situe dans la fourchette cible des banques centrales, dans les pays où elle existe. En juillet 2018, l'inflation annuelle moyenne de la région était de 2,7% : les pressions inflationnistes dues à la hausse des prix internationaux des produits primaires ont été compensées par le ralentissement de la demande intérieure.

Compte tenu des régimes de change présents dans la région (dollarisation, régime de change intermédiaire…), les taux de change ont été maîtrisés. Le Salvador et le Panama ont des régimes dollarisés, tandis que le Guatemala maintient un taux de change flottant dans le cadre d’un régime de politique monétaire ayant des objectifs explicites en matière d’inflation. Le Costa Rica, le Honduras et le Nicaragua jouissent de régimes de change intermédiaires[5]. Dans la plupart des cas, la stabilité du régime de change repose sur une politique de gestion des réserves internationales ainsi que sur des mécanismes d’intervention sur le marché des changes. Malgré des conditions financières moins favorables au premier semestre 2018 (augmentation des taux, volatilité des marchés internationaux…), les pays de la région n’ont pas subi de pressions sur leur taux de change, contrairement à d’autres pays en développement.

c) Mais des retards de développement, couplés à une violence endémique

La bonne performance économique de la région n’a pas généré les avancées espérées en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités ; dans certains pays, une stagnation voire un recul a été observé. A l’exception du Costa Rica et du Panama, dont le classement mondial pour l’indice de développement humain a stagné entre 2016 et 2017 (respectivement à la 63ème et 66ème place sur 189 pays, soient les meilleurs classements de la région), tous les pays de la région ont reculé dans ce classement. Les niveaux de développement du Guatemala, du Salvador, du Honduras et du Nicaragua sont similaires, tous classés entre la 121ème et la 133ème place – soient les pires classements de toute l’Amérique latine.

Les disparités socio-économiques restent très élevées. L’Amérique centrale reste caractérisée par des taux de pauvreté parmi les plus élevés d’Amérique latine (hors Caraïbes). A cet égard, deux pays se distinguent particulièrement : le Honduras, dont le pourcentage de la population vivant avec moins de 3,2 USD PPP par jour atteint 32% et le Guatemala (23%)[6]. A l’inverse, le Panama et le Costa Rica connaissent les meilleures performances avec des taux respectifs de 6,7% et 4,0%. A cette pauvreté, s’ajoutent des inégalités importantes : tous les pays étudiés, à l’exception du Costa Rica, sont au-dessus de la moyenne mondiale pour le « coefficient d’inégalité humaine », mise en place par le Programme des Nations-Unies pour le Développement[7]. L’indice de Gini est également supérieur à 40 – à noter que pour cet indicateur, le Panama (50,4) et le Costa Rica (48,7) se placent en queue de classement.

Ces inégalités reflètent la faiblesse institutionnelle des pays. D’après le Global Competitiveness Index 2018, réalisé par le World Economic Forum, le Honduras, le Nicaragua, le Guatemala et le Salvador sont classés respectivement 117ème, 122ème, 123ème et 131ème sur 140 en termes d’institutions. Ces mêmes pays sont classés 135ème, 151ème, 143ème et 112ème sur 180 pays selon l’indice perception de la corruption de Transparency International.

La pauvreté et les faiblesses institutionnelles participent à la violence endémique qui touche certains pays d’Amérique centrale. Les problèmes de violence pourraient coûter à la région 4,2% de son PIB[8], les pays les plus touchés étant le Salvador, le Honduras et le Guatemala (respectivement 140e, 136 et 138e en ce qui concerne le crime organisé selon l’indice de compétitivité 2018 du Forum économique mondial). La région se caractérise également par une importante vulnérabilité aux désastres naturels qui affectent négativement les performances économiques régionales (ouragans, tremblements de terre, inondations…).

Ces éléments favorisent la crise migratoire que traverse actuellement la région, symbolisée par la « caravane » de milliers de migrants remontant l’Amérique centrale depuis le Honduras en Octobre 2018. Selon les migrants eux-mêmes, les trois principales raisons de leur émigration sont : le manque d’emploi ou la crise économique dans leur pays d’origine (plus de 600 000 jeunes entrent sur le marché du travail et seuls 250 000 emplois formels sont créés) ; des salaires très bas et/ou des mauvaises conditions de travail et la violence ou insécurité[9]. 40,6% de la population hondurienne exprime la volonté d’émigrer, contre 36,3% au Salvador et 30,6% au Nicaragua. Même dans les pays considérés comme plus développés économiquement, cette volonté concerne 19,3% de la population au Panama et 16,8% au Costa Rica.

