L’environnement global reste extrêmement favorable au développement du secteur minier en Australie. Si le cycle des matières premières reste haussier dans un contexte de grande volatilité, une correction des marchés ne permet néanmoins plus de parler de « boom minier ». Le niveau de contribution du secteur à la croissance économique de l’Australie demeure considérable, et des évolutions stratégiques semblent se préparer, auxquelles la France pourrait être associée.

1. L'Australie est au niveau international une figure dominante du secteur minier. Grâce à sa géologie exceptionnelle, le pays détiendrait les plus importantes réserves de nickel, de zinc, de plomb, d'uranium et de sable, le quatrième rang mondial de réserves de charbon, le troisième de cuivre, d'or et de diamant. Ses filons de minerai de fer représentent 30% des ressources mondiales. L’Australie est ainsi le premier producteur de bauxite, d’alumine, de titane, tantale et zircone, le deuxième producteur d’or, de minerai de fer, plomb, manganèse et lithium, le troisième producteur d’uranium, de zinc, nickel et d’ilménite, le quatrième de charbon (black coal) et d’argent, et le cinquième d’aluminium, de lignite (brown coal), diamants et cuivre. Premier exportateur d'or, de minerai de fer, de charbon, bauxite, alumine, le pays se classe au troisième rang mondial pour la production de minerais (en valeur), derrière les Etats-Unis et l'Afrique du Sud.

2. L’économie minière a été le plus important contributeur à la croissance économique australienne ces 50 dernières années. L’abondance de ressources a offert au pays un « miracle économique » : un record de 27 années de croissance ininterrompue. Le secteur des ressources minérales représente aujourd’hui 8% du PIB australien, 72% de ses exportations de biens et 57% de la totalité de ses exportations[1] (2017/2018). Le pays compte environ 400 sites, pour un tiers situés dans l’Australie occidentale, un quart dans le Queensland et un cinquième dans la Nouvelle-Galles du Sud, ces trois Etats constituant le cœur de l’économie minière.

3. Le secteur reste très dynamique, générant un revenu de 225 Mds AUD (sur 2017/2018), un record de profits opérationnels en 2017, et un nouveau record d’exportations attendu en 2018/2019. Les mines représentent un empire, que se partagent quelques grands acteurs suivis de nombreux, plus modestes, les junior miners, avec au total plus de 7000 entreprises, dont 700 dans le seul secteur de l’extraction. BHP et Rio Tinto sont les premiers groupes miniers, avec des capitalisations boursières respectives de 149 et 100 Mds AUD sur l’Australian Stock Exchange (ASX). Loin derrière figurent l’américaine Alcoa (24,1 Mds AUD), puis Fortescue Metals Group et Newcrest Mining (7,9 et 7,8 Mds AUD). Le secteur des ressources minérales représente à lui seul près de 20% de la capitalisation boursière sur l’ASX et près d’un tiers de la totalité des sociétés listées. Le secteur représente 2% des emplois, avec environ 246 000 emplois majoritairement en Australie occidentale. Quelques sites miniers dépassent 2000 emplois directs. Sur les 5 dernières années, l’emploi a toutefois diminué de 8,8%. Le salaire médian s’élève à 2175 AUD par semaine (soit 5500 € mensuels, avant impôt).

4. Les politiques publiques favorisent le développement du secteur en limitant les freins réglementaires. Le rôle de l’Etat fédéral est limité au cadre fiscal (Minerals Resource Rent Tax Act 2012), à l’investissement et à l’environnement (Environmental Protection and Biodiversity Conservation Act 1999, Leading Practice Sustainable Development Program in Mining initiative 2006). Le régime fiscal est composé de redevances à l’État ou au Territoire, et de l’impôt fédéral sur le revenu des sociétés. Les Etats, propriétaires des ressources minérales découvertes sur leur territoire, gèrent les droits sur les gisements, fixent et perçoivent les redevances, dont le régime et les taux varient par conséquent considérablement. En termes de gouvernance de projets, tous les Etats ont progressivement adopté des dispositifs visant à limiter l’impact environnemental et social des exploitations à partir des années 1970, et, exception faite du Territoire de la capitale, Canberra, disposent d’une autorité environnementale chargée d’évaluer l’impact du projet préalablement à l’octroi de l’autorisation (permis ou licence) d’exploitation par le ministre compétent (Environmental Impact Assesment, EIS). Ces études sont généralement publiques. Le processus d’approbation et les règles d’autorisation sont assez comparables dans l’ensemble des Etats.

