Avec son écosystème favorable, le secteur numérique du ghanéen connait une forte croissance depuis près de 10 ans. De nombreuses entreprises, ghanéennes comme étrangères, s’installent ou se créent à Accra, à l’image de Google qui y dispose d’un centre de recherche en intelligence artificielle. Le Ghana dispose d’infrastructures développées dans le secteur des télécommunications et d’universités tournées vers le numérique.

1 – Porté par des entreprises étrangères et ghanéennes, le numérique est en pleine croissance.

Avec son écosystème favorable, le secteur numérique est en forte croissance au Ghana depuis 2010. La contribution du secteur numérique à la croissance économique est difficile à évaluer car les services proposés, parfois à titre gratuit, sont nouveaux et leur valeur ajoutée reste difficile à mesurer en comparaison de services ou de produits déjà existants. Ce phénomène rend la croissance très variable selon les années. En 2019, le PIB du secteur numérique connait la plus forte croissance au Ghana, à 46,5% alors qu’elle n‘était que de 4,2% en 2017[1]. Entre 2012 et 2017, la croissance moyenne du secteur était de 23,8%. Sa participation au PIB ghanéen passe de 1,6% en 2013 à 3,0% en 2019. Ce dynamisme s’explique d’abord par la démocratisation des téléphones mobiles et de l’accès à internet.  80% de la population ghanéenne est pourvue d’un téléphone et 35% des ghanéens possèdent un smartphone contre 15% en 2013. On compte 40,1 M d’abonnements téléphoniques au Ghana, dont 26,7 M permettent d’accéder à internet, pour une population de 30,4 M d’habitants.

De nombreuses entreprises du numérique, ghanéennes comme étrangères, s’installent ou se créent à Accra. Avec sa stabilité politique et son environnement anglophone, le Ghana est un point d’entrée idéal pour les entreprises étrangères qui souhaitent développer leur activité en Afrique de l’Ouest On voit ainsi de grandes entreprises s’installer à Accra, à l’image de Google qui y a installé l’un de ses laboratoires de recherche en intelligence artificielle. Des entreprises ghanéennes sont présentes de longue date comme Hubtel, Rancard et Dreamoval. La Banque du Ghana a délivré en 2020 la première licence bancaire d'émission de monnaie électronique au Ghana à la Fintech ghanéenne Zeepay. Des start-ups ghanéennes ont une activité à l’étranger malgré leur jeune âge. Ainsi, MeQasa, une plateforme dédiée à l’immobilier, a levé 500 000 USD de fonds auprès de Frontier Digital Ventures, une société malaisienne de capital-risque, en 2018. ExpressPay, qui offre un service de transferts de fonds, a levé 200 000 USD grâce au Remittance Grant Facility, fonds de coopération entre la Suisse et le Ghana.

Bien qu’il n’existe pas d’indicateur de suivi des levées de fonds, la Banque mondiale indique que 266 M USD de financements ont été obtenus par des start-ups ghanéennes au cours de 15 opérations en 2016 et 2017, contre 63 M USD au cours des deux années précédentes.

Les règles de contenu local restreignent toutefois l’arrivée de petites structures étrangères. L’entreprise française Keyops, startup filiale du groupe La Poste, qui propose une solution numérique permettant d’assurer la livraison de colis grâce aux bus et aux minibus, a dû créer une filiale à Abidjan pour se positionner sur le marché ghanéen.

Heureusement, le réseau d’incubateurs présent au Ghana bénéficie à la création d’entreprises. On dénombre 24 centres d’entreprenariat au Ghana, dont 16 incubateurs de starts-up et des espaces collaboratifs pour les entrepreneurs installés à Accra. Ces structures  peuvent être publiques ou privées. Deux incubateurs structurent l’écosystème accréen. Le Meltwater Entrepreneurial School of Technology (MEST) Accra intègre chaque année une dizaine d’entreprises africaines qui bénéficient alors d’un accompagnement technique et managérial, voire financier, pour renforcer leur potentiel de développement.  Ses occupants bénéficient de la présence continentale de l’institution, à Lagos, Nairobi et Cape Town. L’incubateur Impact Hub, avec une dimension plus collaborative, a bénéficié des visites du président de la République Emmanuel Macron[2], de la chancelière Angela Merkel et du premier ministre néerlandais Mark Rutte. Ce développement en cluster permettrait ainsi une diminution des coûts fixes supportés par les start-ups et des coûts de transaction pour les autres parties prenantes de l’écosystème.

 

2 – Malgré de bonnes infrastructures, la recherche de financements contraint l’innovation.

Le Ghana dispose d’infrastructures dans le secteur des télécommunications et d’universités orientées vers la recherche. Sa connexion à un réseau dense de câble sous-marin permet au Ghana d’avoir la 9ème connexion internet la plus rapide d’Afrique en 2014, avec une moyenne de 3,2 Mb par seconde. Le Ghana se situe derrière l’Ouganda et le Cap-Vert et devant la Zambie alors que la moyenne en Afrique est de 2,3 Mb par seconde. Cette infrastructure va être encore renforcée avec la pose d’un nouveau câble par Alcatel Submarine networks (ASN) entre le Portugal et l’Afrique du Sud qui desservira le Ghana et le Togo.