 2. Une nécessité d’assainissement budgétaire pour renforcer la résilience des pays centroaméricains

a) Une situation financière globalement stable

Les finances publiques des pays d’Amérique centrale sont globalement assez stables : le déficit budgétaire des gouvernements centroaméricains a atteint 2,3% du PIB, soit très légèrement moins que les 2,4% enregistrés en 2016 (voir le détail en annexe 4).  Les revenus des gouvernements ont en moyenne légèrement augmenté, passant de 16,0% du PIB à 16,3%, tandis que les dépenses totales ont augmenté de 18,4% à 18,6%. Les principaux facteurs expliquant la réduction des déficits ont été l’augmentation des recettes fiscales (+4,0% en moyenne dans la région entre 2016 et 2017) et une meilleure maîtrise des dépenses, principalement au détriment de l’investissement public.

La dette publique totale des pays de la région a augmenté en valeur absolue (+6% entre 2016 et 2017 pour atteindre 113 Mds USD) mais a très légèrement diminué rapportée au PIB (43,8% en 2017 contre 43,9% en 2016). L’évolution a cependant été hétérogène selon les pays ; le Costa Rica et le Honduras ont enregistré les plus fortes augmentations de leur ratio d'endettement public en pourcentage du PIB, le premier d'entre eux passant de 62,5% à la fin de 2016 à 64,6% à la fin de 2017, et le second, de 41,2% à 43,5% au cours de la même période.

À plus long terme, au cours de la dernière décennie, le ratio dette sur PIB des pays a augmenté de 9 points de pourcentage. Le Costa Rica et El Salvador se distinguent à cet égard (cf. infra). Ils ont non seulement enregistré une augmentation significative de leurs niveaux d'endettement (respectivement 18,1 et 23,2 points de pourcentage du PIB), mais ont également dépassé le seuil de 60% (ratio dette sur PIB), contrairement aux autres pays : 64,6% au Costa Rica et 74,1% au Salvador.

De façon générale, dans un contexte de pressions budgétaires accrues, la plupart des pays doivent procéder à un assainissement budgétaire pour reconstituer les réserves budgétaires et renforcer leur résilience face aux chocs internes et externes. L’objectif est d’augmenter les marges de manœuvre budgétaires face aux risques actuels, et dans le contexte de hausse des prix internationaux du pétrole. De même, suite à la hausse des taux d’intérêts et la politique de normalisation de la FED, le financement externe comme interne est devenu plus cher.

b) Une surveillance renforcée pour la Costa Rica et le Salvador

Au Costa Rica, la situation des finances publiques est préoccupante et demeure l’une des menaces les plus importantes pour la stabilité économique du pays : le déficit public est passé de 5,3% à 6,2% du PIB entre 2016 et 2017 et devrait atteindre 7,2% du PIB fin 2018 en l’absence de réforme fiscale, selon le FMI. Cette augmentation du déficit depuis plusieurs années est notamment due à la hausse du coût de la dette et à la croissance des dépenses courantes. Le nouveau gouvernement, qui a pris ses fonctions en mai dernier, est décidé à faire passer une réforme fiscale qui comprend à la fois des mesures d’augmentation des recettes et de réduction des dépenses (pour un impact total estimé entre 1,4 et 1,6 point de PIB par le Ministère des finances) mais celle-ci demeure extrêmement controversée et dénoncée par l’opposition. Le 23 novembre dernier, la salle constitutionnelle de la Cour Supérieure de Justice a donné son feu vert pour l’adoption de cette réforme, après avoir été saisie par une dizaine de députés d’opposition. Cette décision ouvre la voie à une avancée plus rapide du projet de loi et met fin à une longue période d’incertitude qui a entraîné une forte dépréciation du colon par rapport au dollar et un rebond des taux d’intérêt.