5. Dans un contexte de ralentissement des investissements, l’Australie conduit une politique d’attractivité des investisseurs étrangers, c’est même la première priorité de la stratégie gouvernementale dans le secteur (Mineral attraction plan, dans la National Mineral Exploration strategy 2017-2022). Le secteur minier représente déjà le premier secteur d’investissement étranger, avec 37% de la totalité des montants investis sur le territoire en 2017 (315 Mds AUD). D’après l’index d’attractivité établi par le Fraser Institute[2], l’Australie occidentale, le Queensland et l’Australie méridionale sont les Etats les plus attractifs. Le droit commun est applicable, sur la base d’une instruction ad hoc par le Bureau d’examen des investissements étrangers (Foreign Investment Review Board, FIRB) et d’une approbation par le Trésor. Le secteur minier échappe au cadre favorable en matière de contrôle des investissements dont bénéficient les Etats ayant conclu un accord de libre-échange avec l’Australie (Chili, Chine, Corée, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande), se traduisant par la limitation du contrôle par le FIRB aux investissements supérieurs à 1,13 Md AUD. La Chine reste le premier investisseur étranger dans le secteur minier, lequel représente 35% de ses investissements en Australie (devant l’immobilier, 33%), en forte hausse à 4,6 Mds AUD en 2017 suite au rachat de la mine de charbon de Yancoal (Victoria) à Rio Tinto pour 3,4 Mds AUD[3].

6. Si le bénéfice économique du secteur est incontesté, les critiques se polarisent sur la performance environnementale des projets et l’équilibre des coûts et bénéfices de l’exploitation des ressources. Sur le volet environnemental, les entreprises sont confrontées à des difficultés croissantes pour le développement d’exploitations de charbon – illustrée à l’heure actuelle par le possible abandon par le géant indien Adani du grand projet de Carmichael dans le Queensland – et l’exigence d’études d’impact plus approfondies, notamment sur la qualité de l’eau. La production d’uranium fait aussi débat en raison de son impact environnemental et de ses utilisations à des fins nucléaires dans l’énergie et l’armement, et sa transformation est prohibée. Le ralentissement de la contribution du secteur à l’amélioration des conditions de vie de la population en regard des revenus générés fait aussi l’objet de critiques. Cette industrie est parfois considérée comme faiblement employée et taxée. Les Etats et/ou le secteur privé ont par conséquent créé des structures d’échanges avec les populations locales afin d’améliorer le dialogue et la transparence, tels que les comités consultatifs communautaires en Nouvelle-Galles du Sud ou le programme Pilbara Cities en Australie occidentale, utilisant les redevances au bénéficie des communautés isolées (1 Md AUD).

Commentaire

Si le secteur reste dynamique, le boom minier est révolu et le pays se prépare à un ralentissement à moyen terme, consécutif à une baisse de la demande. Les autorités souhaitent désormais s’engager dans une politique industrielle de valorisation et de développement de filières autour des minerais, afin de créer de la valeur, en particulier sur le marché des véhicules électriques avec le lithium (des experts estiment que le pays devrait répondre à lui seul à 48% de la demande mondiale à partir de 2021). Enfin, il convient de rappeler que l’Australie est l’un des rares pays ayant investi dans le secteur minier en France, avec la présence de deux entreprises australiennes.