Par ailleurs, l’innovation et de la recherche sont mis au cœur de la formation supérieure par certains établissements ghanéens. L’université privée d’Ashesie a acquis une réputation mondiale en 2017 en remportant le prix WISE du Sommet de l’innovation pour les cursus fondés sur l’entreprenariat et l’innovation. Le laboratoire de recherche en Intelligence Artificielle de Google s’appuie sur le réseau de chercheurs de l’African Institute for Mathematical Sciences d’Accra. Le Ghana a par ailleurs bénéficié de l’initiative Project Link mené par Google dans certains pays du continent, dont l’Ouganda, pour l’installation de près de 10000 km de fibre optique à Accra et Kumasi. 

L’accès au financement reste toutefois un frein important au développement du secteur. La forte inflation et l’asymétrie d’information entre créanciers et emprunteurs potentiels entrainent les banques à pratiquer des taux d’intérêts très élevés, le plus souvent pour des prêts qui sont appuyés sur un collatéral. Le taux d’intérêt moyen de prêt aux entreprises du secteur privé était de 23,6% en décembre 2019, en baisse de seulement 0,3 point depuis décembre 2018. Ces taux restreignent l’accès au crédit alors que les banques commerciales manquent encore d’expérience dans le financement de start-ups. Il en résulte un difficile accès au crédit bancaire pour la création d’entreprises.

D’autres modes de financements se sont développés, comme les apports en nature, mais  restent marginaux. Les capitaux dévolus par les grands groupes présents au Ghana et les investisseurs étrangers, qui s’appuient sur le réseau local d’incubateurs pour identifier les start-ups à fort potentiel, constituent des leviers de développement crédibles mais induisent une forte sélectivité des projets. La difficulté à mobiliser des financements est exacerbée pour les femmes, souvent moins bien dotées en capital, contribuant ainsi à les écarter de l’expérience entrepreneuriale.

Si le pays dispose de plusieurs milliers d’entrepreneurs, il souffre encore d’un déficit de compétences élevé dans le domaine numérique, lié au manque d’équipements et d’enseignants formés dans l’éducation primaire et secondaire.

 

3 – L’Etat et les partenaires de développement appuient l’entreprenariat.

Les politiques du Ghana en faveur de l’innovation et de l’entreprenariat font partie intégrante de son modèle de développement. Elles concourent à développer la croissance et à la diversification de l’économie, qui doivent permettre la création d’emplois qualifiés à destination des jeunes ghanéens.

Le ministère de l’Industrie et du Commerce et le ministère du Développement des entreprises mettent en place une série de programmes visant à faciliter le financement de l’entreprenariat, dont certaines voient leurs prérogatives se chevaucher.

  1. Le Programme national pour l'innovation en matière d'entrepreneuriat (National Entrepreneurship Innovation Programme - NEIP) vise à accélérer le développement de la culture entrepreneuriale du Ghana et à soutenir le développement de PME au Ghana. Doté d’un capital de 10 M USD, ce programme pourra lever des fonds à hauteur de 100 M USD afin de financer le développement d’entreprises ghanéennes, dont la moitié aurait déjà été levée. Il est chargé de la mise en place de politiques gouvernementales, dont le « presidential pitch » qui apporte un soutien financier à 20 entrepreneurs, le « Presidential Empowerment for Women Entrepreneurs with Disability » dans le cadre duquel 1000 entrepreneurs femmes ou handicapés bénéficient d’un financement pour le développement de leur entreprise. Les entreprises sont encadrées par le NEIP bénéficient d’exemptions fiscales et d’aides à la formation. D’après l’institution, 45 000 entrepreneurs auraient bénéficié de l’un de ces programmes à ce jour, permettant ainsi la création de plus de 9000 entreprises.
  2. Le Conseil national des petites industries (National Board for Small Scale Industries – NBSSI) est un réseau national de 170 centres de conseil aux PME et aux entrepreneurs qui cherche à soutenir le développement d’entreprises déjà existantes. Le NBSSI a été chargé de distribuer l’enveloppe de 600 M GHS (env. 100 M EUR) de prêts garantis par l’Etat ghanéen à destination des entreprises en réponse à la crise du COVID-19. Ces financements sont assortis de conditions préférentielles, dont un moratoire d'un an sur les remboursements.
  3. Le Fonds fiduciaire de capital-risque (Venture Capital Trust Fund – VCTF) a été créé en 2004 et doté de 22,4 M USD pour développer le financement en capital-risque au Ghana. La Banque mondiale indiquait en 2019 que le modèle du capital-risque était encore peu développé et peu maitrisé par les acteurs économiques au Ghana.

Le programme Ghana Economic Tranformation Program de la Banque mondiale (200 M USD), validé en juin 2019, doit participer au développement des PME ghanéennes. Il prévoit une sous-composante dotée de 5 M USD pour la rationalisation des programmes de financement et de soutien à l’entrepreneuriat.  Cette initiative concernera en particulier le NBSSI et le NEIP, dont les fonctions connexes doivent permettre la fusion en un nouvel établissement pour l’entrepreneuriat qui rassemblera tous les programmes et politiques publiques sur le sujet et devrait prendre le nom de Ghana Entrepreneurship Authority (GEA). Ce programme prévoit aussi une composante destinées à financer les entreprises à hauteur de 78 M USD.

Outre la mise en place d’un environnement favorable à l’innovation, avec la mise en relation d’un milieu universitaire et de recherche performant à l’appareil producteur, l’innovation nécessite des bonnes infrastructures.


[1] La croissance économique s’est établie à 8,1% en 2017, 6,3% en 2018 et 6,5% en 2019.

[2] Qui, à ce titre, s’est vu érigé une statue dans les jardins de l’incubateur.