Le Salvador connaît le niveau de dette le plus important de la région : son ratio dette publique/PIB a atteint 74,1% du PIB, soit une augmentation de près de 7 points de pourcentage en 4 ans (67,7% du PIB en 2013). Le Salvador a entamé un assainissement de ses finances publiques, notamment après s’être retrouvé dans une situation de défaut de paiement en avril 2017 (impayé de 57 M USD d’intérêts). L’augmentation du ratio dette/PIB dette a été modérée en 2017 : (+0,9%) et a diminué au premier semestre 2018. Un effort important visant à contenir la croissance des dépenses publiques a également été mené, aux dépens des investissements. En novembre 2018, l’Assemblée Nationale a voté une réforme de la loi sur la responsabilité fiscale, prévoyant une période d’ajustement budgétaire de 5 ans. L’objectif de cette loi est notamment de plafonner la dette (hors retraites) à 50% du PIB et les dépenses de consommation (entendues comme rémunérations et biens et services) à 14% du PIB dès la fin de la période d’ajustement. La pression fiscale, quant à elle, ne devrait pas être inférieure à 18,5% du PIB dès 2021. Malgré ces améliorations, le Salvador reste pour l’instant le pays de la région avec la pire qualification de la dette souveraine pour les principales trois agences de notations, qui avaient toute abaissé leur note en 2017. (voir annexe 3).

De manière générale, les six pays de la région  peuvent être classés en deux groupes en termes de solidité financière. Le premier, composé du Panama, du Honduras et du Nicaragua correspond aux pays qui ont fait preuve d’une plus grande solidité financière et budgétaire au cours des dernières années, ou bien qui ont amélioré ces aspects en 2017. Dans le deuxième groupe, composé du Salvador, du Costa Rica et du Guatemala, la situation budgétaire s'est détériorée au cours des dernières années – bien que la situation du Guatemala reste l’une des plus saines de la région

c) Deux points communs : la faible pression fiscale et le faible niveau d’investissement public

La région se caractérise par la faiblesse de sa pression fiscale. Alors que les recettes fiscales atteignent en moyenne 34,3% du PIB dans les pays de l’OCDE, aucun des pays de la région[10] ne dépassent 23%. La charge fiscale du Guatemala est l’une des plus faibles du monde : 12,6%, suivie du Panama (16,6%) et du Salvador (17,9%) : ces faibles recettes limitent les marges de manœuvre budgétaires et la possibilité d’investissement public.

L’un des éléments ayant permis le maintien global des soldes budgétaires dans la région a par ailleurs été la réduction de l’investissement public. De façon générale, la région Amérique latine et Caraïbes est la région du monde où les investissements publics sont les plus faibles : 4,0% du PIB en moyenne depuis 2013, contre 12,2% en Asie de l’Est ou encore 8,9% au Moyen-Orient et Afrique du Nord. Les pays d’Amérique centrale sont particulièrement touchés par ce phénomènes, notamment suite aux réformes fiscales et aux coupes budgétaires qui ont touché plusieurs pays : le Salvador n’a dépensé que 2,2% de son PIB en investissement public en 2017 ; le Guatemala 2,7% et le Honduras 4,4%.

3. La dépendance aux financements externes est l’une des plus grandes vulnérabilités des économies centroaméricaines.

a) Des économies ouvertes…

Les économies centroaméricaines sont des économies ouvertes. Il convient cependant de distinguer deux-sous groupes : le Belize, le Nicaragua et le Honduras dont le taux d’ouverture[11] approche les 100% (respectivement, 113%, 97% et 102% du PIB en 2017) et le reste des pays dont le taux d’ouverture, bien qu’important, est moindre.[12]

La région est de plus en plus intégrée au commerce international, grâce à un nombre croissant de traités de libre-échange signés ces dernières années et des négociations en cours pour de nouveaux traités. En février 2018, la Corée du Sud a signé un traité de libre-échange avec cinq pays centroaméricains (Costa Rica, El Salvador, Honduras, Nicaragua et Panama) pour baisser ou éliminer les taxes d’importations sur 95% des produits. Le Salvador et Cuba ont achevé en juillet la deuxième série de négociations visant à approfondir leur accord commercial.

La Chine a une présence de plus en plus importante dans la région, et est devenue le deuxième ou troisième partenaire commercial des pays de la région. Le géant asiatique a déjà un accord de libre-échange avec le Costa Rica et des négociations pour un accord entre le Panama et la Chine ont débuté en juillet.  Les entreprises chinoises s’intéressent particulièrement aux projets d’infrastructures dans la région et participent à des projets d’investissement pour un montant total de 2 Mds USD (sans compter le canal de Nicaragua).

Les pays d’Amérique centrale cherchent également à approfondir leur intégration régionale : en 2017, l’union douanière entre le Guatemala et le Honduras est entrée en vigueur ; le Salvador vient d’y adhérer de manière officielle. En termes de facilitation des échanges, les pays de la région prévoient la mise en place d’une Déclaration Unique Centroaméricaine (DUCA), c’est-à-dire la mise en place d’un seul formulaire pour toutes les procédures douanières. Au deuxième trimestre 2018, 29,4% des exportations de la région ont été destinées au marché centroaméricain et 14,1% des importations provenaient du marché intra régional. Ce commerce intra régional a cependant été récemment affecté par la crise au Nicaragua (cf. supra).

Le déficit de la balance courante des pays centroaméricains s’est amélioré : il est passé de 2,3% du PIB en 2016 à 2,0% en 2017, notamment grâce au dynamisme des exportations et des remesas. Seul le déficit de la balance courante du Costa Rica s’est détériorée, passant de 2,3% à 2,9% de son PIB. Tous les pays sans exception ont connu une augmentation de la valeur de leurs exportations en 2017, avec une moyenne régionale de +7,1%. A noter également une augmentation importante de la valeur des importations (+6,4%), en raison de la montée des prix du pétrole.

Les IDE dans la région ont fortement augmenté (+9,8%) entre 2016 et 2017, atteignant un chiffre record de 12,1 Mds USD. Entre 2010 et 2017, les entrées d’IDE ont augmenté, affichant un taux de croissance de 7,9% : l’Amérique centrale est ainsi passée d’une participation de 3,9% au sein des IDE totaux reçus pas la région Amérique latine et Caraïbes à 7,8% du total.  En 2017, le Panama a capté près de la moitié des arrivées d’IDE (47,5%), suivi du Costa Rica (20%). Le Salvador, le Nicaragua, le Honduras et le Guatemala ont respectivement reçu 3,2% ; 8,2% ; 10,4% et 10,8% du total.

b) …mais dépendantes de la conjoncture américaine…

Les pays centroaméricains sont majoritairement tournés vers l’économie américaine, créant une vulnérabilité à la conjoncture américaine. En 2017, 37% des exportations de la région ont été à destination des Etats-Unis, avec en tête le Nicaragua (63%), le Honduras (58%) et le Salvador (46%) ; et 31% des importations provenaient du voisin américain. La majorité des IDE de la zone proviennent également des Etats-Unis : en 2016, ils représentaient 27% des IDE reçus pour la région, suivis de l’Union Européenne (17,2%) et des pays centroaméricains eux-mêmes (12,3%). La diversification des partenaires commerciaux reste donc un véritable défi pour la région afin de réduire son exposition à une détérioration éventuelle de la conjoncture des Etats-Unis.

La dépendance aux Etats-Unis se traduit également par la part importante que prend le pays dans les transferts de migrants, qui représentaient en 2017 7,7% du PIB régional. Près de 1,5 million de guatémaltèques sont installés aux Etats-Unis, et 2,5 millions de salvadoriens soit l’équivalent de 40% de la population du pays, et contribuent ainsi à l’envoi de remesas. Dans le cas des trois pays du triangle du Nord (Salvador, Honduras et Guatemala), les transferts provenant des Etats-Unis représentent plus de 80% du total des remesas reçues.

Cet afflux massif de remesas pourrait cependant être menacé : le Gouvernement américain a annoncé la fin du programme de Statut de protection temporaire précédemment accordé au Honduras, au Salvador et au Nicaragua, qui devrait prendre fin entre fin 2019 et début 2020. Selon des chiffres rapportés par de récentes enquêtes, la réduction des remesas pourrait représenter entre 4% et 12% du total des envois en fonds, dans le cas du Honduras et du Salvador, respectivemenent.

c)...et des financements externes

Face à un secteur public en retrait et à des retards de développement importants, le rôle des financements externes, de l’aide au développement et des banques multilatérales est primordial pour les pays d’Amérique centrale. 3 banques multilatérales et régionales de développement sont très présentes dans la région : la Banque Centraméricaine d’Intégration Economique (BCIE), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Banque mondiale, mais également la Banque de développement latino-américaine (CAF), bien que dans des proportions plus restreintes. Les financements bilatéraux sont également importants, avec plusieurs pays (Nicaragua, Salvador) bénéficiant de l’accord Petro-Caribe avec le Venezuela.

Cependant, plusieurs de ces financements sont menacés, notamment ceux octroyés par le Venezuela dans le cadre de Petro-Caribe et par les Etats-Unis dans le cadre de « Alliance pour la prospérité du Triangle du Nord d’Amérique centrale » (qui comprend le Honduras, le Guatemala et le Salvador, mise en place en 2014). Ainsi, dans le premier cas, les fonds se sont contractés depuis 2012 : au Nicaragua, par exemple, les montants reçus en 2017 via Petro-Caribe s’élevaient à 102,4 M USD (-58,8% g.a.), contre 729,3 M USD en 2012 et la coopération menace de s’arrêter au vue des situations respectives des deux pays. Les financements distribués par les Etats-Unis ont quant à eux baissé de -34% (g.a.) en 2018. En 2018, le Salvador devrait recevoir 46,3 M USD (- 36%) ; le Guatemala 80,7 M USD (-43%) ; le Honduras 67,9 M USD (-29%).

Concernant le Nicaragua, Le Nica Act (Nicaragua Investment Conditionality) – texte qui conditionne le vote des représentants américains dans les conseils d’administrations des IFIs à l’adhésion du Nicaragua aux principes démocratiques - a été approuvé par le Sénat américain le 27 novembre dernier. Compte tenu du poids des financements extérieurs (IFI – 7,2% du PIB en 2018), l’entrée en vigueur du Nica Act pourrait limiter les possibilités de financement extérieur pour ce pays.

 

Enfin, l’accès aux financements externes pour l’Amérique Centrale pourrait être entravé par la hausse des taux d’intérêt sur les marchés internationaux (en particulier aux États-Unis).

Les pays d’Amérique centrale connaissent une croissance relativement soutenue, néanmoins la situation macroéconomique des différents pays est hétérogène et les faiblesses structurelles continuent de grever le développement économique des pays de la zone. Les défis demeurent nombreux : renforcement de la compétitivité, amélioration de la gouvernance et de l’efficacité de la dépense publique, mise en place des réformes fiscales, lutte contre la criminalité… La diversification de leurs partenaires est fondamentale pour des pays dépendant étroitement des Etats-Unis sur le plan commercial et des flux de capitaux (IDE et transferts de migrants), en particulier dans le contexte d’un possible repli protectionniste. La réduction de la dépendance des pays d’Amérique Centrale aux financements externes, notamment compte tenu du contexte américain et de la crise au Venezuela, reste un enjeu majeur pour la région.

 

 



[1] Sont couverts dans le cadre de cette note : Guatemala, Costa Rica, Honduras, Salvador, Nicaragua, Belize et Panama.

[2] Indice Mensuel d’Activité Economique

[3] Le flux commercial entre Nicaragua et le reste d’Amérique Centrale totalisait 524,5 M USD avant la crise (158,8 M USD d’exportations nicaraguayennes et 365,7 M USD d’importations venant d’Amérique centrale).

[4] Les remesas représentent en moyenne 2,2% du PIB pour la région Amérique Latine et Caraïbes.

[5] Administrés respectivement avec des objectifs d'inflation explicites, des fourchettes de crédit et des mini-dévaluations quotidiennes annoncées à l'avance

[6] Les dernières données disponibles datent de 2015.

[7] Ce coefficient se calcule grâce aux inégalités observées dans les trois dimensions clés du développement humain (espérance de vie, éducation et conditions économiques). La moyenne mondiale en 2017 a été de 20,0. Les résultats des pays de la région sont les suivants : Costa Rica - 17,3 ; Panama – 21,1 ; Belize – 21,3 ; El Salvador – 21,9 ; Nicaragua – 22,6 ; Honduras – 25,2 ; Guatemala – 27,7.

[8] Selon une étude de la Banque interaméricaine de Développement (BID), publiée en 2017.

[9] Selon une enquête réalisée par le Collège de la Frontière Nord (COLEF)

[10] A l’exception du Belize (29,6%)

[11] Calcul de la Banque Mondiale: Exportations + Importations de biens et services en pourcentage du PIB.

[12] Costa Rica: 68%; El Salvador: 73%; Guatemala: 46%; Panama: 87%; chiffres Banque Mondiale 2017.